Les Séries sous la Loupe: les Super Bowl XLVII

C'est l'heure du grand match et cette année on a un duel relevé. Voici donc un preview collectif pour vous mettre en appétit. Au clavier : Nick T, JR et Stéphane Morneau.
-L'attaque des 49ers-
Nick T : Les deux équipes en présence ont des offensives qui ont pas mal changé depuis le début de la saison. La transition des Niners de l'attaque traditionnelle axée sur la course pilotée par Alex Smith à l'offensive « pistol » de Colin Kaepernick est remarquable. Jim Harbaugh a orchestré ce changement de main de maître et le rendement de Kaepernick rehausse sa réputation de « QB developper ». Les Niners ont maintenant une offensive variée et imprévisible. Le pistol en lui-même est polyvalent et permet à Kaepernick de courir dans des circonstances qui minimisent les contacts. Le Frisco peut aussi y aller avec des formations plus traditionnelles, surtout quand c'est le temps de « grinder » avec Frank Gore. Comme Vernon Davis semble avoir retrouvé la place qui lui revient dans l'attaque, il pourra causer de sérieux problèmes de matchups. En plus, la ligne est excellente, l'attaque des Niners semble avoir atteint son zénith.
Steph : Ce qui est fascinant de l’offensive des Niners, c’est que tout semblait organisé d’avance, bien avant l’arrivée d’Harbaugh et de ses regards accusateurs. L’inclusion de Kaepernick, pour un dixième match déjà, était le domino manquant pour que toutes les pièces tombent parfaitement en place, formant une mosaïque merveilleusement précise. Michael Crabtree, et tout son bagage, est définitivement le receveur qu’il devait être quand on envoyait des foudres aux Raiders de lui avoir préféré Darrius Heyward-Bey au repêchage. Avant « video game », c’était Alex Smith, la course « rentre-dedans » et une ligne offensive élite qui bouscule tout ce qui bouge. Depuis Kaepernick, c’est la même chose, sauf que c’est devenu le Plan B au cas où les zones profondes sont coupées. Le jeune quart exploite à fond ses receveurs, rendant Vernon Davis optionnel, et même le légendaire Randy Moss n’est qu’une option parmi tant d’autres dans l’arsenal du Frisco. Je ne pensais jamais dire ça, mais les Niners présentent sur le terrain de la Louisiane une puissance offensive à tous les niveaux, presque sans faille tant que Kaepernick garde sa confiance en son bras et, surtout, en ses jambes.
J-R : Outre ce qu’ont dit Nick et Steph, j’ajouterais que ce qui m’impressionne le plus de l’attaque des Niners est la vitesse à laquelle ils peuvent inscrire des points. Eux qui étaient autrefois sortis du match si l’adversaire prenait une avance de 10 points au premier quart, ils ont effacé un retard de 17 points contre Atlanta en moins de temps qu’il ne le faut pour manger une assiette d’ailes de poulet (comparaison boîteuse, mais ça fait Super Bowl!!). Cette remontée est cruciale pour le mental du Frisco qui savent donc que peu importe la situation, l’attaque peut les remettre dans le match. L’autre chose qui m’impressionne, c’est le sang froid de Kaepernick. A Boston, après une folle remontée des Pats ponctuée de quelques erreurs offensives des chercheurs d’or, il n’a jamais perdu son calme et a remis les siens en avant en 2 jeux. Puis, sur la route, en déficit de 17 points, à ses premières séries dans un scénario Super Bowl or bust, on l’a senti moins tendu que Jay Cutler ou Philip Rivers au premier quart d’un match pré-saison. Il ne faut pas trop s’inquiéter que le « moment » soit trop gros pour lui dimanche.

-L'attaque des Ravens-
Nick T : Joe Flacco ne complète que 54.8% de ses passes depuis le début des séries, ce qui illustre bien l'aspect «boom or bust» de l'attaque des Ravens. Ils ne sont pas constants mais quand ça clique, watch out. Même Ray Rice semble avoir attrapé cette maladie, lui qui est plus erratique lors des actuelles séries. Cela dit, l'amélioration de l'offensive est flagrante depuis le début des séries. Flacco est confiant, il a une solide chimie avec Anquan Boldin et Torrey Smith est toujours dangereux. La ligne s'est grandement améliorée avec le retour de Bryant McvKinnie à gauche. Je donne un petit edge à l'attaque des Niners en raison de sa versatilité mais les Ravens vont marquer des points c'est sûr.
