Lettre à ce blogueur de gouvernement là… Et pas des moindres. Parce qu’il le vaut bien. Et me semble symptomatique de la pensée de bien d ‘autres…
Toute la journée, comme elle fut plus que lourde, chargée, intense, et bien occupée, au point que je n’ai pas trouvé pour la première fois depuis l’ouverture de ce blog il y a plus de 4 ans la moindre minute de liberté pour enfin bloguer, j’ai pu maturer ma rage. Le temps de ronger mon frein pour lui donner une forme acceptable, en canalisant ma colère sous des atours plus présentables….
La raison ? Ce billet de Juan, qui m’avait habitué à des tours moins pendables. Intitulé « Un peu de maturité politique, que diable ! », il commence ainsi :
» J’ai entendu hier un manifestant de la fonction publique expliquer au micro d’une radio publique combien rien n’avait changé pour lui depuis 9 mois que François Hollande était élu. » Et d’ajouter : » le besoin de caricaturer les enjeux reste essentiel. On se retrouve donc avec ce genre de slogan débile: « pour moi, rien n’a changé en 9 mois ». Et le coeur de l’argumentaire glorieux de cet hollandisme triomphant serait donc ici : « Se plaindre de l’austérité prétendument à l’oeuvre en France est une bêtise.«
Je ne sais pas pourquoi, mais je sens ici comme une fine allusion d’une haute tenue politique pleine de sous entendus fielleux à propos de notre campagne, que je soutiens de toutes mes forces pour son altérité régénératrice de ma propre pensée personnelle sur un sujet qui, en Europe, ne souffre manifestement pas de contestation. Il est en effet évident que nous dépensons déjà bien assez, notamment pour nos pauvres et nos smicards qui gagnent encore beaucoup trop si l’on en juge par le prisme du mètre étalon de la pensée économique orthodoxe européenne… Sur laquelle notre bon président n’a pas souhaité se désolidariser, contrairement à ses prétentions pré-électorales, destinées de toute évidence à faire de la concurrence à Mélenchon… de manière beaucoup moins crédible et bien plus illusoire, comme le démontre son action depuis son élection. Ainsi, il est à présent démontré que la prétendue réforme promise sur la séparation nécessaire des activités des banques entre dépôt et spéculation ne concernera péniblement que quelques pour cent des affaires traitées. Beau résultat, pour le pourfendeur de l’ennemi invisible…
Oui, Juan, bien que ma volonté soit aujourd’hui de tenter de respecter les uns et les autres malgré ma nature tempétueuse, j’ai la rage. Car je prends fait est cause pour l’imbécile que tu as choisi dans la foule de brocarder du haut de ta tour d’ivoire. Je pourrais être celui-là. Un simple militant parmi d’autres, voire même pas du tout, peu politisé, genre gauchiste au front bas, mais bien de gauche, lui, qui prend fait et cause pour l’homme ou la femme de la rue comme il se doit, face aux puissants. Car je n’oublierai jamais que je ne suis pas quant à moi issu de la cuisse de Jupiter….
Comment, l’austérité, en France, n’existerait pas ? Je t’invite donc dans ce cas à changer de boulot, de mode de vie ou de lunettes, et à te faire travailleur social…. Ainsi, tu verrais peut-être que des êtres humains tout comme toi, et tes enfants qui je le sais te sont si chers, fouillent les poubelles des immeubles cossus quand les gens bien mis dorment confortablement dans leurs matelas à mémoire de forme. Tu verrais que d’autres êtres humains font les fins de marchés en ne se préoccupant même plus d’être vus pour récupérer les miettes de notre société de consommation sous formes de pluches, de concombres encore en partie mangeables, de salades pas trop défraîchies… Voire de viande pas trop noire.
