En 1992, il tombe sur un exemplaire du National Geographic avec un truc de dingue à l’intérieur: une photo de graffiti. Il a douze ans, il vit à Cork, au Sud de l’Irlande et cette image lui troue gentiment le cul. Deux ans plus tard, remis de son émotion, il s’essaye à cet art tribal. Faire siffler une bombe, à cette époque, à Cork, pour poser son blaze, c’est comme laisser sa trace de pompe sur la Lune en 69. C’est faire office de précurseur. Encore aujourd’hui, peu de mecs s’y sont risqué. Même les keufs sont bien emmerdés quand ils le chopent, à plusieurs reprises, en train de faire ces âneries. Pas un ne sait ce qu’il fait. Mais c’est sûr, un mec qui peint un mur, c’est louche.
Il grandit. Il va à l’école, découvre la drogue et la bière, passe son bac et fait des études. La nuit, il continue à bomber. Progressivement, il découvre le rouleau, le pinceau, les pots de peinture, la raclette et d’autres bricoles incongrues. Il loue un atelier, fait des toiles parce que c’est chic. Mais en 2007, il s’emmerde. Alors il ressort dans la rue, par intermittences. Poser ces soldats sur les murs. En grand, si possible.
Été 2012, Pøbel l’invite au Komafest, un festival de street art à Vardø, au nord de la Norvège. Il y a donc encore plus paumé que Cork. Il s’y rend avec son pote Andrew Telling qui a une caméra et du temps à perdre.
Vardø, c’est le trou de balle de la péninsule scandinave. Plus loin, c’est la mer. Malgré les traces de civilisation, c’est à se demander si des gens y ont vécu. Y vivent. Vardø, c’est l’endroit rêvé pour poser un cul, déballer son matos et peindre. Ce qu’il fait.
Il s’appelle Conor Harrington. Quand on lui demande son métier, il dit peintre. C’est tout.
Il dit aussi accro au chocolat. Mais ça n’a rien à voir.
(Pour les curieus(e)s: Ici, Crossing Lines, un court docu d’une dizaine de minutes sur le voyage d’Harrington en mai 2010 à Tel Aviv et Bethléem)