Mardi soir, pour la première fois, a eu lieu le #MoscoDesBlogs, une rencontre entre Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, et des blogueurs et blogueuses politiques, comme on dit dans les bars bien informés.
Cette rencontre a eu lieu au 7e étage du très bel immeuble du ministère, dans une salle de réunion avec une vue superbe sur la Seine, Paris et les lumières de la nuit. C'est à ce genre de détail que l'on se rend compte que l'on est dans le saint des saint, LE ministère par qui tout arrive, celui qui tient les cordons de la bourse et les autres ministères par les c...
Bref, l'antre des fermiers généraux qui de tout temps et dans tout État digne de ce nom ont été traités avec les égards et les émoluments dus aux nécessités des rentrées fiscales...
N'ayant pas eu matériellement le temps de m'organiser pour louer un hélicoptère et arriver directement vu que j'avais été prévenue la veille, j'ai pris l'ascenseur comme le premier banquier ou lobbyiste venu. Une fois dans la salle, où nous avons été accueillis par deux chargés de com, j'ai pris place comme mes petits camarades à l'endroit qu'un carton m'indiquait. Puis le ministre est arrivé...
Comme nous étions cois - sans doute un peu impressionnés - le ministre a pris la parole. Il a évoqué son emploi du temps consacré pour 30 % à la zone euro et a tout de suite défendu l'action du gouvernement - j'allais dire de " son " gouvernement...
Pour lui le " socle du changement est construit " et ceci dans un temps très court :
" quel gouvernement, en six mois, a fait ce que nous avons fait ? ".
Le 1er pilier de ce socle est le sérieux budgétaire et le désendettement, " impératif catégorique ", " nécessité en soi " pour garder à la France sa crédibilité, des taux d'intérêt faibles et pour dégager des marges de manœuvre - pour les services publics par exemple.
Le 2e pilier est la réorientation de la construction européenne, avec une supervision bancaire notamment. Le 3e pilier est la compétitivité car les emplois sont une préoccupation majeure. Sur le manque de compétitivité de la France, le rapport Gallois constitue pour lui un " diagnostic partagé " nécessaire avant toute action. Quand il a dit que Gallois était maintenant " populaire ", j'ai senti les blogueurs sourire... Sans doute a-t-il voulu dire " connu ", car populaire... Gallois ce n'est pas Lady Gaga...
Après cette mise en bouche, les questions des blogueurs ont commencé... pour ne plus s'arrêter. Cela a duré une heure et demie environ. Certaines questions étaient très précises car beaucoup de blogueurs présents sont des militants ou des gens qui suivent de très prés la politique. Ce n'était pas des questions vagues ou téléphonées comme dans les JT de 20 heures.S'y attentait-il ? Je ne sais pas. Par moment je l'ai vu regarder des fiches qu'il avait à sa gauche... A la fin, il avait l'air un peu fatigué. Sans doute le prix à payer pour une communication " plus extravertie ". Il faut dire aussi que c'était la fin de la journée et que le ministère de l'économie ce n'est pas celui des anciens combattants... Qu'il en soit remercié.
En tous cas, c'est tout l'intérêt des blogueurs citoyens qui ne vivent pas de leur blog et ne risquent pas de subir des remontrances de leur supérieur : leurs seules limites sont la courtoisie et la bonne foi. Pour le reste ils n'hésitent pas à poser les questions qui fâchent ou non.
Ainsi Pinsolle a attaqué bille en tête avec une question sur le " dogme du désendettement et de l'austérité " et l'a traité - avec le sourire - de " néo-libéral " ou de " libéral progressiste ", je ne sais plus. Moscovici l'a taclé poliment en disant que le cadre international était en effet celui d'une économie de marché, mais que mener une politique de redressement en ayant comme principes le dialogue social et la justice n'était pas une politique néo-libérale mais bien une politique de gauche.
Et il a affirmé son positionnement social-démocrate. " Être de gauche ce n'est pas dépenser à tord et à travers [...] ce n'est pas que redistribuer, c'est aussi produire ", combiner la performance économique et la justice sociale. " Si je remettais en cause la politique de désendettement, dès le lendemain les taux d'intérêt augmenteraient et la dette aussi ".
J'ai plussoyé intérieurement, si vous me permettez ce néologisme. N'en déplaise à mes camarades de la gauche dure, quand on est trop endetté on dépend de ses créanciers et le meilleur moyen de retrouver de la liberté et de la souveraineté c'est de revenir à un niveau raisonnable d'endettement, sans tomber dans la récession : " nous sommes sur une crête étroite " a-t-il dit. J'ajouterais que cela fait belle lurette que le PS est un parti social-démocrate ou de centre gauche : n'y a-t-il que les militants ou sympathisants pour ne pas s'en rendre compte ? En tous cas cela me convient tout à fait.
D'ailleurs il a rappelé subrepticement que ce positionnement correspondait aux résultats des élections, le PS ayant gagné parce que la présidence précédente avait été mauvaise et avec 51,6% des voix seulement : la France n'est pas " de gauche ".
Vogelsong l'a questionné sur l'impossibilité d'agir dans un contexte de globalisation. Il a dit attendre un changement de doctrine du FMI dans la ligne d'Olivier Blanchart, a évoqué le double langage du FMI - entre ce qui est dit publiquement et ce qui est exigé concrètement - et a conclu qu'en attendant il fallait s'adapter.
Sur la lutte contre les paradis fiscaux au niveau européen ou international, il a botté en touche en parlant de la lutte contre l'évasion fiscale en France (un milliard de rentrée supplémentaire dans le budget). Sur les contreparties au Crédit d'impôt compétitivité emploi il est resté assez vague et a parlé de la technique du " name and shame ". Pourquoi pas... Mais ça donne vraiment le sentiment que dans une économie mondiale globalisée les multinationales ont la main et que les gouvernements sont à la remorque...
Beaucoup de sujets ont ainsi été abordés avec force détails de la part de blogueurs bien informés : Abadinte sur les " pigeons ", Peg sur la transition écologique, Bienveillante sur les médias et Politeeks sur la loi bancaire à venir.
Dans toutes ses réponses j'ai trouvé Moscovici cohérent, sûr de ses choix et prêt à les assumer. On sent en lui de la conviction et une détermination forte à sortir la France de l'ornière.
Rassurant. " Pourvu que ça marche " comme disait une mère célèbre...
Voici pour terminer quelques verbatims en vrac ( que vous pourrez sans doute retrouver dans la bande son de Séb Musset) :
" On m'a demandé d'aller vite "." Si je remettais en cause la politique de désendettement, dès le lendemain les taux d'intérêt augmenteraient et la dette aussi "." Je ne suis pas le ministre des moyens contre les ministres des fins "." Je vais décevoir tout le monde, ce qui veut dire que je suis dans la bonne direction "." Être de gauche ce n'est pas dépenser à tord et à travers ou dépenser plus, ce n'est pas que redistribuer, c'est aussi produire "." Produire pour distribuer, c'est la 1ère proposition de François Hollande, et c'est ce que nous mettons en place "." La France est un pays attaché à la gauche, mais ce n'est pas un pays de gauche "." Que les français attendent que nous agissions vite je trouve cela naturel [...] mais il faut définir des priorités, ne pas tout faire en même temps et se garder de toute fébrilité "." La stabilité fiscale est très demandée "." Il faut avoir une stratégie, une vision "." 2013 sera l'année d'effort maximum et de croissance faible pour de meilleures années ensuite ".