Roman - 400 pages
Editions Plon - Janvier 2008
Amok, jeune homme né au Cameroun, mène une vie monotone, travaillant dans un centre d'appel, job inaproprié à son diplôme. Il s'enferme de plus en plus dans une solitude désespérée, comme un rempart contre son mal-être qui lui fait considérer ses prochains avec aigreur. Shrapnel, son ami d'enfance, émigré également à Paris, milite pour une union du peuple noir et entraîne Amok dans ces réunions où l'on prône une histoire glorieuse du peuple Noir. Là, on y trouve également Amandla, toute en reggae-attitude et en dread locks. Elle s'y rend pour retrouver l'âme d'une terre lointaine qu'elle a fait but de sa vie, elle, la Guyanaise. Ces trois-là sont Noirs, s'identifient ainsi et se rencontrent pour cette raison. Ils se cherchent une identité, un bonheur mais ont du mal à surmonter leur révolte et le mal de vivre qui leur gache l'existence. Jusqu'à ce que l'Amour ne leur prête un regard nouveau sur le monde et surtout sur eux-mêmes...
On avait beaucoup parlé de Contours du jour qui vient , roman qui avait assuré à Léonora Miano le prix Goncourt des lycéens en 2006. Il semble que Tels des astres éteints n'ait pas atteint le même public ni autant la presse. Se plonger dans son dernier roman, ce n'est pas une récréation. Cette lecture peut s'avérer ardue , l'auteure analyse sans scrupules ni excès de vulgarisation des questions identitaires précises. Plus que tout, elle s'adresse à la diaspora africaine, refusant de laisser les malaises se répandre, les frustrations dégénérer, servant de ferments à des mouvement communautaristes tel que celui du (dont je découvre l'existence). Souvent à mots couverts, Léonora Miano laisse trasparaître dans son roman des faits historiques, des évènements réels, des lieux identifiables alors que jamais elle ne les nomme. Les personnages n'existent sûrement pas uniquement dans son imagination tant ils sont réalistes.
"U ne tache de toi sur l'écran, avant que je ne sorte prendre mon quart de noirceur dans les couloirs du passage aveugle. Là, une tache de toi sur une affiche. On vient à peine de te coller sur les carreaux sales d'un mur immense. Le papier glacé s'étire sans fin. Des lettres rouges appellent à se souvenir de tes spasmes lointains. Toi, la terre qui n'existe pas. Toi, le creux dans lequel tous projettent leur néant. Ils te rêvent de loin, se créent en toi un espace à dominer, à sublimer, à façonner, à mépriser, à révérer, à sauver. Aucun ne saisit véritablement ton épaisseur, ta densité. Pas même tes enfants. Ils ne savent plus que tu vis. Que tu as tes propres désirs, tes rêves à toi aussi, inlassablement effacés derrière la figure qu'ils t'ont construite. Leur parole devient ton unique réalité. Tu es un décor, pas un membre du grand corps de l'univers. [...] Devant toi, on sème ce verbe aride, stérile, insignifiant. Terre. Mère. Entends comme on te fixe. Sens comme on te pétrifie. On prétend célébrer ton éternité. Mais l'éternité, on n'y prend pas assez garde, ne vient qu'après la vie."
Sur la forme, Tels des astres éteints se veut musical, des morceaux de jazz s'invitant au fil des chapitres, enveloppant de blues les phrases qui déferlent en rythme, les pensées de nos personnages qui s'entremêlent avec les propos que l'ont devine issus des pensées de Léonora Miano. Parce que, pour la diaspora africaine, elle souhaite"une valorisation de l'individu, qui n'est pas une opposition au groupe, mais une quête d'harmonie avec lui ". Ce livre aurait tout aussi bien pû être un essai, ç'eût été perdre la plume élégante et le talent d'écrivain de l'auteur.
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