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(Pilote US) The Americans : agents infiltrés et conflits de loyautés sur fond de Guerre froide

Publié le 02 février 2013 par Myteleisrich @myteleisrich

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La première fois que j'ai entendu parler de The Americans, j'avoue avoir surligné le projet avec un peu d'excitation, laquelle n'a cessé de croître depuis. L'espionnage figure en très bonne place parmi mes genres de prédilection. A fortiori lorsque la fiction se déroule dans LE cadre par excellence pour une telle histoire : celui de la Guerre froide. Certes la télévision a pu nous proposer de solides oeuvres ces dernières années traitant de périodes plus récentes, comme Spooks ou Rubicon ; mais rien ne remplacera jamais la mise en scène de la confrontation Est-Ouest. Je serai éternellement fascinée par ce parfum caractéristique qui flotte dans les grands chefs d'oeuvres d'espionnage que sont des séries comme The Sandbaggers ou Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe).

Avec The Americans, qui a débuté ce mercredi 30 janvier 2013 aux Etats-Unis, nul besoin d'aller exhumer des productions des décennies précédentes : c'est FX qui nous renvoie directement au début des années 80, alors que la Guerre froide est relancée par différentes décisions. Sur le papier, cette série, créée par Joe Weisberg, rassemblait théoriquement tous les ingrédients pour me plaire, de son sujet jusqu'à son casting. Si le pilote reste avant tout un premier contact, inutile d'entretenir le suspense : l'introduction est parfaitement réussie ! Cela faisait quelques temps que je n'avais pas apprécié un premier épisode de série américaine autant que j'ai aimé celui de The Americans. Et cela fait du bien.

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The Americans s'ouvre aux Etats-Unis en 1981. L'URSS est intervenue en Afghanistan l'année précédente, Reagan débute tout juste son premier mandat... L'atmosphère s'apprête à se glacer une dernière fois, conduisant à une ultime escalade avant que l'un des deux acteurs de l'opposition qui aura scindé le monde en deux pendant plusieurs décennies ne disparaisse. Et il y a quelque chose d'assez ironique, trois décennies plus tard, à voir une série américaine se replonger dans cette période en adoptant le point de vue d'agents... du KGB.

En effet, The Americans met en scène un couple d'Américains ordinaires, Phillip et Elizabeth Jenning, qui semblent vivre une vie calme, rangée et heureuse. Habitant en banlieue résidentielle, mariés et ayant deux enfants, pour le monde extérieur, ils apparaissent tout simplement comme les représentants parfaits de l'american way of life de ce début des années 80. Mais derrière le poster, la réalité est tout autre : agents russes arrivés sur le sol américain dans les années 60, ils ont surtout tout fait pour se fondre sciemment dans le décor.

Jusqu'à présent, ils ont pu construire leur vie américaine et mener leurs missions sans éveiller de soupçons. Cependant, dans un contexte de recrudescence des tensions entre les Etats-Unis et l'URSS, et avec les inquiétudes des services du contre-espionnage américain dont un agent du FBI vient même s'installer dans leur voisinage au cours du pilote, ils vont voir leurs vies se compliquer un peu plus.

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The Americans signe un pilote extrêmement efficace dont le grand mérite est de très bien introduire l'univers et les enjeux de la série. L'écriture est solide, profitant pleinement de la durée relativement longue - 1h10 - pour soigner les détails du cadre et des personnages. Si le rythme n'est pas égal tout au long de l'épisode, sa construction assurée met habilement l'accent sur un des grands attraits de son concept : l'intéressant mélange des genres qu'il va occasionner. Tour à tour drame familial, questionnement identitaire et fiction d'espionnage, la série a pour elle une richesse potentielle de thèmes et d'approches qui s'annonce extrêmement prometteuse. Au cours de ce pilote, elle se montre convaincante et solide dans chacune de ces différentes facettes, retenant sans faillir l'attention du téléspectateur. Assez logiquement au vu du synopsis, ce sont d'abord les bases d'un divertissement d'espionnage efficace qui sont posées au cours d'une séquence introductive parfaitement exécutée. En quelques scènes clés, se voulant représentatives, on y suit nos deux protagonistes principaux au cours d'une mission qui sera finalement un échec. L'épisode en profite pour également délivrer quelques brèves scènes d'action qui prouvent que la série n'aura pas de difficulté à intervenir dans ce registre lorsque son histoire et ses rebondissements le nécessiteront.

Après un tel démarrage, la tension reste ensuite constante en arrière-plan, chaque petit détail du quotidien rappelant la réalité de la situation des Jennings. Elle ressurgit tout particulièrement au cours de quelques passages qui font office de piqûres de rappel des scénaristes. En effet, au-delà du danger représenté par les missions (souligné dès le départ), existe aussi celui d'être exposé par les autorités américaines. Pour pimenter les choses, le pilote use ici d'une coïncidence qui peut sembler dans un premier temps excessive : l'emménagement en face des Jennings d'un agent du FBI du contre-espionnage. Mais la présentation progressive de ce personnage légitimise peu à peu cette ficelle narrative. Ayant récemment terminé une longue mission d'infiltration, où il a cultivé sa paranoïa, il est un écho parfait au couple principal. Ayant aussi appris que la procédure n'est pas toujours la voie à suivre, il nous offre une dernière scène du pilote hautement symbolique. Elle met en exergue la précarité de la vie bien ordonnancée des Jennings, tout en montrant combien ces derniers restent sur leurs gardes, déterminés à protéger leur existence. Un simple plan de caméra dévoilant Phillip, dans l'ombre, armé et prêt à abattre l'agent s'il avait découvert quoique ce soit pour étayer ses soupçons, l'illustre à merveille. En résumé, la série semble être en mesure d'assumer et de manier tension et divertissement d'espionnage avec brio.

