Vraiment, si quelques personnes venues écouter la lecture sont intéressées, il
m’est indifférent que d’autres n’accrochent pas, voire manifestent leur
hostilité. Cela m’est égal ; je lisais pour ceux qui pouvaient entendre
mon travail, se sentir concernés par lui. Quant aux autres, c’est dommage, mais
j’ai suffisamment été dans leur cas pour dire que cela fait partie de la vie.
On rentre chez soi avec l’impression d’avoir perdu sa soirée, et alors ?
C’est pareil au cinéma, au théâtre… Et pour la poésie, c’est plus simple, il
suffisait de lire un peu, avant, pour savoir si oui ou non cette lecture
pouvait valoir le coup.
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J’ai sorti le paquet de copies du sac, et je l’ai posé dans la véranda. C’est
un premier pas, qui sera sans doute suffisant pour aujourd’hui. Créer une sorte
de remords visuel jusqu’à ce qu’il incite à passer à l’action.
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Il y a bien un retournement. On a porté le livre jusque-là, et maintenant,
c’est lui qui nous porte. Ce basculement ne se fait pas au moment de la
publication, mais deux-trois mois après, lorsque le travail est rôdé par des lectures publiques, assurés
par quelques retours critiques positifs, bref lorsqu’il s’est inscrit dans le
paysage.
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Bruine fine. Odeur du mimosa. Je fais couler un bain. Chuintement de la
cocotte-minute. Soir.
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Planche. Avoir du pain sur la planche. Planche, impératif de plancher,
travailler. Faire la planche. Planche à billets, ne rêvons pas. Planche à
dessin. Planche de salut : il y a bien de cela dans la note comme
substitut du poème.
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Tout comme il n’y a pas qu’un moi, il n’y a pas qu’une seule vie. Ou plutôt, la
vie est une tresse de vies par alternance, à la fois reliées et distinctes,
comme des vases communicants étanches. Chacun est le gymnaste ou le funambule
de sa vie, et il s’agit de sauter d’un fil à l’autre sans se casser trop
souvent la figure.
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Je n’ai jamais touché à la drogue ; les gauloises et le vin m’ont suffi
jusqu’à présent comme accompagnement thérapeutique auto-administré. Je ne porte
aucun jugement sur d’autres choix. Je crois que je n’ai jamais voulu
artificiellement passer les bornes de mon esprit, simplement supporter les
limites de ma tête.
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Distinguer, autant que possible, entre « ce boulot est
inintéressant », dans l’absolu, et « ce boulot n’est pas intéressant,
pour moi ».
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Béatrice Bonhomme me fait un salut gentil de Cerisy, où le colloque James Sacré
bat son plein. L’ami doit être à la fois heureux et dans ses petits souliers.
Il est aussi agréable que stressant d’être ainsi mis en examen.
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Assez vite, bien voir les « cas » pour les 2°, et m’adapter. La
classe semble assez hétérogène, avec du brillant mais du difficile, aussi. Six
redoublants. Il y a encore une fille que je n’ai pas vue car elle dépend d’un
foyer pour l’enfance maltraitée, mais actuellement elle est en fugue. Va
falloir voir, mais ce ne sera pas forcément simple de manier cette masse de 35
élèves…
épisodes 1, 2,
3,
4,
5,
6,
7,
8,
9,
10,
11,
suite lundi 4 février 2013
©Antoine_Emaz