Gyokuro de Yame

Par Florentw

Cela faisait longtemps qu'il n'y avait eu de nouveau gyokuro sur Thés du Japon. Par la force des choses, c'est un genre auquel je suis moins familier, seuls les produits de haut vol, donc cher, ne me semblent avoir de l'intérêt. 
Voila donc enfin un gyokuro 2012 de Yame. "dento hon gyokuro" 伝統本玉露 ? un gyokuro traditionnel. Pour pouvoir être nommé ainsi, un gyokuro doit répondre à certains critères de fabrication. D'abord, récolte manuelle sur des théiers non taillés (shizen shitate 自然仕立て) et suffisamment éloignés les uns des autres. La plantation doit avoir été couverte par tonnelle pendant plus de 20 jours avec de la paille (pas de fibre synthétiques).Celui-ci fut couvert pendant 25 jours, le cultivar est Yabukita. Il provient du département de Fukuoka, de La commune de Kurogi (ville de Yame), et est l’œuvre de M. Horikawa.


Les feuilles dégagent un fort parfum typique des thés ombrés, on pense immédiatement au matcha. Cette odeur, appelée ooika 覆香, s'est beaucoup amplifiée plus de deux mois après l'ouverture du sachet. Ce parfum est net, puissant, sans faille, même sans originalité particulière, elle signale un très bon gyokuro. (après ce temps elle ne montre pas d'odeur d'oxydation, de qui est une bonne chose).C'est après l'infusion que ce gyokuro se dévoile plus nettement. Depuis quelque temps, j'ai un peu de mal avec ce parfum ooika des gyokuro et kabuse-cha, je ne sais pas pourquoi. Mais ici, présent comme une toile en arrière plan, ce parfum laisse s'exprimer d'autres senteurs, très douces bien sûr. Un peu de vanille, de légères notes chocolatées (type matcha) et surtout quelque chose qui évoque le bonbon au fruit, orange peut être (ceux en sucre translucide, dur). C'est très appétissant. La liqueur est douce, riche et subtile, pas trop forte, mais laisse en bouche un arrière goût profond.
 Comment ai-je procédé ?5 g de feuilles, une 40aine de ml d'eau, 50°C, 2 minutes. Cela peut paraître chargé pour certains, mais avec le gyokuro, il est fréquent d'utiliser un rapport eau/feuilles plus fort encore. J'évite ainsi le côté sirop, et permet aux saveurs de montrer leur délicatesse et subtilités. J'évite aussi ainsi une montée d'astringence souvent inévitable à partir de la 3eme infusion avec des paramètres plus lourds. 2ème infusion à 60°C, 40s (ce fut peut être un peu court), délicate douceur, notes plus végétales, 3ème infusion 70°C, 1 min, 4ème infusion 80°C 2 min, 5ème et dernière infusion avec eau très eau, plusieurs minutes.On maintient une liqueur douce et délicate, avec toujours ce côté bonbon au fruit, et surtout pas d'astringence. Sur la fin, bien essoufflée, la liqueur me semble donné comme ses dernières ressources, des senteurs légères épicées. D'une manière générale, il me semble avoir là un gyokuro d'excellente facture, très équilibré surtout. Cette saveur si particulière des thés ombrés (je ne dis pas que c'est une mauvaise chose) ne vient pas s'imposer de manière écrasante. Il est possible que le cultivar utilisé, le classique Yabukita soit pour quelque chose dans cet équilibre. Aujourd'hui pour le gyokuro, on trouve beaucoup de cultivars propres à sortir beaucoup d'acides aminés (Theanine, etc), des cultivars à thé ombré comme Goko ou Samidori, ou même des cultivars à sencha très doux comme Yamakai, Saemidori ou Okumidori. Ceux ci sont à la base de gyokuro très douceâtres, ou ces saveurs ooika sont omniprésentes. Je retiens aussi qu'un peu de modération dans les dosages du gyokuro peut être très intéressant, je ne manquerai pas de réessayer.