Les auteurs partagent dans leurs analyses respectives des pistes d’optimisation communes telles que l’accroissement des effectifs, des budgets, (ou le réalisme des objectifs assignés en regard des moyens humains, technologiques et financiers qui sont affectés) et de l’objectivation précise de leurs rôle et de leurs missions dans le cadre d’un plan stratégique clairement défini, inscrit dans la durée et régulièrement ajusté. A défaut, pour y parvenir les services devront diligenter des actions de force susceptibles d’être médiatisées plutôt que de mener leurs actions comme l’exige les normes feutrées de cette profession. Ils décrivent tous l’effroyable complexification d’un monde ayant quitté la bipolarisation, dans lequel les menaces se multiplient (terrorisme, guerre économique, émergence de nouveaux acteurs, compétition entre alliés, diffusion exponentielle des technologies…). Ils s’accordent enfin à penser que « la fonction crée l’organe » et comme les services français se sont créés, ont évolué et ont contribué à de nombreux conflits dans le monde, que les techniques militaires efficaces et d’une rare sobriété qu’ils ont alors développées les inspirent toujours, elles les éloignent désormais de la société civile dont ils sont pourtant issus et pour laquelle ils œuvrent.
L’approche des auteurs diffère pourtant par le niveau d’analyse, par leur passé, par leur style d’écriture et par l’objectif qu’ils poursuivent : Constantin Melnik développe dans ce livre testament l’approche au scalpel d’un homme d’Etat, à la vie passée d’abord au service de la France puis comme écrivain. Eric Dénecé, après un passage dans les services de renseignement militaires et à la Défense Nationale cherche à influer sur leur devenir par la capitalisation de leur histoire dans une approche universitaire et à mieux faire connaître leur action en recueillant des faits livrés par une communauté d’initiés qu’il anime et dont il distille certains éléments à la connaissance du public. Le triumvirat assez éclectique propose dans une construction chronologique une collection impressionnante d’actions qu’ils ont amassées en quarante ans et qu’ils traduisent dans le contexte politique et historique dans lequel elles ont été initiées et conduites.
On note aussi des divergences telles que : Pour l’un le caractère inéluctable de la malédiction des services, (qui sont pourtant nécessaires dans une démocratie), demeurera tant que les dirigeants ne les comprendront pas et qu’ils les craindront au lieu de les utiliser au mieux de l’intérêt national. Pour l’autre, la rédemption viendra par la société civile et par l’Académie qui diffusera cette culture dans les élites françaises. Et enfin pour le trio, si l’action fait vendre des livres ou des journaux, l’efficacité passe par l’ouverture à la société civile, (sans que les services ne perdent pour autant leur expertise militaire), par la réalisation d’économies d’échelle au niveau européen et le multi nationalisme des équipes d’analyse sans perdre pour autant le patriotisme qui en est la colonne vertébrale et par la définition de la place et d’un cadre d’opération dans lesquels des nouvelles missions comme l’intelligence économique, la guerre contre le terrorisme et la lutte contre la prise d’otage doivent être conduites.
Télécharger l'analyse des trois ouvrages sur les services secrets
« Espionnage à la française », Constantin Melnik, (Ellipses, Paris, 2012, 261p)
« Les Services secrets Français sont-ils nuls ? », Eric Denece, (Ellipses, Paris, 2012, 392p)
« Histoire politique des services secrets français », Roger Faligot , Jean Guisnel et Rémi Kauffer, (La Découverte, P ar is, 1 5 / 11/ 2 0 1 2 , 750p)