Non, Juan, pas du tout, que vais-je imaginer, pauvre de moi, militant obtus du front de gauche que je suis, emprisonné dans ma folie idéologisée ! Bien évidemment qu’il n’y pas d’austérité ! Les loyers des logements HLM n’ont pas augmenté de 29 % en 10 ans. Le gaz n’a pas augmenté de 25 % en un peu plus d’un an, l’électricité non plus dans des proportions encore plus importantes au point que plus de trois millions de personnes renoncent à se chauffer…. Il n’y a pas 10 millions de mal logés, dont certains suite à un licenciement ou un divorce sont obligés de survivre à l’abri des regards comptables chez leurs parents ou leurs amis, en repliant soigneusement la banquette le matin, en toute dignité, pour se rendre à leurs études ou leur boulot sous payé, précarisé, avec la pression d’un employeur qui joue du manque d’emploi actuel pour les intimider à la moindre velléité de défendre ne serait-ce qu’à minima leurs conditions de travail… Fusse dans le secteur public que tu cites, en ignorant peut-être quelques éléments fondamentaux constitutifs de ce secteur, que je rappelais encore hier : des services entiers supprimés, des postes jamais remplacés, des gens qui vivent dans des conditions de travail et de stress inacceptables, avec des moyens de fortune, quand ils n’utilisent pas leurs propres équipements sur leur lieu de travail pour remplir correctement leurs missions, ce que l’on pourrait être tenté de leur reprocher cyniquement à l’occasion de leur évaluation annuelle, en profitant au passage pour leur sucrer leur prime, instrument idéal de chantage pour faire taire les troupes de fonctionnaires de plus en plus abîmés, désabusés, démotivés, amers. Et cela encore plus aujourd’hui, et justement parce que le gouvernement est sensé être de gauche.
Alors non, il n’y a pas d’austérité, mais la France des sans voix crève, en silence, sans être entendue, imperceptiblement, de manière beaucoup moins évidente et visible effectivement qu’en Grèce, parce que seul compte le sacro saint retour sur investissement, et cela même dans le secteur public où l’on adopte un double discours qui consiste à faire savoir qu’on peut faire beaucoup mieux avec beaucoup moins d’argent, et qu’il y en a marre de ces saloperies de nantis de fonctionnaires qui passent leur temps à réclamer toujours plus de moyens, toujours plus de personnel alors qu’il est si évident pour tous les autres qu’il faut faire des efforts… Même Eux, aussi, ces privilégiés notoires…. de ‘avis de tous. Enfin, tous ceux qui ne connaissent pas leur réalité quotidienne, comme c’est mon cas. Et qui se battent de l’intérieur pour que cela change, par delà les visites de préfets qui persistent à faire savoir à leur hiérarchie que tout va bien parcequ’on leur fait visiter partout où ils daignent se rendre des villages Potemkine.
Pourtant, quant à moi, je vois une autre réalité, beaucoup moins glorieuse pour ces 9 mois de hollandisme (même si l’on ne le doit pas qu’à lui) , qui n’ont à leur actif que la seule volonté affichée de faire enfin triompher le mariage pour tous, auquel je souscris pourtant. Mais je n’oublie pas quant à moi que des gens crèvent la dalle au point de fouiller dans les poubelles en nombre de plus en plus important. je n’oublie pas que de plus en plus de gens cherchent un boulot introuvable, sous les huées des libéraux qui hurlent sans cesse à la spoliation sous couvert d’impôts de plus en plus insupportables pour l’honnête homme à présent obligé de s’exiler…. parait-il.
Je n’oublie pas que de plus en plus de gens souffrent, ne peuvent plus se soigner parce que c’est trop cher. Ne peuvent plus se loger parce que c’est trop cher. Ne peuvent plus manger parce que c’est trop cher.
Mais à part tout cela, « quelle austérité, Monsieur Gédécé ? Vous délirez ! Prenez donc une petite pilule, et ce sera beaucoup mieux pour ce que vous avez… « . On connait la chanson, en blogosphère tempérée, où tout est rose.
Mais quant à moi, désolé : je vois rouge.