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Réf DT 38: Le choix du refus

Publié le 12 décembre 2012 par 1132nd
Le choix démocratique est sans appel: aucun des candidats présentés

Le choix démocratique est sans appel: la population ne veut aucun des candidats présentés

Finies, les élections régionales. Tandis que l’alliance MMM/MSM jubile, l’heure est désormais au bilan du côté du Parti Travailliste. Est-ce vraiment une redéfinition du rapport des forces politiques? Allons-nous vers des élections générales anticipées? Pendant que la population se réveille avec un semblant de nouvelle configuration politique, un point semble toutefois échapper à tous les éditorialistes de presse : un votant sur deux subit actuellement le choix politique de l’autre. Car entre les taux de participation de 50,54% aux élections villageoises et 44,91% aux élections municipales, ce sont 420,336 votants sur 847,576 qui ont choisi de bouder les suffrages. Soit 50,5% de l’électorat.

Lol on est d’accord. A part « either…or », le seul moyen de dire « neither…nor » c’était l’abstention !

— Amilcar SV (@LeAmilcar) December 10, 2012

En sciences politiques, un faible taux de participation est souvent le symptôme d’une apathie électorale (voter apathy en anglais). Plusieurs facteurs peuvent expliquer, dans le cas présent, la démobilisation des électeurs.

Les candidats se valent tous

D’abord, la fatalité que « ce sont tous les mêmes ». On dit que les hommes font les institutions. Quelque soit le bloc politique, la population a déjà essayé toutes les combinaisons possibles. Avec les résultats qu’on connaît: les épisodes manzer bwar du passé servent aujourd’hui de leçon. Certes, l’électorat apathique aurait pu accorder le bénéfice du doute aux candidats, si ces derniers étaient des visages connus, arborant d’autres qualités que l’intégrité. Mais voilà, les provisions du Local Government Act 2011 interdisent aux députés de cumuler le poste de conseiller municipal.

De plus, à cause de l’amendement constitutionnelle garantissant la présence de 30% de femmes sur la liste des candidats aux élections régionales, les partis politiques ont du ratisser large pour trouver ces candidates. Dans les deux cas, le réel engagement politique et la capacité d’administrer une ville n’étaient pas au sommet de la liste des qualités requises. Ainsi, les partis politiques se voient dans l’impossibilité de proposer des candidats de calibre ayant fait leurs preuves auparavant.

Dès lors, sur quelle base se reposer pour formuler un choix électoral? L’histoire nous rappelle péniblement qu’un manifeste n’est pas un contrat électoral. Reste alors uniquement l’allégeance au parti. Et dedans, l’électorat flottant ne s’y retrouve pas.

La cible de la campagne était les agents, pas l’électorat

« Lady Briani » v/s « Mr. Blue Magic ». Ajouté à cela, le « Macaroni ». L’explication est pourtant simple. Nous avons, à Maurice, une tradition de ‘thug politics’. Inconsciemment, la population recherche constamment un mâle-alpha en qui placer sa confiance pour diriger. Ce réflexe primate a pour origine un besoin de se sentir protéger, d’être en mains sûres.

Arvin Boolell à Cité Malherbes

En bon mâle-alpha, Arvin Boolell a mené ses troupes derrière les lignes enemies à Cité Malherbes.

L’équation est simple : vers la fin de la campagne, souvent à quelques jours avant la présentation du manifeste des partis, l’électorat rationnel/flottant s’aligne sur le bloc dominant à ce moment précis. Cette dominance se traduit, de manière traditionnelle, par effet sonore et visuel : le parti avec les agents les plus bruyants ou les oriflammes les plus nombreux et audacieux indiquent « la tendance ». Et la tendance est souvent le fruit du rayonnement sur le terrain, le ‘koltar’, du mâle-alpha*. Ce dernier attire donc. Et les politiciens font tout pour aspirer à ce rôle.

Pour accomplir cette tâche, il faut d’abord faire campagne pour ses agents et les mobiliser constamment. Ainsi, le mâle alpha doit penser ce que ces mandants auraient pensé, dire ce qu’ils auraient dit, faire ce qu’ils auraient fait. Il faut le faire en premier et en mieux. Nita Deerpalsing a réussi ce changement (consciemment ou inconsciemment) – elle est aujourd’hui une politicienne qui s’exprime et réagit comme les hommes de cette meute.

Néanmoins, comme les blocages aux stades de la psychanalyse freudienne, il semblerait que certains politiciens n’évoluent pas. Toujours à l’instar de Nita Deerpalsing, certains se figent au stade du ‘thug politics’ et ne modulent pas leur communication envers l’électorat rationnel/flottant. Et là, il y a une fine ligne entre le mâle-alpha et le goujat. Si c’est cette dernière image qui s’impose, l’électorat rationnel/flottant boude. Comme 50,5% dans le cas présent.

