"La montée du vote FN chez les ouvriers traduit une demande de protection - physique, économique, sociale et nationale - non prise en compte dans l'offre politique des autres partis politiques. Il n'est pas étonnant que, étant la seule sur ce créneau électoral, Marine Le Pen prospère", écrit Jean-Philippe Huelin, l'auteur de la note "Où en est le vote ouvrier?".
"A l'heure où le discrédit des hommes politiques augmente (...) son discours sur la sécurité, sur la sortie de l'euro (...), sur la mondialisation (avec les déclarations selon lesquelles la France doit +se protéger davantage+) colle avec une opinion publique, particulièrement au sein du monde ouvrier, en demande de protection à tous les niveaux", poursuit la note.
Jean-Philippe Huelin relève que tous les instituts de sondages ont placé en tête au premier tour de la présidentielle, chez les ouvriers, Marine Le Pen (28 à 35%), devant François Hollande (21 à 27%), Nicolas Sarkozy (15 à 22%) et Jean-Luc Mélenchon (11 à 18%).
"Pour autant, souligne-t-il, le premier parti des ouvriers reste l'abstentionnisme".
Jean-Philippe Huelin se penche sur les raisons économiques, sociales, syndicales et autres qui ont conduit au "désalignement" progressif des électeurs ouvriers vis-à-vis des partis de gauche, puis à un véritable "divorce".
"Que reste-t-il de présence ouvrière dans les partis censés les défendre? Bien peu. Même si le PS n'a jamais eu un recrutement fort chez les ouvriers, la culture ouvrière lui est de plus en plus étrangère".
Mais il dénonce aussi très sévèrement "l'égarement stratégique d'une certaine gauche" qui, après "trente ans de prolophobie", en reprochant aux ouvriers de ne plus avoir des valeurs de gauche, a estimé nécessaire de "construire une nouvelle coalition électorale" plus diversifiée. Jean-Philippe Huelin vise là Terra Nova, un autre centre d'analyses.
"Quelle place accorder à l'électorat populaire et surtout aux questions politiques qu'il soulève?", s'interroge en conclusion l'auteur.
"La gauche social-démocrate française dispose de deux stratégies diamétralement opposées", soit celle défendue par Terra Nova voyant le soutien à la gauche venir d'un "agrégat de strates sociales assez hétéroclites", ou bien la stratégie d'une "gauche populaire".
Celle-ci, souligne l'auteur, "refuse l'analyse facile d'une dérive droitière d'un électorat ouvrier juste bon à s'abstenir ou voter pour le FN, et entend contre cela porter la centralité de la question populaire dans le débat public".