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Cependant The Americans ne saurait se limiter à un simple récit d'espionnage, et c'est là sa grande richesse. La situation dépeinte dans ce pilote est atypique, soulevant des conflits originaux dont le traitement s'annonce très intéressant. Nous avons là deux agents, réunis professionnellement pour une mission au long cours. Dans ce but, ils ont eu des enfants et entretiennent l'illusion de la cellule familiale américaine type. Première question soulevée d'emblée, en découvrant Elizabeth en train de soutirer des informations à un haut placé américain en plein ébat sexuel : au sein de ce couple artificiellement créé par les ordres de leurs supérieurs, où se positionnent Phillip et Elizabeth l'un par rapport à l'autre ? A un moment donné, avec tout ce qu'ils ont partagé, le jeu des apparences est-il devenu réalité ? Des sentiments sont-ils nés entre eux ? De plus, avoir fondé une famille a introduit une nouvelle priorité à prendre en considération. Deux loyautés peuvent potentiellement entrer en confrontation : entre le pays et les enfants, qui doit avoir la primauté, un vieux serment prêté il y a deux décennies ou la réalité de la situation actuelle ? Toutes ces problématiques s'annoncent centrales au sein de la série, et l'approche psychologique et nuancée avec laquelle l'écriture les traite dans ce pilote rend optimiste pour la suite.

Car Phillip et Elizabeth sont très dissemblables, avec chacun leurs propres aspirations, leurs propres interrogations et leurs propres hiérarchies des priorités. Elizabeth a conservé ses certitudes et son nationalisme, profondément fidèle à son pays. Elle en peine même à admettre que ses enfants se transforment sous ses yeux en adolescents américains moyens. A l'opposé, Phillip nourrit beaucoup de doutes : c'est la famille qu'ils ont fondée qu'il veut d'abord préserver. Il rêve de voir cette illusion se transformer en réalité et d'en finir avec cette double vie : pourquoi ne pas, comme tant d'autres, faire défection ? Si la caractérisation des deux personnages est soignée, le plus fascinant dans ce pilote est la dynamique de couple introduite. Nourri d'ambivalences, un lien fort n'unit pas moins les deux personnages. Phillip est certes celui qui est le plus investi dans cette relation, mais la manière dont le couple se retrouve à la fin, partageant un degré de compréhension et une alchimie rares, démontre la complexité de leurs rapports.

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Solide sur le fond, The Americans convainc également sur la forme. La reconstitution des années 80 est appliquée, qu'il s'agisse du cadre comme de l'utilisation d'une bande-son qui fleure bon cette période : qu'il s'agisse de passages uniquement musicaux (la course-poursuite du début par exemple est assez jubilatoire) ou bien le recours à quelques chansons parfaitement en adéquation (Phil Collins flotte In the air tonight après avoir vu ce pilote). Les quelques scènes d'action sont également bien réalisées : sans que la série ne bascule dans ce genre, elle impose d'emblée une crédibilité appréciable aux différentes facettes de la vie des espions. Si le générique n'apparaît au cours de ce pilote, il a cependant été dévoilé par ailleurs (cf. la deuxième vidéo ci-dessous) et se révèle très bon : il partage avec d'autres fictions récentes ayant pour thème l'infiltration - à savoir Sleeper Cell et Homeland - une approche où se mêlent images d'archives/d'actualité et images des protagonistes de la fiction. Recontextualisant avec nombre de symboles les enjeux de la série, il se montre des plus attrayants pour donner le ton.

Enfin The Americans a aussi pour elle de bénéficier d'un casting tout simplement impeccable, avec un duo central qui sait tirer le meilleur parti des solides personnages qui sont introduits. Keri Russell (Felicity) propose un personnage intense, armée de ses certitudes. Tandis que Matthew Rhys (Brothers & Sisters - qui retraverse l'Atlantique après une année passée outre-Manche dans The Mystery of Edwin Drood ou encore The Scapegoat) dévoile plus de doutes, mais partage ce même froid professionnalisme notamment durant les scènes d'action. Jouant dans des registres à la fois différents et complémentaires, et dotés d'une très bonne alchimie, les deux acteurs trouvent immédiatement le ton juste. Face à eux, c'est Noah Emmerich (récemment croisé dans quelques épisodes de White Collar ou de The Walking Dead) qui interprète leur nouveau voisin du FBI instinctivement soupçonneux, avec pour collègue de travail un agent joué par Maximiliano Hernandez. Keidrich Sellati et Holly Taylor jouent les enfants du couple Jennings. Du côté des protagonistes secondaires, on retiendra tout particulièrement la présence annoncée de Margo Martindale.

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Bilan : Doté d'une écriture solide et nuancée, The Americans signe un pilote maîtrisé et convaincant. Tout en esquissant des portraits intéressants, tout en finesse psychologique, de ses personnages principaux, il laisse entrevoir le potentiel prometteur de son concept de départ, positionnant la fiction à la croisée de différents genres. Au-delà du récit d'espionnage, c'est une déclinaison très particulière du drama familial qui se dessine. Dans une fiction où la dualité est maître-mot, les différents rapports mis en scène semblent destinés à rester ambigus ; et dans cette optique, de nombreuses problématiques méritent d'être explorées. Il faudra voir comment la série maintiendra son équilibre entre ces genres à moyen terme, mais, assurément, je serai devant mon petit écran pour l'apprécier ! A suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :



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