Non à la zone d’exclusion pour les loups !
par Jean-Vincent Placé, EELVMonsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Rapporteur, Chers collègues,
C’est avec un grand intérêt que j’interviens ici, du fait de ma sensibilité au sujet en tant qu’écologiste bien sûr, mais aussi parce que débattre de la situation d’une espèce naturelle, et qui plus est, quasi mythique comme le loup, est très rare dans cette enceinte.
Quasiment aussi rare que ne l’est le loup. Traquée et exterminée, cette espèce autrefois présente dans tout l’hémisphère nord, a fini par disparaitre de notre territoire dans les années 1930. Puis, protégé par la convention de Berne et par la directive européenne dite « Habitat Faune Flore », le loup est revenu naturellement dans notre pays en 1992, et sa population, estimée aujourd’hui à 250 individus, s’étend sur toutes les Alpes et commence à refaire son apparition dans la partie est des Pyrénées, le Massif Central, le Jura et les Vosges. Oui, chers collègues, le loup est en phase de recolonisation naturelle mais il n’est revenu que sur 0,5% de son aire de répartition originelle.
Le retour du loup dans nos territoires est une bonne nouvelle car cela reflète un enrichissement de la biodiversité. Et la diversité biologique est une ressource vitale dont nous, humains, dépendons de multiples façons.
Prenons un exemple. Le loup, prédateur naturel qui capture ses proies naturelles, empêche la concentration des grands ongulés sauvages qui compromettent la régénération naturelle de la forêt et les jeunes plantations. Il élimine les individus faibles ou malades empêchant la propagation des maladies et élimine les chiens errants.
Conscients de la nécessité de préserver la diversité biologique – ou du moins, d’enrayer son érosion – nous nous sommes dotés au niveau international, européen et national de toute une batterie de textes. Au niveau international, la protection de la biodiversité fait l’objet d’une véritable dynamique en ce moment. Et nous nous nous réjouissons qu’une grande loi sur ce sujet soit en préparation dans vos services, Madame la Ministre.
Par ailleurs, les représentants des pays occidentaux sont toujours prompts à porter des discours généreux sur la protection des espèces dans les pays où existe encore une faune sauvage mais sont les premiers à dire que tout cela est beaucoup trop compliqué à mettre en place chez nous !
La réponse que la France donnera sur le loup sera analysée dans les négociations internationales en cours. Elle reflète la manière dont on porte le discours sur la biodiversité ; c’est donc un sujet extrêmement important sur le fond.
Le loup est un peu le Janus à deux têtes de nos montagnes : D’un côté, le loup fascine. Il constitue un vecteur d’image sur la qualité des milieux naturels, support d’un tourisme respectueux de la nature. Et l’on ne doit pas oublier le poids économique du tourisme dans notre pays, ni son rôle essentiel pour l’activité des territoires de montagne.
De l’autre côté, il est inutile de se voiler la face sur le fait que le loup fait l’objet de peurs ancestrales alimentées par des récits terrifiants perpétrés de génération en génération. La « peur du loup » qui a accompagné notre enfance s’est probablement transformée chez les adultes que nous sommes en crainte disproportionnée au regard du danger et des dégâts réels occasionnés par le loup.
Car de quels dégâts parle-t-on ?
Sans minimiser les dégâts causés par le loup, reprenons les chiffres En 2012, on dénombrait 4.920 attaques imputées aux loups, ou plutôt pour lesquelles la responsabilité du loup n’est pas exclue. Ce qui signifie que parmi ces morts, pour certaines subsiste un doute sur la cause du décès. Le cheptel ovin s’élevait à 7,6 millions de têtes environ en France, soit environ 700.000 individus dans les zones concernées par la présence des loups.
Cela veut dire qu’en 2012, 0,6% des ovins dans les zones de vie des loups sont morts peut-être à cause d’un loup, soit 0,06% sur l’ensemble des ovins de France.
Inutile de préciser que le loup est une cause infime de la mortalité des bêtes et n’est pas le premier des problèmes de la filière agropastorale dans notre pays.
Or, avec les chiffres que je viens de vous donner, je considère que vous faites du loup un bouc émissaire des difficultés de la filière pastorale.
Il est vrai qu’il est plus facile de s’en prendre aux canidés qu’aux mécanismes du commerce international qui en trente ans ont fait chuter les cours de l’élevage ovins-viande de moitié ; ou aux mécanismes compensatoires de la PAC qui l’ont défavorisé par rapport aux autres productions d’élevage.
La filière se porte très mal et 2/3 du revenu des éleveurs provient des subventions publiques. Cette situation est insupportable et mérite un traitement urgent.
Certes les éléveurs sont en difficulté, c’est indéniable et j’en profite pour leur adresser mon soutien. Mais croire qu’en agissant sur les loups, on va résoudre le problème de l’élevage ovin est un leurre, le problème étant bien plus vaste que cela.
Face à ces problèmes complexes, cette proposition de loi n’apporte aucune réponse.
Si l’on veut améliorer les choses, il nous faut organiser la cohabitation entre les hommes et leurs activités et les loups. A proportion égale, les loups mangent deux fois plus de brebis en France qu’en Suisse! Des solutions existent donc et je suis sur que la concertation ouverte par Madame la Ministre et qui rendra ses travaux la semaine prochaine sera éclairante sur ce sujet.
Chers collègues, vous l’aurez compris, tirer sur les loups ne nous semble pas une solution optimale pour protéger les activités agropastorales de notre pays, et pour les raisons que j’ai exposées, le groupe écologiste votera bien entendu contre ce texte.
Jean-Vincent Placé