Steph : Est-ce que Jim Caldwell détenait la potion magique de Joe Flacco ou bien est-ce que ce dernier se contente de jouer au-dessus de ses moyens à l’approche d’un gros jour de paie? Qu’importe l’option, l’offensive des Ravens fonctionne depuis le début des séries et contrairement à la croyance populaire, tout ne passe pas par les mains de Ray Rice. Anquan Boldin est un monstre d’efficacité depuis le début des éliminatoires et il a sauvé la mise plus d’une fois avec des présences physiques, des mains sûres et une intelligence sur le terrain qui aide toute son offensive. Son travail libère les corridors lointains pour Torrey Smith et cela permet aux Ravens de lancer les dés avec Flacco et d’attaquer loin à la moindre opportunité. Ça fonctionne la moitié du temps, environ, sauf que le jeu en vaut les chandelles. Les points s’additionnent, rapidement, et les défensive adverses finissent par baisser les bras devants la distance de terrain à couvrir. Flacco est imprévisible, mais la puissance de son bras est une constante qui sera déterminante à La Nouvelle-Orléans.
J-R : Je suis aussi dubitatif que l’ami Morneau sur l’apport de Jim Caldwell. Après tout, la dernière fois que je l’ai vu, il jouait les momies sur les lignes de côté des Colts. Difficile de l’imaginer ramenant une unité offensive à la vie, mais ça semble être le cas. D’ailleurs, même l’ancien OC reconnaît que son congédiement était une bonne chose, pas tout à fait le genre de déclaration susceptible de l’aider dans sa recherche d’un nouvel emploi! Il faut cependant bien reconnaître que les ingrédients sont les mêmes, mais Caldwell a rendu le résultat final meilleur. Une partie de la raison est l’absence de revirements. Flacco n’a toujours pas lancé d’interceptions en séries, et ses 2 receveurs principaux (Smith et Boldin) ont tendance à livrer lorsque l’enjeu est grand. Avec tout cela, je n’ai même pas parlé de Ray Rice. Même s’il est plus effacé en séries cette année, ce n’est pas une bonne idée de l’oublier!

-La défense des 49ers-
Nick T : Pass rush recherché!!! Depuis que Justin Smith s'est blessé à la semaine 15 il n'est plus le même. Il n'occupe donc plus systématiquement deux bloqueurs, ce qui rend la tâche d'Aldon Smith beaucoup plus difficile. Le sacks ne viennent plus naturellement et les Niners accordent plus de points qu'avant. Matt Ryan a torché la D de belle façon en 1e demie lors de la finale de la NFC et j'ai l'impression que les faiblesses des Niners en couverture ont été exposées. Contre les longues balles des Flacco, ça va faire mal.
Steph : Comme Nick le souligne, sans Justin Smith, ça tourne carré. Aldon Smith fonctionne au ralenti, les autres ailiers défensifs doivent compenser du mieux qu’ils peuvent et c’est la tertiaire qui finit par se faire battre en raison des secondes de plus qu’ils doivent travailler, contrairement à leurs habitudes. Qui plus est, les Niners n’utilisent pas beaucoup de réservistes sur l’unité défensive, ce qui rend l’absence d’un partant de la qualité de Smith encore plus dérangeante. Heureusement, deux semaines c’est un repos intéressant même pour une blessure aussi sérieuse que celle de Smith. Qui plus est, la fougue de la Louisiane pourrait lui mettre un peu de mine dans le crayon pour le plus important match de sa vie. On parle souvent de Patrick Willis et de NaVorro Bowman, mais le cœur de la défensive des Niners c’est bel et bien Justin Smith et les Ravens savent quelle faiblesse attaquer ce dimanche.
J-R : C’est vrai que la défensive d’Alcatraz n’est plus aussi dominante qu’en saison et je seconde pour l’impact de Justin Smith, mais ça demeure quand même une unité de fort calibre. Ce n’est pas pour rien que les Falcons n’ont pas marqué en 2e demie en finale de la NFC. Ce n’est pas non plus un hasard s’ils ont limité Aaron Rodgers à 24 points, dont 7 alors que l’issue du match était réglée. Ce qui est nouveau cependant (on l’a vu contre les Pats et les Seahawks en saison et contre Atlanta en séries), c’est que cette défensive peut sombrer dans une période léthargique et ressembler à celle des Saints « sans-bounty » pendant une partie du match. Sauf que cette unité qui frappe fort trouvera des façons de s’imposer et je vois mal Baltimore, même la version améliorée, mettre plus que 24 points au tableau.
-La défense des Ravens-
Nick T : Ça m’écœure de l'admettre mais le retour de Ray « Stabby-Stabby » Lewis a ramené cette unité à la vie. Ils ont connu un solide match contre Denver avant d’enrayer complètement les Pats en 2e demie. Lewis accumule les tackles, Paul Kruger s'impose de plus en plus, le demis de coin tiennent le coup malgré l'absence de Webb...ça baigne. En plus, Ed Reed n'a pas encore réussi de gros jeu et on sait que ça va arriver à un moment donné. Une défense ressuscitée après une saison ardue.
