2% ! La France emprunte à 10 ans à moins de 2%, ce qui constitue un record. Pour mémoire, le taux des emprunts d'Etat à 10 ans était à 2,85% en mai, lors du changement de majorité. Tous ceux, et moi le premier, qui pensaient que l'arrivée de la gauche au pouvoir allait se traduire par une hausse du coût de la dette, en sont pour leurs frais. En l'espèce, le changement de majorité n'a eu que peu d'influence. C'est bien plus la diminution des craintes systémiques sur l'avenir de la zone €, grâce aux décisions de Super Mario à la BCE, qui a été à l'origine de la baisse généralisée des taux d'emprunt en Europe depuis septembre, accompagnée d'une réduction des spreads. Le spread OAT – BUND, représentatif du risque français par rapport à l'allemand, est ainsi revenu à 70 bp, contre 135 bp en mai. Les émissions de Bons du Trésor, de maturité inférieure à 1 an, se font même à un taux très légèrement négatif sur les maturités de moins de 6 mois, ce qui veut dire que le Trésor finance actuellement son stock de 170 milliards de dette à court terme à un coût nul.L'avantage pour les finances publiques est évident : le coût de la dette n'augmente pas, alors que le stock de dette publique se sera accru d'environ 80 milliards en 2012.Le projet de loi de finance rectificatif pour 2012 nous apprend par ailleurs que le poste autres ressources de trésorerie est en hausse de 1,7 milliards à 11,7 milliards, par rapport à la prévision de septembre.Ces 11,7 milliards représentent la différence entre le prix de vente des obligations émises et le montant de dette enregistré au passif. Précisons les choses, à partir de l'exemple de l'émission d'OAT du 6 décembre. Le Trésor a émis pour 1,375 milliards d'OAT 4,25% échéance 25-10-2018, au prix de 118,38% du nominal. Du fait d'un taux de coupon, 4,25%, très supérieur au taux de rendement actuariel à l'émission, 1,01%, le prix de vente est bien plus élevé que le nominal. Ainsi, le Trésor comptabilise une dette de 100, qui sera le prix de remboursement dans 6 ans, et un gain de trésorerie de 18,38, lequel vient comme par miracle diminuer les besoins d'émission de dettes, ou financer le déficit ! Si l'on compare le PLF 2012 initial de décembre 2011 au PLF rectificatif de novembre 2012, on constate que le déficit budgétaire à financer est passé de 78,7 à 86,1, et que le poste autres ressources de trésorerie s'est accru de 3,5 à 11,7 milliards, soit un montant équivalent. Le déficit supplémentaire a été ainsi financé sans afficher de hausse de la dette par rapport aux prévisions initiales !Bien entendu, il ne s'agit pas d'un miracle. Si le Trésor avait émis ces OAT 2018 au pair, il aurait payé un coupon les prochaines années de 1%, au lieu de 4,25% dans le cas présent. Cette ressource de trésorerie immédiate se fait au prix de l'augmentation de la charge d'intérêts à débourser les années suivantes, qui viendra donc augmenter le déficit à financer. Le montant des intérêts à payer chaque année jusqu'en 2018 sur cette ligne émise le 06-12-2012 sera de 58,44 millions au lieu de 16,27 millions. Mais la même technique sera également utilisée en 2013, puisque le PLF initial 2013 prévoit déjà 3,9 milliards de ressources à ce même titre.Si l'on regarde les adjudications d'OAT par l'Agence France Trésor depuis la rentrée, on constate qu'il y a eu beaucoup d'émissions sur des lignes à coupon élevé, permettant donc d'engranger des primes à l'émission significatives. Le Trésor a utilisé cette astuce beaucoup plus que les années précédentes, aidé par la baisse des taux, limitant d'autant la hausse de la dette.Note : tous les chiffres cités sont tirés des publications de l'Agence France Trésor : www.aft.gouv.fr