Morceaux choisis - Pierre Clavilier
Par Claude_amstutz
J'habite un pays de glaise où les maisons en toutes saisons longent la falaise. Les étoiles se lèvent au son des chants des cormoransvenus des océans jusqu'aux terres essoufflées. Quelques mouettes échouées sur des rochers hurlent au-dessus les transparences blessées de cette houle souvent hostile d'une mer qui s'agite nuit et jour dans un mouvement répété depuis les débuts de l'éternité. Il y a là,sous ces cieux,où le soleil glisse,plus de sauvage que de civiliséet les hommes qui y viventportent inscrites sur eux leurs faces burinéesles failles dessinées par les escarpementsdélimitant leurs rivages où l'eau qui éclate contre la pierreforme une brume continuelle. J'ai donc grandi aux côtés des blocs de granitvagues monolithes oubliés par des géantsdébarquant làil y a longtemps.Ici, si l'on en croit la légende anonyme. Chacun la porte en son sein.Chacun la charrie dans es veinesjusqu'à colorier son sangd'un pigment différent des autres gens... Le cri de la mer a bercé mon oreille.Elle couvrit les pleurs du nourrisson.D'attendre les mugissements marinsj'ai fini par oublierles mugissements marinset les matins d'hiver étaient en cela semblables aux matins d'été. L'herbe ondulante y verdoie les prairies bousculées!A chaque échoun écueiloù l'écume blancherecouvre les profondeurs des bleus étendus.Une chapelle à demi écrouléese dresse à la pointe occidentale.Derrière un pharesillonnent les cieux orphelins.Une écoleoù résonnent encore quelques éclats de rire,les maisons,plus loinun cimetière enclos d'une muraille rocailleuseet plus rien.
Pierre Clavilier, Pays d'écueil, dans: Valère Staraselski, L'heure injuste - Anthologie poétique (La Passe du Vent, 2005)
image: Gregory Lepoutre (ornithopix.over-blog.com)