Une dernière petite nouvelle pour la journée, qui sous son apparence anodine, est en fait une grande nouvelle pour le Grand-Paris et surtout pour tous les parisiens, ceux de l’intra-muros comme ceux de l’extra-muros : le métro est à la une du Monde. Non pas parce qu’il y a eu un attentat dans le métro, non pas parce qu’il y a une grève qui prendrait en otage les voyageurs, ni parce que la RATP a d’excellents résultats. Non, tout simplement parce qu’il ne marche pas et que le Monde, le quotidien de référence a décidé que cela mérite de figurer à la une, juste après le premier titre consacré aux réactions de Pékin après le passage pour le moins mouvementé de la flamme olympique dans les rues de la capitale.
Est-ce une première ? J’en ai bien peur, mais mieux vaut tard que jamais. Et le titre ne fait pas dans la dentelle « le calvaire des usagers de la ligne 13 du métro parisien », comme le ferait un Parisien, un 20 Minutes ou encore un Métro. Mais cette fois c’est le Monde, avec la caution d’un grand quotidien national, comme si on prenait enfin le problème au sérieux. Et à travers ce titre, tout la question des transports en commun dans l’agglomération parisienne est posée. Aujourd’hui la ligne 13 est au-delà de l’acceptable, « 600.000 voyageurs par jour, entassés à quatre ou cinq par mètre carré aux heures de pointe ». L’enquête sur « les naufragés de la ligne 13 » raconte le quotidien de ces parisiens et banlieusards tous réunis face aux même enjeu : se déplacer dans la métropole en trouvant « un espace vital dans la bétaillère. »
Au-delà de ce quotidien fidèlement relaté, avec des témoignages de voyageurs, « je dois doubler mon temps théorique de transport ; un jour sur deux, il y a des incidents, et un jour sur trois un panne grave », et de conducteurs, « c’est une ligne dure, la plus dure… ici, le moindre incident, c’est huit à dix minutes d’attente. Après, il faut affronter les centaines de regards agressifs quand tu arrives en station… », au-delà de ce vécu, l’analyse est étendue à l’ensemble du réseau RATP. D’abord avec des chiffres réels, et non pas des chiffres pour impressionner comme le million de Vélib’, comme Paris est sa banlieue l’a souvent rappelé, et c’est le près de 2 milliards de voyages annuels assurés par la RATP qui donne un idée de l’ordre de grandeur.
Puis, c’est l’ampleur du problème à régler. « La ligne 13 n’est pas la seule confrontée à ce combat quotidien. Nombre d’autres lignes craquent aux entournures, comme la 1, la 4, la 7, la 6… La ligne A du RER est au bord du chaos… » et ce ne sont pas que les syndicalistes cités qui prédisent un avenir sombre pour le réseau de métro et de RER parisien, le président de la RATP lui-même, Pierre Mongin, déclarant comme le rapporte Le Monde que si aucun investissement d’importance n’est entrepris d’ici à 2015, la moitié des lignes parisiennes pourraient se retrouver dans la situation de la ligne 13. Pour l’instant un accord STIF-RATP prévoit un investissement par la RATP de l’ordre de 5 milliards d’euros sur 5 ans. Autant dire rien, quand on sait qu’un tram des maréchaux a coûté 300 millions d’euros pour 8 km, qu’un kilomètre de métro coûte de l’ordre de 100 millions d’euros, et que la moindre étude de faisabilité mobilise à elle-seule plusieurs dizaines de millions d’euros. Espérons que la prise de conscience qui se manifeste à travers la publicité donnée par le Monde au métro en le mettant à la une va s’amplifier et déboucher, enfin, au-delà des Vélib’, Autolib’, navettes fluviales et autres gadgets, sur une politique d’envergure pour faire face à ce qui est aujourd’hui le défi numéro un du Grand-Paris.