Un livre de Stéphane Gui…, pardon de Nicolas Bedos. Avant de tirer sur l’oiseau chroniqueur, fermons les yeux et inspirons sept fois, comme enseigné dans notre cours de relaxation Tai-chinoiso-détox. Mes dérives nocturnes télévisuelles d’opiomane ont, de bon, de m’avoir permis de me familiariser avec le personnage. Lui sur (moi avec) de nombreux plateaux télés plus ou moins digestes. Et, pourtant, je me rends compte qu’on a sans doute manqué notre rendez-vous. J’aurais dû décoller plus tôt d’un reportage sur les impalas du parc Kruger, remettre mes Persol à écailles et regarder sagement feu l’émission de Frantz Olivier Gilbert. Il y eut Guillon sur Canal. Il nous reste De Groodt, ou Gaspard Proust. Où est donc Bedos ? Difficile de voir la plume derrière le corps qui surjoue, compliqué d’apprécier le texte entre deux rires entendus ou mines faussement effarouchées. Et puis, il faut se faire aux rengaines sur son père, ses blagues parfois biggaresques ou les comptes rendus de sa vie amoureuse. Passer outre les théories des psychologues de comptoir qui cherchent à démasquer un hypothétique personnage, et les courtisans aux yeux papillonnants. Alors disons que la sortie du livre, qui est en fait un recueil de ses passages télés ou radios saupoudrés de très rares inédits, c’est notre dernière chance de nous trouver (ou de nous laisser sur un adieu cordial).
L’avis de JB :
Le soir je mens
Délivré de toutes images, on a enfin la possibilité de lire du sushi de Bedos, juste le texte, sans sauce. Et il faut avouer que c’est plutôt pas mal, surtout le début, du côté de chez Giesbert. Le principe est assez simple, une intervention de 10 minutes qui raconte la semaine mythomane du chroniqueur en essayant d’y intégrer des passages sur les invités présents, ce soir-là, sur le plateau. Bedos écrit avec beaucoup de fraicheur, d’autodérision, de fougue, et parfois… de talent. Ce qui fait la force de sa plume, c’est, à mon goût, sa capacité à rire de tous et de tout, y compris sur des sujets jugés sensibles. Personne n’est vraiment épargné. Rares en sont honnêtement dispensés, et l’ensemble fonctionne…sauf quand l’auteur, un peu moins inspiré, ou un peu plus fainéant, travaille moins certaines de ses punchlines. Sous couvert d’héritage Desprogiens et de belle plume, vulgarité, 12ème degré ou polémiques se rangent sagement sous la bannière de l’écriture, et bien que sur le fil du rasoir, l’ensemble tient bon. La moindre baisse de régime est malheureusement fatale et la jolie peau de porcelaine coule un fond de teint bas de gamme qui tache tristement vos doigts délicats. Quand Bedos est moins fin dans ses écarts, les sourires se font plus crispés, méchanceté revient plus souvent qu’humour, et vulgarité est plus à propos que légèreté. Comme certaines interventions sont récurrentes, et que parfois il ne prend pas la peine de les revoir, on en vient à se lasser des « dégueuler du champagne dans mon 400m2 rue de Rivoli » ou des « blagues sur DSK ». Quand ça coince, on voit plus de Bedos qui se fait plaisir en taggant ses copains ou en remettant le couvert sur sa relation conflictuel aves son père. Figure également dans l'ouvrage la retransmission de ses interventions sur OÜI FM, antérieures à ses passages télés et moins intéressantes, qui montrent en tout cas une vrai progression dans l'écriture. Reste quelques textes inédits, nottament celui sur la mort de son copain Jocelyn Quivrin, qui brille par leurs raretés. L'auteur a (bien) assuré le service minimum, ce que lui reprocheront peut être (moi compris) les éternels insatisfaits.
J'ai deux amours
Le problème est que la posture, à elle seule, suffit. Le fait qu’il soit délicieusement polémique ou provoquant, qu’il ose parler de ses problèmes amoureux et parentaux tout en se moquant de son milieu social, prend presque le pas sur ce qu’il écrit. Car, je le répète, il a du talent quand il se motive pour écrire plus que ce qu’on lui demande. Certains n’ont pas cette capacité. La télévision a, sans doute, créé un personnage qu’elle adore détester, inviter et regarder se mettre en scène. Elle aime qu’il crie, s’épanche, en fasse des caisses ou se débatte avec ses démons. L’auteur a mis le bras dans la prise, et il a pris le jus pleine caboche. Et, naturellement, il a aimé ça, en a logiquement fait moins, reçu le même accueil bourgeois empourpré, jouant son rôle cathartique à merveille. On aurait, d’ailleurs, tort de ranger sagement l’auteur dans une boite patiné de bobo-gauche-Saint Germain-jean APC-Rey/Beigbeder/Foenkinos/Je vous laisse completer. On ne peut pas lui reprocher d’habiter rue de Bretagne, de porter des costards ultra slim, de jeter son âme dans le théâtre et de vouloir se battre avec quelqu’un qui le traite de bobo. A mon sens, c’est surtout un type qui prend ce qu’il y a à prendre, se battant comme nous le faisons tous contre ses clichés et ses contradictions…et c’est tant mieux. C’est aussi stupide que ceux qui essayent de comparer Booba à Céline. Arrêtons le sentimentalisme mielleux avec les provocateurs et bannissons, une fois pour toute, le syndrome du clown triste.
Fort du succès de ce Volume 1, un Volume 2 est sorti en Octobre 2012 contenant, entre autres ses papiers pour Marianne. Aux dernières nouvelles, Bedos monte des pièces, joue dans des films, écrit aussi des scénarii et participe à « le débarquement » sur Canal. Et j’imagine qu’il a toujours beaucoup de tendresse pour Jean D’Ormesson qui défie les lois de la nature, provoquant jalousie et frustration chez les hommes trois plus jeunes et quatre fois moins élégants que lui.
A lire ou pas ?
A savoir si Nicolas Bedos est un chic type, je n’en sais rien, je n’ai fait que lire son livre. Ce que je peux vous dire, c’est que ses papiers sont d’une qualité inégale, parfois brillants, parfois médiocres, et que vous les apprécierez d’autant plus si vous possédez les clefs aux formes très parisiennes. La lecture vaut, à mon sens, au moins la peine, pour la qualité de ses premières interventions chez Gisbert.