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Hier est un autre jour !

Publié le 01 février 2013 par Gjouin @GilbertJouin

Hier est un autre jour !Bouffes Parisiens4, rue Monsigny75002 ParisTel : 01 42 96 92 42Métro : 4 Septembre / Pyramides / Opéra
Une pièce de Sylvain Meyniac et Jean-François CrosMise en scène par Eric CivanyanDécors d’Edouard LaugCostumes de Martine BourgeonAvec Daniel Russo (Pierre), Gérard Loussine (Verdier), Axelle Marine (Brigitte Verdier), Jessica Borio (Sophie), Xavier Letourneur (Bernard), Jean-François Cros (Frédéric)
L’histoire : Sur le point de conclure le procès de sa vie, Pierre, un avocat froid et rigide, bourré de principes, va se retrouver obligé de partager une journée avec un homme des plus imprévisibles. Une rencontre improbable qui va bouleverser la vie de l’un comme de l’autre. Une journée de dingues où rien n’est prévu, rien n’est attendu, où tout est possible… et où tout arrive !
Mon avis : Troublant ce phénomène des séries… En deux jours, avec Un homme trop facile ? puis avec Hier est un autre jour !, j’ai vu deux pièces mettant en scène un ectoplasme ! Mais, heureusement, si le traitement est identique (seul le personnage principal voit et entend le fantôme), ces deux comédies n’ont absolument rien en commun.
A l’issue de Hier est un autre jour !, au bar des Bouffes Parisiens, j’ai aperçu les deux auteurs de la pièce. Je m’attendais à deux mecs bizarres, le chef surmonté d’un entonnoir et surveillés de près par des infirmiers psychiatriques… Et bien non. Ils sont tout à fait normaux, banals. Pourtant, il faut être bien barré et avoir le cerveau structuré d’une drôle de façon pour pondre un tel OTNI (objet théâtral non identifié). En fait, ce sont de gentils déjantés.
En effet, voici une pièce qui appartient à la famille du non-sens comme seuls, habituellement, les Britanniques savent en concocter. Elle repose sur un postulat. On ne le voit pas venir tout de suite. Il est habilement préparé, nous laissant ainsi le temps de faire connaissance avec les principaux protagonistes de l’histoire et de cerner leur profil psychologique.On découvre tout de suite que Bernard et Frédéric sont deux fieffés escrocs et que Pierre a le profil idéal du pigeon. Bernard, le patron de Pierre, acculé par les dettes, est opportuniste et magouilleur. Frédéric, le gendre de Bernard, est un jeune godelureau désinvolte, coureur et sans scrupules. Quant à Pierre, il est maniaque, méfiant, coincé par une terrible psychorigidité et, surtout, viscéralement honnête.Mais le surnaturel, via l’irruption d’un revenant, va faire tout exploser et faire de cette journée une dinguerie absolue.
Soudain, après cet exposé liminaire, nous sommes entraînés malgré nous dans un monde parallèle où les mots, les gestes, les situations, devenus incontrôlables, se répètent à l’infini. Passées les cinq premières minutes au cours desquels on se demande ce qui se passe, on pige le truc, on adopte le postulat, et on se laisse embarquer dans une histoire les plus loufoques qu’il m’ait été donné de voir. Après, on n’a plus qu’à se laisser porter et à profiter de ce délicieux délire.
Délire, certes, mais parfaitement maîtrisé. Car la qualité de cette pièce c’est que le non-sens finit par en avoir, du sens. Ça dépasse le cadre de la simple mécanique, c’est carrément de l’horlogerie tant les rouages sont minutieusement ajustés. Ici, le comique de répétition est élevé au rang d’art. Mais ce n’est jamais du copié-collé car il y a, à chaque fois, une toute petite nuance qui nous oblige à la plus grande attention. Il y a même, ectoplasme oblige, d’authentiques tours de magie qui sont tellement réussis, que l’on se laisse avoir à chaque fois. Et qu’on y prend plaisir ! Il suffit d’entendre les éclats de rire qui fusent…
Présent sur scène pendant une heure et demie, Daniel Russo est formidable de finesse et de drôlerie. Il faut un sacré métier et un énorme contrôle de soi pour réussir à rendre crédible une situation aussi divagante. Il dépense une telle énergie qu’il doit finir complètement vidé à l’issue de chaque représentation. Chaque scène est tellement ciselée que l’on n’a pas le droit à la moindre approximation. Les comédiens sont en permanence sur le fil du rasoir… Emportés (et rassurés) par cette locomotive qu’est Daniel Russo, tous les acteurs sont à l’unisson. Ce ne doit pas être évident de jouer des situations aussi farfelues avec le plus grand sérieux et, surtout, d’en retenir le texte et la gestuelle exigés pour que le comique fonctionne. On assiste réellement à un grand numéro d’acteurs.
Que c’est bon la folie douce quand elle est aussi jubilatoire !

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