Face à toutes les absurdités du monde – et elles sont nombreuses – on peut adopter une attitude combative et militante : dénoncer chacune d’entre elles et le crier bien fort. Ce militantisme est sans doute une nécessité, non seulement pour ne pas se laisser bouffer par ceux qui n’attendent que ça, mais aussi pour faire avancer toute la machine vers un lendemain meilleur. Bravo aux militants et vive le militantisme.
Néanmoins, il arrive que celui-ci devienne quelque peu aveugle et empêche les militants d’analyser avec le recul nécessaire une situation pour y voir non seulement ce qu’il y a à dénoncer, mais aussi pour y promouvoir ce qui mérite de l’être. Il est finalement assez rare d’avoir des situations où tout est à jeter, sans discernement.
Par exemple, je suis assez frappé de voir la hargne qu’ont certains à dénoncer, voire à dénigrer, toutes les décisions prises par le gouvernement fédéral belge actuel. Cette colère est même souvent personnifiée dans le chef de son premier ministre, Elio Di Rupo. Avec une certaine absurdité : alors que les Flamands critiquent souvent le « gauchisme » d’Elio Di Rupo, les francophones que j’observe lui reprochent de renier son idéal de gauche et de ne développer qu’une politique de droite au bénéfice des plus riches !
Di Rupo est à la tête d’un gouvernement de coalition, avec six partis bien différents à de maints égards. Ce gouvernement prend des décisions qui une fois ne plaisent pas à certains mais bien à d’autres et en décide d’autres qui plaisent aux premiers mais pas aux derniers. Cela me semble assez logique. Dans ces décisions, il y en un sacré paquet que je n’apprécie pas, mais il y en a aussi qui me semblent inévitables et nécessaires, sans pour autant que j’y adhère pleinement. Enfin, certaines d’entre elles me semblent de bonnes décisions, mais j’avoue qu’elles sont plutôt rares. Cela dit, je sais que c’est un gouvernement qui gère avant tout une situation difficile et qui ne risque malheureusement pas de s’améliorer à court terme.
Quand j’observe certains militants dénoncer tout, a priori et sans aucun discernement, uniquement parce que ça vient de Di Rupo qui est condamné une fois pour toutes, j’avoue ne plus leur accorder trop de crédits. Leur combat me semblerait bien plus légitime si leurs critiques étaient ciblées, en reconnaissant aussi les éléments positifs des orientations prises.
Je reconnais qu’une attitude critique est sans doute plus difficile, car elle oblige à une pensée non linéaire éliminant tous les raccourcis qui forgent les certitudes. Même si de toute évidence certaines grandes évolutions sociales ont été le résultat de mouvements qui ne s’encombraient pas trop de doutes, je suis aussi convaincu que le discernement permet de combattre et de faire avancer le débat tout en ne s’enfermant pas dans une approche monolithique des problèmes.
Quoique. Militer avec discernement, est-ce encore militer ? Difficile à dire, mais j’ose le croire.