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Reportage du Nouvel Observateur sur notre partenaire Action Froid

Publié le 02 février 2013 par Asse @ass69014555

photo_maraudes_actions_froid_nouvel-obs.pngNe vouloir remplacer personne, mais appuyer ce qui existe déjà dans un souci de complémentarité, tel est le crédo d'ActionFroid et de tout nos partenaires.

ActionFroid va prochainement fêter sa première année sur le terrain de la misère. Un reportage du Nouvel Observateur.


Nouvel observateur action froid 31 01 2013
Par Celine Rastello

"Où sont les pantalons hommes ?", lance à la cantonade Shirley, un brin débordée, un sac de supermarché dans une main, une agrafeuse dans l'autre. Sa mission : étiqueter chaque sac de vêtements puis assurer leur répartition dans la petite dizaine de voitures qui participera, quelques heures plus tard, aux maraudes
parisiennes auprès des sans-abris. Ce 19 janvier, comme
chaque samedi après-midi, dans le jardin d'Arcueil (Val-de-Marne) du fondateur d'Action Froid Laurent Eyzat, c'est l'heure du tri. "On manque d'écharpes, bonnets et gants", constate Sylvie depuis le garage où s'amoncellent blousons, pulls, et chaussures de toutes
tailles provenant des dons de particuliers.

"Le bouche-à-oreille fonctionne bien, les bénévoles rapportent eux-mêmes des vêtements, en parlent à
leurs collègues de travail, et une boutique et une ressourcerie servent de points de dépôt à Paris",
explique Laurent Eyzat, sympathique quinquagénaire, le téléphone vissé à l'oreille. Un soir de la "vague
de froid" de février 2012, redoutant les titres de presse du lendemain annonçant "de nouveaux décès de
SDF", ce salarié dans la communication visuelle qui ne "se voyait pas" rejoindre "une grosse structure" s'est demandé quelle "initiative personnelle" pouvait venir en aide aux plus démunis. Il a pensé à Facebook. Et a très vite récolté les premières promesses de dons. Il a d'abord investi dans des couvertures de survie. Avant d'organiser les maraudes, porté par l'enthousiasme de plusieurs bénévoles. Sur les coups de 18 heures, une dizaine de personnes s'activent à terminer le tri, réchauffer la soupe et préparer les cagettes. Deux par voiture : une pour les produits d'hygiène, l'autre pour les boissons chaudes et les brioches.

La veille au soir, on a parlé d'eux à la télévision. Résultat : 40 mails de "nouveaux" tentés de rejoindre
l'équipe. "On prend tout le monde, c'est avant tout un mouvement citoyen" rapporte Isabelle Rouger, 48 ans, "numéro 2" d'Action Froid qui a toujours le sourire. Certains restent, d'autres n'adhèrent finalement pas. "La réalité de la rue est pour certains plus difficile que pour d'autres". Anne, grande brune aux cheveux courts, observe. Elle vient d'arriver. Comme la plupart, elle "y pensait depuis un moment" et "l'approche simple et humaine" de l'association l'a convaincue. Pierre, 56 ans, peste en réorganisant un coffre de voiture mal agencé pour la distribution. Contrairement à d'autres, il sait faire : il maraude aussi à la Croix-Rouge où "tout est strictement organisé".


Pierre ressent un "besoin d'aider, de filer un coup de main" qui lui vient notamment du "très mauvais souvenir" des deux ans qu'il a vécus à la rue, dans les années 80. "Il manque des cagettes" entend-on. Mais après un bref point avec "Laurent", il faut partir. Direction le 12e, à Paris, d'où les équipes seront dispatchées vers six arrondissements de la capitale. A peine le moteur allumé, les bénévoles repèrent une tente dans un parking. Ils se présentent. Pas de réponse. Ils n'insistent pas : "On ne réveille pas un SDF qui dort" explique Ivan Mouton, un "ancien" d'Action Froid qui a longtemps fait de l'humanitaire en Afrique. Il note le lieu de la tente. Il repassera samedi prochain. Nouvel arrêt devant le Jardin des Plantes. Emmitouflée dans une couverture de survie, une femme aux cheveux gris reste, "comme d'habitude", mutique. Elle ne veut rien. Sous l'abribus, à côté, une petite voix appelle. Les bénévoles proposent à cette femme qui a du mal à se déplacer d'appeler le 115. Elle l'a déjà fait, et le Samu social arrive. Les bénévoles filent alors saluer "Michel" dont la tente est à côté.

