Souvent à São Paulo sortie des bureaux rime avec « il pleut des radeaux », ce qui entraine évidemment, dès la première petite éclaircie, une sur-concentration aigue dans les maigres bouches de métro…
Le premier réflexe est alors d’évaluer les dégâts. Au début on est vite impressionné par un rien, ensuite on prend de l’âge et des repères et — après quelques mois de pratique du collé-serré-des-heures-de-pointes — on relativise avec la phrase magique
« Bah, j’ai vu pire »
Ndla : Il est important lors de la prononciation de cette phrase de faire une légère moue, un regard blasé, et, surtout, de rehausser le tout avec un petit soupir, dont la position dans la phrase est laissée à la libre appréhension du protagoniste.
Lorsqu’on a triomphé du slalom humain, rendu ardu par le sol inondé, on obtient enfin — à grand coup de coude — sa place tant méritée dans le wagon. À ce jeu heureusement tout le monde fini par être gagnant un jour.
Généralement, plus votre station est proche plus vous êtes poussés au fond, cherchez pas, c’est mathématique, un peu comme la tartine et la confiture.
Bref à la fin de cette ruée épique le talent de chacun est mis à contribution : Soumis à la pression immuable de la foule, il faut repérer les crasseux, les mals rasés et les tordus de tout genre pour — après avoir placé ses coudes et genoux de manière stratégique — se retrouver loin des odeurs corporelles les plus prévisibles. Reste à supporter l’alchimie divine de la sueur mêlée aux divers parfums et déodorants.
Que les secondes paraissent longues dans ce maudit métro : bousculades, chaleur, rougeurs, odeurs, mal de tête et danse commune des corps amassés dirigés par le bon vouloir du conducteur … confortablement assis !
Une station, deux stations et enfin c’est la libération.
En observant la course effrénée des uns et des autres, je me fais souvent la même réflexion : plus le métro est bondé plus les gens sont pressés. La fatigue de la journée est soudain oubliée et les instincts les plus primaires sont ravivés.
Après avoir laissé les chimpanzés passer, l’horizon s’éclaircit et les mètres s’allongent sous mes foulées. Un escalator, ça y est j’aperçois la lumière, quelques pas et enfin la première bouffée d’air frais traverse ma gorge et inonde mes poumons : c’est la liberté !