Oubliant mes questions retorses et mes soupçons à la noix, je me suis intéressé à ce roman aux multiples voix de Laurent Gaudé. D'abord une voix singulière, celle de Joséphine Linc. Steelson, négresse centenaire qui porte en elle l'histoire de toute une communauté noire de la Nouvelle-Orléans. Puis celle de quatre autres figures. Un pasteur aumônier de prison à la foi évanescente, dont les mots traduisent un dialogue intérieur avec un dieu dont il ne saisit plus le discours. Le méchant. Celle d'un dangereux prisonnier qui narre l'ambiance complètement loufoque de ceux qui en sont réduits à se définir comme des chiens d'un système sur lequel ils aboient pour se donner contenance et ne pas faire oublier aux bienpensants qu'ils existent. Le truand. C'est aussi celle d'un traumatisé du capitalisme américain qui pompe avec avidité et rage dans les entrailles de la terre de la matière organique pour alimenter nos réservoirs d'essence. Notre homme, lui, a fui Houston après un grave accident sur une plateforme pétrolière dont il ne s'est pas remis. Le looser. Une femme également parle. Son divorce vient d'être prononcé. Elle rentre prostrée chez elle retrouver son fils. Un bâtard que pour une raison qu'on ignore elle semble à la fois aimer et rejeter.
La journée commence avec cette galerie de personnages toutes chargées d'un poids qu'elles n'arrivent pas à porter. En dehors de notre grandma qui sait d'où elle vient et qui affiche son identité et son caractère d'irréductible, qui porte avec dignité les blessures que la vie n'a pas manqué en un siècle d'existence de la marquer au fer rouge dans ce Sud sinistre et dansant, les narrateurs sont des personnes brisées par la vie qui vont subir toute la violence de l'ouragan Katrina et ses conséquences.
Mon avis est assez mitigé concernant sur un roman qui tente de nous faire vivre cette catastrophe naturelle de l'intérieur, La Nouvelle Orléans, dont une partie de la population pauvre et noire a été livrée à elle-même, aux pillards, aux alligators, aux éléments. J'ai eu beaucoup de mal à suivre la polyphonie que propose Laurent Gaudé. En dehors, du personnage de Mme Linc. Steelson, on a du mal à pénétrer dans les autre figures de ce roman. Les rencontres entre les différents personnages sont quelques peu convenues. La souffrance des personnages trop pesante comme si, avant cette catastrophe, tout n'était que galère et désarroi à la Nouvelle-Orléans. Cela donne une touche trop attendue. Enfin, le traitement de la question raciale est à mon goût trop manichéenne.
Ce n'est cependant que mon modeste point de vue. Cela ne m'empêchera pas de lire La mort du Roi Tsongor. Affaire à suivre.
Le site de l'écrivain Laurent GaudéLes critiques du roman en blogosphère :Biblioblog, Le globe-lecteur, Mille et une pages, Wodka