Création et but du Prix Nobel de la Paix
Créé en 1901, ce prix mondialement connu récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ».Il a cette année été attribué à l'Union Européenne pour l'ensemble de son oeuvre, c'est à dire plus précisément « Pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe ».Les raisons de cette reconnaissance semblent donc, officiellement, assez vagues et fumeuses eu égard à ce que l'Union Européenne a réellement apporté.
L'UE, agent de paix ?
Bien que les raisons premières de la création des premières institutions européennes soient économiques, il n'est pas incongru de dire que cette institutionnalisation des relations économiques et politiques a contribué à instaurer une paix relativement stable et durable entre les Etats membres, et surtout entre les principaux belligérants du siècle dernier que furent l'Allemagne et la France.Ainsi, mettre en commun le Charbon et l'Acier (par le biais de la CECA en 1950) permettait non seulement un contrôle sur un éventuel ré-armement de l'Allemagne (qui était craint à l'époque) mais encore une mise en commun (par un début de marché commun) des moyens économiques et de reconstruction.
Aussi, le rôle de l'Union Européenne suite à l'indépendance des démocraties populaires et la chute de l'URSS à la fin des années 1980 fut important mais il faut garder à l'esprit que certes ce fut une main tendue envers ces pays nouveaux, mais que l'UE agissait avant tout dans le cadre de ses intérêts, sans doute pour éviter que les Etats-Unis n'interviennent à leur tour à nouveau sur le continent européen. Il faut également souligner que le continent européen (de manière plus globale), contrairement à ce qui a coutume d'être allégué, a subit des guerres et autres conflits en dépit du développement des institutions européennes, et notamment dans la poudrière des Balkans durant les années 1990. Il convient de rétablir une certaine vérité.Relativement à la lutte pour les droits de l'homme, si l'Union Européenne commence à en tenir compte, il n'en a pas toujours été ainsi et certainement pas durant les 60 années de son existence. En la matière, il serait préférable de souligner l'action du Conseil de l'Europe, institution internationale distincte de l'Union Européenne.De plus, l'attribution de ce prix nobel est critiquable en ce qu'il ne tient compte que des progrès réalisés en Europe durant ces soixante dernières années, alors que le rôle de cette institution devrait s'apprécier de manière plus large et dans un temps moins restreint (et plus récent). Or le poids de l'Union européenne en matière de relations internationales est encore relativement limité et très largement concurrencé par des acteurs tels que l'OTAN et l'ONU, sans même avoir besoin d'évoquer que chaque Etat membre dispose de sa propre politique étrangère. Sa lutte pour la paix en est donc d'autant réduite. N'existe-il pas, enfin, des personnes ou organisations qui, de par leur action et en fonction de moyens bien moindres, ne méritaient pas davantage un tel prix ?
Un prix politique ?
L'attribution du prix nobel de la paix peut parfois avoir un objet politique. On peut estimer que celui de 2009 (attribué à Barack Obama, nouvellement élu président des Etats-Unis) était contestable dans le sens où celui-ci comptait certes réduire la présence américaine en Irak, mais l'augmenter en Afghanistan. De plus, outre la main tendue aux autorités palestiniennes, cette politique s'était avérée insuffisante (comme l'illustre d'ailleurs le récent vote défavorable des Etats-Unis à la reconnaissance d'un nouveau statut pour la Palestine à l'ONU).Cette année encore, l'on peut légitimement craindre que cette attribution ne soit une nouvelle quête de légitimité au secours d'un Union Européenne en crise (qui ne parvient pas à faire l'unanimité au sein de ses peuples, et peine à sortir de la crise économique, politique et institutionnelle qu'elle traverse). Cette attribution ressemble dans le contexte actuel à une manoeuvre dont le but serait de "redorer le blason", de redonner une importance à l'Union Européenne, de plus en plus décriée, et pourtant clairement source de tensions entre Etats membres et entre peuples, sans oublier les politiques économiques dont elle se rend coupable et qui ne sont pas satisfaisantes. On pourrait même penser qu'il s'agirait d'une sorte de dernier honneur avant une fin inexorable, ou à tout le moins avant un déclin de son influence. Le plus atterrant dans cette affaire reste encore le point auquel les médias dans leur grande majorité accordent un tel crédit, une telle importance et une telle "réjouissance" pour un évènement si peu significatif et si faussé. La remise du prix doit se dérouler demain (Lundi 10 Décembre) à Oslo. Herman Van Rompuy a dores et déjà déclaré que l'Union en sortirait plus forte, mais rien n'est moins sûr...
Sources
-Prix nobel de la paix ;-Le Monde ;
-La remise du prix nobel ;
Rémi Decombe.