Plusieurs jeunes Roumains sortent d'une cahute faite de barrières de chantier. Le temps d'un café, ils passent commande de chaussures pour la semaine suivante. "C'est mieux que la Redoute" plaisante Frédéric, 46 ans, devant la gare d'Austerlitz. Après la perte de son travail, une dépression et des "problèmes financiers", il a passé plusieurs mois dehors. Celui qui cherche actuellement du travail dans la restauration a trouvé une place en foyer jusqu'en mars, mais est tout de même là. Pour saluer les bénévoles qu'il connaît bien, et pour "faire le lien" avec les autres SDF. La semaine dernière, il a "commandé" un téléphone portable pour un ami à la rue. Via Facebook, Ivan lui en a trouvé un. Un homme récupère des sous-vêtements, quand Frédéric désigne un jeune couple en pleurs recroquevillé devant la gare. Ils sont Portugais, devaient rejoindre une personne qui leur a promis du travail, et, sans le sou, ne savent où aller.

Alexandre, 22 ans, à la rue depuis 5 ans

Tandis que Sylvie cherche une couverture pour la jeune femme, un groupe de sans-abris approche. L'un d'eux, qui semble vouloir la même chose, hausse le ton. Ivan gère la situation tandis que Sylvie appelle le 115, "pas de place, priorité aux personnes âgées", puis le "115 du particulier". Lancé l'an dernier sur Facebook, il met en lien des personnes acceptant d'héberger des sans-abris. Pendant ce temps, Alexandre, 22 ans, à la rue depuis 5 ans, explique qu'il est bien inscrit en foyer mais "les gens s'y droguent". Il n'y a pas si longtemps, il avait un travail dans la maçonnerie, mais pas de logement : "quand t'as un travail et pas de logement c'est compliqué, mais quand tu cherches un logement, on te dit de trouver d'abord du travail..."

Un an après sa création, l'association Action Froid, qui a développé une "quinzaine d'antennes" en province, est constituée à Paris d'un noyau dur d'une vingtaine de bénévoles. Et, assure son fondateur, de plus d'une centaine de personnes au total qui aident quand elles le peuvent. Une absence de contrainte ou d'engagement à long terme qui a séduit plus d'un bénévole : "On donne ce qu'on peut ou ce qu'on veut, quand on peut" résume Shirley. "Certains ont voulu aider via les grosses structures, mais on n'a pas voulu d'eux" assure un autre bénévole. Un peu plus tôt, Shirley livrait son appréhension avant la première maraude, sa peur "d'être trop empathique". Une crainte bien légitime selon le directeur de l'action sociale de la Croix-Rouge Didier Piard. S'il ne peut que saluer la démarche et admet les limites des associations qui "ne peuvent répondre à tous les besoins", il rappelle "qu'on ne s'improvise pas bénévole" et qu'aucun bénévole de la Croix-Rouge ne maraude sans formation. En vue, entre autres, d'éviter justement "l'empathie, le débordement difficile à gérer."

Action Froid "ne veut remplacer personne"

Didier Piard évoque le risque de "situations difficiles qui peuvent mal finir" entre un bénévole "dépassé" et un sans-abris "qui peut se sentir abandonné". C'est toutefois une bonne chose, poursuit-il, que les maraudes d'Action Froid aient lieu le week-end, quand les autres associations sont surtout présentes en semaine. Et milite pour une "vraie coordination territoriale" entre associations en vue d'un maillage plus large. Laurent Eyzat confie quant à lui "ne vouloir remplacer personne, mais appuyer ce qui existe déjà" dans un souci de complémentarité. Rencontré en début de soirée sous sa tente des quais de Seine, Tony remercie les bénévoles "pour le temps qu'ils passent" avec lui. Vers 23h, les bénévoles d'Action Froid plient boutique. Leur téléphone sonne. C'est un appel du 115 du particulier. Un couple de région parisienne propose aux jeunes Portugais de les héberger.


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