Mathilde a passé son CAP pâtissier il y a tout juste 6 mois au CFA BPF et la voilà déjà partie sur les routes de l'Afrique de l'Ouest pour transmettre son savoir-faire.
Elle est au Niger et plus précisément à Niamey, où elle travaille dans un centre de formation-école Agapè, en plein essor, créé il y a plus de 5 ans par le Comité Français du Secours aux Enfants.
Mathilde est la 4ème du CFA BPF à partir à Niamey, mais elle est la première pâtissière ! Témoignage d'une jeune femme sans peur, qui a su s'intégrer et dont l'altruisme est apprécié de tous !
Fofo Mathilde !
Comment vas-tu ? Il y a quelques semaines, on se croisait dans les couloirs de l’INBP et aujourd’hui, te voilà arrivée à Niamey au Niger. Génial !!!! Alors tes premières impressions sur l’Afrique, ça donne quoi… Que du bonheur ????
Oui ! Déjà un mois passé ici et en effet, c’est que du bonheur ! J’ai été très bien accueillie. Arrivée dans la nuit, j'ai découvert Agapè rapidement avant d’aller dormir. Le lendemain, Ahama (le directeur) m’a fait faire un peu le tour des boulangeries-pâtisseries. J’ai pu découvrir un peu la ville et j’ai fait la connaissance de mes collègues. Et le lendemain, je commençais le travail.
J’ai fait la connaissance de Doria (ancienne du CFA BPF) et son mari Dra, qui s’occupent très bien de moi et grâce à qui j’apprends et découvre plein de choses sur la vie au Niger et je les remercie pour tout ça !
Doria (promo 2009) ;-)
Niamey est une ville calme et agréable. Ici, on ne connait pas le stress. Les gens sont sociables, toujours prêts à rendre service. Quand ils te saluent, ça peut durer un petit moment (Comment ça va ? Et la chaleur ? Et la fatigue ? Et les parents ? Etc. …).
Les Nigériens sont amicaux ; ils prennent le temps pour discuter et ne s’énervent jamais ! Mon premier choc en descendant de l’avion a été la chaleur ! Mais après 2-3 jours je m’étais déjà bien acclimatée (quand on se dit que l’hiver arrive en France, c’est plus facile !). Deuxième choc, la quantité de sacs en plastique et autres emballages dans les rues ! C’est le point négatif de la ville. Les gens jettent tout par terre, même si une poubelle se trouve à 2 mètres !
Le magasin du centre de formation
Dis-moi, c’est pas courant le Niger comme destination. Qu’est ce qui t’a poussée à aller en plein milieu de l’Afrique faire des tartes ?
J’ai toujours aimé voyager. Et pouvoir voyager grâce au travail, c’est le top ! En revanche, je n’aurais jamais imaginé que l’Afrique serait le point de départ. Ce qui m’a poussée à venir ici, c’est d’abord l’aspect humanitaire. Contribuer au développement du centre en leur faisant découvrir la pâtisserie française, leur transmettre de nouvelles compétences étaient pour moi une grande source de motivation. Découvrir et s’adapter à un pays, une culture différente et totalement inconnue pour moi m’a également poussée à atterrir à Niamey.
Mathilde en pleine séance de formation dans le labo pâtisserie
Pas trop d’appréhension de te rendre au Niger, ce pays qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps ?
Au niveau de la sécurité, pas vraiment d’appréhension pour ma part. Niamey est dans une zone plutôt ῝sûre῎ du Niger, contrairement au Nord du pays où le risque d’enlèvement est beaucoup plus élevé. Tant qu’on ne va pas s’aventurer dans le désert, il n’y a pas de grand danger.
Fais nous rêver. Parle-nous un peu de ton quotidien. Tu dors dans une hutte ; tu vas au boulot avec un âne et tu manges du loubatou ;-) ???
Je suis logée dans l’ancienne maison de Doria, qui se situe en face du lycée français (dans le quartier des expatriés). Je travaille du lundi au samedi. Un des formateurs vient me chercher et me ramène tous les jours. J’arrive au centre le matin, généralement entre 8h15 et 9h00 et selon le programme de la journée, je repars du centre entre 14h30 et 15h30 (ici, ils ne sont pas très à cheval sur les horaires. On arrive quand on arrive !).
