Magazine Asie
Ambivalence.
Voici le mot qui cristallise mon ressenti à chaque fois que je vais à Nice, ma ville de naissance. Je connais ses rues depuis que je suis petite. Mes parents y ont grandit. Mes grand-parents y ont vécu. Le poids de la filiation me broie comme une ancre trop lourde.
Je me vois, enfant, au jardin publique, sur mes patins à roulettes. Je me vois enfant, mangeant une glace, dans les ruelles crasseuses du vieux Nice.
Je me vois aujourd'hui, une femme, qui regarde cette ville que je déteste autant que j’éprouve une tendresse insidieuse.
Son racisme, son clinquant, sa mafia russe, le quartier maghrébin à coté de la gare où les hommes me toise, les rues piétonnes et leur luxe nauséeux où fourriers pullulent. Les boutiques à touristes qui vendent des produits de contrefaçon fabriqué en chine et importé depuis le marché de Vintimille. Le bruit. Les odeurs d'urine et d'iode. La magnificence des façades et le plumeau dense des palmiers qui veille sur la Prom. Les passereaux tournoient dans le bleu uniforme d'un ciel d'hivers alors que sur les collines, le soleil disparaît.
Au loin, le poudroiement des sommets des alpes déjà blanchis.
Malgré l'horizon, malgré les vagues qui se brisent sur Rauba Capeu, j'étouffe. Le poids d'une culture que je ne comprends pas. Le poids d'un seul arbre qui me terrorise et ne m'apaise jamais : l'arbre généalogique.
Je n'aime pas Nice.
Je n'aime pas la Côte d'Azur et ses paysages massacrés au béton, colonisés sans respect par les riches et les puissants dans des niches écologiques, face à la mer, colonisés aux forceps par les municipalités qui entassent les plus pauvres dans les lits dénaturés des torrents.
Le péri-urbain bouffe tout.
Les villages jadis perchés sur les falaises se transformes en musée, poussiéreux et sans vie, alors qu'en contre bas, villas aux architectures ridicules pousse comme des champignons vénéneux, alors qu'en contre bas, les barres HLM se plantent dans les plaines, remplace les maraîchers.
Des décennies de pollution, de passe-droit, de massacre en règle...
Je n'aime pas ce que les hommes ont fait de cette région.
J'ai encore des vieilles photos, des cartes postales de l'après guerre, et les mots de ma grand-mère qui aura cent ans au printemps prochain. D'autres visions, d'autres images, quand l'homme n'avait pas totalement oublié la notion de paysage et d’environnement. Quand l'homme vivait encore dans le monde sans que ses appétits et leur inertie ne menacent tout, jusqu'à sa propre survie.
Voici encore un billet bien inclassable qui me fait, encore une fois, m'interroger sur la direction que je prends avec ce blog.
J'avoue, je suis curieuse de connaître vos avis !
Copyright : Marianne Ciaudo