Le week-end berlinois vient de s'achever, et je suis encore un peu sonné, grisé par tant de sensations, tant d'effets visuels, tant de rencontres et d'idées belles comme le jour, profondes comme la nuit. Je ne sais pas vraiment comment le résumer, je laisse simplement couler le flux de mes pensées en vrac...
Le trop peu de temps que j'ai passé à Berlin a été consumé à 98% (les 2% restants sont à mettre au crédit de la Hauptbahnhof, structure éminemment imposante, monumentale et froide) dans le quartier du Kreuzberg, qui fait partie de l'arrondissement Friedrichshain-Kreuzberg. Un quartier à la personnalité unique, palpable dans la moindre bribe d'asphalte de ses trottoirs. Populaire, culturel, vibrant, intense, le Kreuzberg est un endroit qui te regarde les yeux dans les yeux, sans complexe ni fioriture. Un quartier qui fusionne de façon magnifique et naturelle un tas de "layers" pour former un tout cohérent, Istanbul et les graffitis, les femmes en foulard et les punks, les radicaux de gauche et les patrons à succès des petits commerces orientaux. Etc.
L'un des miracles de Kreuzberg a été la juxtaposition improbable mais réussie d'une communauté issue de l'immigration turque et d'une population totalement habitée par les idées alternatives et les actions citoyennes. Une association dans laquelle aucune des parties ne renie son identité, vit ses signes extérieurs d'expression et laisse vivre l'autre.
On pourrait dire aussi, en schématisant, que Kreuzberg, c'est ce qui arrive quand beaucoup d'utopistes se retrouvent et unissent leurs efforts. En effet, le quartier actuel - dans sa morphologie et ses façades, dans ses terrains vagues et ses parcs, dans l'incroyable diversité de ces petits commerces, dans leurs prix démocratiques, dans le fourmillement de ses rues... - est le résultat des efforts produits sans discontinuer par ces idéalistes depuis les années 60. Par leur combat contre les vélléités des investisseurs de tout poil et leur détermination farouche à préserver un cadre d'habitat à échelle d'homme, sans luxe inutile et aliénant. Pour un endroit à vivre où tous peuvent survivre.
Kreuzberg est encore aujourd'hui baigné d'esprit engagé et passionné. J'ai rarement expérimenté autant de rencontres chaleureuses et humaines en si peu de temps, donnant lieu à des conversations super-intéressantes sur des sujets comme l'acceptation de l'autre, l'organisation de la vie en commun, le partage des valeurs, la résistance à l'esprit capitaliste et consumériste...
Alors oui, je suis tombé en amour avec cet endroit et j'ai hyper-envie d'y revenir vite. Kreuzberg est un bonheur absolu pour quelqu'un comme moi, fasciné par les rues et les gens!!