Après le travail, c’est souvent repos. La chaleur, ça fatigue !
Je suis arrivée au Niger un peu avant la fête de Tabaski, la fête de mouton. C’est quelque chose d’assez extraordinaire.
Les moutons prêts pour la cuisson...Les gens égorgent et font cuire leurs moutons dans la rue. Il y en avait partout. Je te laisse imaginer l’odeur de la viande qui envahit la ville !
Sinon, j’ai assisté à des concerts au centre culturel franco-nigérien, des repas au grand hôtel et maquis au bord du fleuve, quelques soirées à regarder le foot tout en sirotant une conjoncture, la bière locale !
Je suis aussi allée voir un match de foot de l’équipe nationale. L’ambiance est très sympa dans les stades africains. Mes prochaines activités seront certainement de faire un tour en pirogue sur le fleuve et aller voir les girafes dans la brousse. Je n’oublierai pas de les saluer de ta part !
Le véhicule de livraison bien pratique pour les livraisons en brousse...
Sérieusement, dis-nous un peu ce que tu fais là-bas. Tu es donc pâtissière dans un centre de formation, c’est bien cela ? Quelle est ta fonction et que fais-tu là-bas ?
J’interviens au centre de formation Agapè Niger en tant que formatrice en pâtisserie pour une période de 3 mois. Le centre de formation Agapè Niger est une ONG qui a pour but de former des élèves au métier de boulanger-pâtissier sur une période de 5 mois.
Le taux de chômage étant très élevé au Niger, le centre permet d’offrir à des jeunes la possibilité d’apprendre un métier et ainsi assurer leur avenir professionnel. Le centre fonctionne plutôt comme une entreprise qu’une école. Ils ont quelques cours théoriques sur la boulangerie, mais c’est en production qu’ils passent le plus de temps.
Ce sont les élèves eux-mêmes, avec les chefs de production, qui fabriquent les pains et viennoiseries destinés aux clients. Quant à moi, mon rôle est de former à la pâtisserie les deux formateurs boulangers afin qu’ils puissent former à leur tour les prochaines promotions d’élèves, mais aussi produire pour le magasin et répondre aux commandes de gâteaux d’anniversaire. Je leur apporte des recettes qu’on fait ensemble.
La première fois, je leur fait une démonstration. Ensuite je les laisse faire, ce qui me permet de corriger leurs erreurs et m’assurer qu’ils comprennent bien ce que je leur explique.
Comment fais-tu exactement pour produire et former car je suppose que le labo dans lequel tu travailles ne doit pas ressembler exactement à celui du CFA BPF. Les ingrédients doivent être difficiles à trouver, non ? Il te faut toujours penser système D ???
En effet, le labo ne ressemble pas à celui du CFA BPF !! Il y a un gros batteur deux vitesses, pas de petit batteur, donc on fait quasiment tout à la main (on se fait les bras quand on doit faire des blancs en neige ou de la crème fouettée !).
Le labo n’était pas très équipé en petit matériel pour la pâtisserie, il a donc fallu remédier à cela. Par exemple, pour les cercles et les moules, j’ai montré les modèles au forgeron du coin, qui a fait ça dans la journée. J’avais également apporté avec moi quelques accessoires comme poches et douilles, indispensables pour la production !
Au niveau des matières premières, il n’y a pas de fournisseurs spécialisés. On passe par les supermarchés (seulement 3 dans la ville) et on n’y trouve pas de tout comme en France. Par exemple, la pâte d’amande ou le chocolat blanc sont introuvables ici ! Certains autres ingrédients sont très chers, de mauvaise qualité ou alors on ne va pas en trouver tout le temps comme le chocolat noir qui est très amer ici et jamais le même. Donc je dois adapter les recettes en fonction des ingrédients et je fais en sorte de privilégier les produits locaux.
Le Niger
Je sais que les conditions de travail ne sont pas évidentes (surtout en ce moment..), il fait très chaud et sec. Comment t’organises-tu ? Tu travailles de nuit ? Ton labo est climatisé ??
Le labo est climatisé mais il y fait rarement en dessous de 30°C. Il n’y a pas de surgélateur et les congélateurs sont souvent pleins. Il faut donc anticiper. Pour les préparations qui doivent refroidir (ganache, crème au beurre, etc.) on les fait la veille pour être sûr de pouvoir les utiliser le moment venu.
