Quelques voix qui se sont tues à jamais sur un fond noir: ce sont les appels de détresse des victimes du plus terrifiant attentat jamais produit en ce monde et, de surcroît, sur le territoire américain. Celui-ci, on le sait maintenant, est à jamais, "désanctuarisé." Le mythe d'une Amérique invincible, invulnérable, en a pris un coup pour très longtemps. Dès le début du film, la réalisatrice nous évite les images maintes et maintes fois revues des gratte-ciel qui s'effondrent et choisit la sobriété, refuse catégoriquement le pathos et n'opte pas pour un patriotisme ridicule. Elle filme au plus juste, sèchement, la traque obstinée du plus recherché des criminels. Kathryn Bigelow nous montre les rivalités, l'arrogance administrative qui retardent toujours plus la capture d'Oussama Ben Laden. Maya est le principal regard féminin même si elle est épaulée par Jessica, personnage plus conventionnel, plus prompt à se replier, moins obstinée que Maya. Le bourbier afghan, les individus retors, l'organisation tribale de ce pays déroutent et tuent 6 membres de la CIA, dont Jessica, mère de trois enfants. Les attentats à Islamabad, à Londres ne font que renforcer l'enquête méticuleuse et vengeresse du gouvernement américain.
Pour pouvoir mettre la main sur OBL, il faut déjà comprendre le pays. Ce ne sont là que quelques péripéties du film. Mais par quoi faut-il en passer pour mettre la main sur le Saoudien? Les minutes sont longues quand Dan torture Ammar pour lui soutirer des informations. On sait tous que la CIA avait des sites noirs où elle pouvait librement torturer, pratiquer des interrogatoires secrets selon des protocoles qui visaient à la complète déshumanisation des prisonniers. Ce sont des faits avérés que la réalisatrice filme durement, sans concession et l'assaut final de la forteresse de "Géronimo" par les Navy Seals est superbement filmé.