C’est la fin de l’hiver. En alliance avec la mer et les plages du débarquement de Rivedoux et de Sablanceaux, le pont de l’ile de Ré, trace avec le continent une sorte de ligne de démarcation épaissie par le rideau de pluie. Les rares voitures continuent de passer de l’autre côté, là où la vie promet de s’arrêter. Familles, familiers, nantis propriétaires de villas à vendre, sportifs élégants juchés sur de vieux vélos, amoureux de la mer, des oiseaux et des marais, peintres, photographes, poètes, penseurs...
Les volets verts sont fermés et la mer a des teintes grises. Dès le lever du pâle soleil, les rares cyclistes en mal d’escampette affrontent, sur les pistes cyclables, les tirs obliques du vent et la poudre des marais salants. Et les blancs goélands passent en estafettes, indifférents aux tourments des hommes. Dans « le Misanthrope » de Molière, Alceste est de ceux-là. Fatigué du monde et de ses vanités, des masques et des « tours de souplesse dorsale », le héros de la pièce favorite de Rousseau s’est lui aussi retiré du monde. Il aspire à une retraite écartée, à une sorte de paisible hermitage qui servirait de refuge à sa mélancolie.