Le plus difficile, c’est le montage des entremets à base de crème fouettée. Il faut attendre vraiment le dernier moment avant de mettre la crème à monter et à partir de là il faut être rapide sinon la crème retombe. Pour l'anecdote, une fois il faisait tellement chaud, la crème au beurre devenait liquide. On l’a donc mise au congélateur et au bout d’une heure dans le congélateur c’était encore en train de fondre ! A l’inverse, l’avantage avec la chaleur, quand il y a du chocolat à faire fondre, on le laisse une heure à température ambiante et il est totalement fondu !
Organisme stockeur de céréales dernière génération ;-)
Comment se passe ta relation avec tes collègues nigériens au centre ? Ils ne sont pas trop macho ? Ce sont de bons pâtissiers ? Ils apprennent vite ? Ils sont motivés ? ;-)...
Ma relation avec mes collègues nigériens se passe très bien. Ils sont très motivés et attentifs, même s'il faut parfois répéter les choses plusieurs fois avant qu’ils comprennent (notamment sur l’hygiène qui n’est pas leur point fort).
Ils apprennent vite et se débrouillent bien, ce qui rend mon travail plus facile car en même temps que la formation, ils s’occupent aussi de la production en boulangerie donc ce n’est pas tous les jours faciles pour s’organiser. Les élèves et chefs d’équipe s’intéressent également.
Il n’est pas rare qu’ils viennent regarder et demander ce qu’on fait. L’ambiance est bonne et calme. Malgré la chaleur, c’est vraiment agréable de travailler ici !
Y a-t-il beaucoup de pâtisseries à Niamey ? Quels sont les produits que l’on retrouve dans les boutiques ? Y a-t-il des spécialités locales pâtissières ?
La spécialité pâtissière ici ressemble un peu à un moka. C’est une énorme part de gâteau faite de biscuit type génoise en beaucoup plus sucrée et une sorte de crème au beurre. C’est très sucré et très bourratif. Je pense que ces gâteaux sont offerts par des garçons à leurs copines car dessus c’est écrit des mots comme « Ma Jolie » ou « Love ». Il doit y avoir 3 ou 4 pâtisseries à Niamey. J’ai pu y voir des éclairs ou des millefeuilles mais on retrouve surtout ces fameux gâteaux hyper sucrés ainsi que des gâteaux secs propres à la pâtisserie libanaise (baklavas, sablé aux dattes,…). Les Nigériens aiment les pâtisseries très sucrées.
Création de Mathilde
Fais-nous saliver, quel produit as-tu fais découvrir aux Nigériens ?
Les premiers gâteaux mis en vente ont été les cakes au citron (ils n’ont pas les mêmes citrons que chez nous mais le goût est le même). Ils adorent les meringues françaises (en une après-midi, on en vend une trentaine). Ils aiment beaucoup les choux nature (on a fait des chouquettes, mais non, ils les préfèrent nature !), les vendeuses m’en demandent tout le temps. Je leur apprends différentes sortes de gâteaux secs, tartes, gâteaux de voyage, quiches, etc… tout ce qui peut se vendre sans vitrine réfrigérée (on devrait en avoir une prochainement). Du côté des entremets, ils ont découvert la charlotte avec les fruits de saison (ananas, citron, coco, banane et arachides en ce moment), des entremets au chocolat, café, caramel, dont le Moka, qu’ils adorent !
Un petit mot sur ton année passée au CFA BPF (il y a peu). Qu’en retiens-tu essentiellement ?
Une année enrichissante, une très bonne formation dans une école où passion et bonne ambiance sont au rendez-vous.
Ça, si c'est pas de la bonne pub ;-) ! Allez le mot de la fin et je te laisse avec tes girafes !
Un grand merci au CFA BPF pour m’avoir permis d’atterrir ici !!
Une amie !
Merci Mathilde de nous avoir parlé un peu de ton aventure africaine. Je te rappellerais juste que la dernière femme issue du CFA BPF a être partie en mission à Niamey, il y a 3 ans, je crois, n’est toujours pas revenue... alors fais attention à toi :-D !!!
Je te souhaite bon vent. N’abuse pas des "conjonctures" et n’oublie pas de saluer les girafes pour moi !!!!