En menant personnellement ses troupes – en bon mâle-alpha – dans une zone traditionnellement fidèle à l’opposition, Arvin Boolell a vu son audacieuse tentative déjouée et tournée en ridicule sur Facebook.

Néanmoins, Arvin Boolell a vu son audacieuse tentative déjouée et tournée en ridicule sur Facebook par les partisans de l’opposition. L’électorat flottant en tirera ses conclusions.

Le gerrymandering

Dès le début, l’opposition accusait le gouvernement d’avoir pensé et redessiné les limites des arrondissements afin de favoriser les candidats de l’alliance gouvernementale aux prochaines élections. On ne saura jamais si c’était le cas ou pas – les résultants seuls ne suffisent pas pour arriver à une conclusion contraire. Par contre, j’ai entendu plusieurs personnes – ayant une allégeance politique précise – dire qu’elles ne sont pas allées voter, uniquement parce qu’ils ne savent pas où ils sont enregistrés comme votant désormais ou parce que le centre de vote est maintenant… trop éloigné de leur demeure. Ceci, combiné avec les points mentionnés plus haut, font que l’issu d’une élection municipale ne mérite pas un déplacement de deux kilomètres par un dimanche après-midi…

2012-12-12

Depuis, les commentateurs écrivent qu’une belle page de démocratie a été écrite durant ces deux dernières semaines dans les annales de l’histoire politique de Maurice. Est-ce réellement le cas ? Une des définitions canoniques couramment reprise – ainsi qu’en témoigne, par son introduction, la Constitution de 1958 de la Cinquième République française – de la démocratie demeure la célèbre formule d’Abraham Lincoln : « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».

Transposé dans le cas présent : « du peuple ? » - non, le choix imposé par les partis ; « par le peuple ? » – non, 50,5% se sont abstenus ; « pour le peuple ? » – reste à voir. Dès l’annonce des résultats, l’objectif énoncé par les leaders de l’alliance victorieuse a été, en d’autres mots: « Et maintenant, les élections législatives ». En gros, pas pour le peuple, mais pour leur avancement politique.

Les versions varient dépendant du bloc politique, mais l'image du bribe électoral s'agrippera à Arvin Boolell pendant un bon bout de temps.

Les versions varient dépendant du bloc politique, mais l’image du bribe électoral s’agrippera à Arvin Boolell pendant un bon bout de temps.

Quoiqu’il en soit, cet état des choses a provoqué cette réaction, parmi tant d’autres, sur Twitter:

Comme je le disais, l’abstention ne permet pas de différencier entre ceux qui s’en fichent et ceux qui rejettent (cont) — guillaumegouges (@guillaumegouges) December 10, 2012

(contd) une certaine idée de la politique qu’on leur propose. Il faudrait donc qu’il y ait un moyen pour ceux qui (cont) — guillaumegouges (@guillaumegouges) December 10, 2012

(contd) souhaitent faire passer un message politique à travers leur non-vote de le faire. Ceci aurait un impact (cont) — guillaumegouges (@guillaumegouges) December 10, 2012

(contd) autrement plus grand. — guillaumegouges (@guillaumegouges) December 10, 2012

Dans l’exercice démocratique des élections régionales, la voix de la majorité a décidé que les candidats proposés ne correspondent pas à leurs aspirations. Même si uniquement la moitié de ces 420,336 non-votants se seraient abstenus pour faire valoir cet état d’esprit, ils remporteraient ces suffrages haut la main. Certes, le taux de participation aux élections régionales est toujours faible, diront les politiciens.

Néanmoins, pousser la logique démocratique jusqu’au bout voudrait dire que la majorité de l’électorat demande un autre choix: des candidats différents, une manière de faire campagne différente… en passant par de nouvelles élections. L’apathie électorale est symptomatique, et non pas anecdotique. Malheureusement, le jeu démocratique ne fonctionne pas ainsi et ce n’est pas la leçon que retiendront les blocs politiques.

Quoiqu’il en soit, la population demande désormais une nouvelle classe de politiciens. C’est du moins le message que j’ai voulu faire parvenir à nos dirigeants en m’abstenant lors de ces suffrages. Et j’ose penser que je ne suis pas le seul.

N.B Cette lecture émane de mon expérience et de mon analyse personnelle de ces élections. Et vous? Pourquoi n’avez vous pas voté?

*Une des raisons pourquoi les ‘e-parties’ comme le RCP ne décolleront jamais.



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