Le Pâté en Croûte
revient de (très) loin par Patrick Faus
Il a eu très chaud notre pâté en croûte national ou pâté croûte, comme ils disent à Lyon et ailleurs. Ces dernières décennies, nous avons été très tiède avec lui. À l’exception de quelques fanatiques rétrogrades qui se cachaient honteusement pour assumer leurs goûts pervers, il avait mauvaise presse face à la modernité en marche. Il faisait grossier sinon vulgaire opposé à la légèreté ambiante, devant le déstructuré conquérant qui n’a rien conquis du tout. Hervé This le regardait comme une pièce de musée et allait nous le proposer en poudre. On ne le trouvait plus que sur les étals de quelques traiteurs mais le plus souvent dans un état qui nécessitait une certaine dose de courage et d’amour pour le mettre dans son assiette. Les Omega3, la santé au féminin pluriel, le sushi triomphant allaient avoir raison de lui et il allait retourner d’où il venait, du fin fond du Moyen-Age.
Soudain, alors que l’on y croyait plus, miracle, miracolo ! Une résistance s’organisa comme dans toute fratrie en danger. Une espèce en voie de disparition, ça motive. Porté par une vague de nostalgie et de regrets devant tout ce que nous allions perdre, le retour des vraies valeurs du terroir aidant, certains chefs et non des moindres remirent courageusement le pâté en croûte à leur carte. Paradoxalement, de jeunes chefs aussi, et là était la bonne nouvelle. Ils furent séduits par la difficulté et la patience nécessaire pour le construire, mais également par la liberté de choix qu’il offrait pour la farce proprement dite, les différents ingrédients que l’on pouvait utiliser et la palette des saveurs avec laquelle on pouvait jouer. On redécouvrit le charme de l’ancien, la beauté sauvage mais parfaite de cette recette hors normes, la puissance des goûts et la douceur du feuilletage, et puis il est beau vu de l’extérieur
La créativité de ces chefs, aidée par une bonne technique et un amour du travail bien fait, apporta une grande variété de saveurs au pâté en croûte. Les amateurs, gourmands et gourmets ne peuvent que s’en réjouir et il est vrai que l’on se régale à nouveau avec ce cher vieux pâté. Gourmets&Co le premier qui depuis presque une année, goûte, teste, rencontre les vainqueurs et les vaincus du Championnat du Monde, les anciens et les modernes, les chefs et les traiteurs, peut dire qu’à nouveau, et espérons pour longtemps, le pâté en croûte se porte drôlement bien.
Une histoire ancienne
Lorsque l’on creuse, on va loin. Il fallait s’en douter, l’ancêtre du pâté remonterait à l’Antiquité et même la Chine le connaissait. Dès le départ, ou presque, le pâté fut enfermé dans une pâte, d’où le nom peut-être.Vers la fin du XIIe siècle, le nom « pâté »
À la base, et malgré de nombreuses variantes, il est fait de viande de porc, de gibier ou/et de volaille entouré d’une croûte faite d’une abaisse de pâte feuilletée et plus récemment une gelée réalisée à base de bouillon de bœuf, parfumée le plus souvent au Porto, qui pénètre par une cheminée pratiquée dans la pâte. Dans la mémoire collective
Bientôt, de nombreuses régions firent leurs pâtés en croûte pour marquer leur différence et affirmer leur savoir faire à base de produits locaux. Déjà locavores mais sans le savoir et naturellement… De Chartres (au perdreau ou au faisan), de Corse (au merle), de Vendée (au lapin de garenne), de Périgueux (au foie gras truffé), d’Amiens (au canard), sans oublier les variations chaudes comme le petit pâté chaud de Pézenas, encore fabriqué dans cette ville du Languedoc. Disparu aujourd’hui, le Pâté de Pâques où l’on mettait des œufs entiers dans la farce.
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