Steph : Quelqu’un a inspecté le bras de Ray Lewis pour être certain qu’il n’est pas cybernétique? Sans farce, c’est une armure doublée ce truc. Mais plus sérieusement, les oiseaux mauves n’ont plus l’étoffe d’il y a dix ans de l’autre côté du ballon. Sauf que les vétérans comme Lewis, Reed et Ngata semblent animés par une passion effrayante pour ces éliminatoires et comme c’est le dernier match de la saison, ça serait un peu bête de leur enlever des points parce qu’ils ont plus de cheveux gris que les Californiens de l’autre côté. Oui, les genoux vont craquer lundi matin, mais la défensive des Ravens va venir pour jouer du football et ça va frapper dur. Lewis, le vieux loup, tentera par tous les moyens d’entrer dans la tête de Colin Kapernick et si quelqu’un peut le faire, c’est bien lui qui a toujours été un joueur plus cérébral que la croyance populaire ne laisse transparaître. Si le football est un échiquier, Lewis est à la fois la reine et la main qui manipule l’horloge et les autres pions. Il bouge peu, sauf quand ça compte. Je ne pense pas qu’il soit le genre à sortir timidement de la NFL, des têtes pourraient rouler pour la dernière sortie de Lewis.
J-R : Impossible de ne pas parler de Ray-Ray. On pensera ce qu’on veut du bonhomme, mais le leader incontesté de la défensive des Ravens carbure à l’émotion et traîne ses coéquipiers dans son sillage. A cet effet, la controverse médiatique de la semaine concernant les produits dopants qu’auraient utilisé Lewis dans sa guérison jettera sûrement une ou deux buches de plus dans un foyer déjà chauffé à blanc. Quand on y pense, c’est assez incroyable ce qu’ils ont accompli au cours des 2 derniers matchs. Face aux 2 plus grands QB de leur époque, ils n’ont concédé que 4 majeurs en 9 quarts de jeu. Les demis de coin no-name tiennent le coup, on ne sait pas trop comment. Cette défensive qui semblait en perdition durant la saison a retrouvé sa force de frappe, même lorsqu’elle flirte avec les limites de la légalité! Dans ces 2 rencontres, ils ont fort bien contenu le jeu au sol, mais San Francisco court de tellement de façons avec Gore, James et Kaepernick que je crois que c’est cette abondance de possibilités à gérer sur le jeu de course qui sera le Waterloo de la défensive régénérée des Corbeaux.
-Les impondérables-
Nick T: Vous en avez peut-être entendu parler : apparemment les deux coaches sont des frères! Ça adonne ben. John Harbaugh est de toute évidence un solide meneur d'homme et son équipe est compétitive à chaque année, contre vents et marées. Ses troupes seront prêtes et il y a un buzz d'équipe de destins autour des Mauves, c'est clair. Cela dit, je commence à croire que le frangin Jim est un génie. Son travail de préparation avec les quart-arrières est phénoménal, ses stratégies offensives surprennent l'adversaire, de la maudite belle job. Son côté crinqué agressif peut tomber sur les nerfs mais je pense que ça stimule les joueurs. Quand ton coach est dedans à ce point-là, difficile d'être indifférent. N'eut été des mains beurrées de Kyle Williams, les Niners seraient allés au Super Bowl l'an dernier et Jim aurait peut-être déjà une bague. J'ai bien l'impression qu'il va se reprendre dimanche.
Steph : Outre le duel des frangins, je pense que les vétérans de chaque côté vont venir brouiller les cartes dans cette saison axée sur la jeunesse, la fougue et l’innovation. Oui, Kaepernick est la saveur du mois sur la baie californienne, mais Frank Gore est le char d’assaut qui traîne l’équipe depuis une éternité et trois quarts et ça risque d’être sa seule opportunité d’enfiler une bague énorme sur ses pattes d’ours. Si j’avais de l’argent à parier sur une performance offensive, un vieux deux trouverait le numéro de Gore pour qu’il connaisse un match à la hauteur de sa carrière.
Chez les Ravens, on a parlé des vétérans en défensives et c’est eux qui donneront le ton à toute cette aventure. Les vieux loups mèneront le bal et si il y a une parade a Baltimore, Ray Lewis sera encore le chef d’orchestre et sera sûrement, une fois de plus, boudé par Disney World.
J-R : Parlant des 2 frères, au moins ils nous ont montré leur côté givré dans l’interminable dissertation médiatique de leur vie, que ce soit avec leur progéniture ou leurs parents. Pour ma part, je dirai simplement que ce sont 2 coachs de grand talent qui vont s’égaler et que je serais surpris que le match se joue à ce niveau. Les unités spéciales pourraient avoir leur mot à dire cependant. Elles ont coulé les Niners l’an dernier, mais avec Ted Ginn Jr., elles sont devenues une force. Toutefois, dans le bayou ce dimanche, les unités spéciales des rouges seront les 2e meilleures sur le terrain. Jacoby Jones a franchi la zone de buts 3 fois sur des retours de botté en saison régulière et il devra réussir le même exploit pour que l’épopée de Ray Lewis se termine en soulevant le Lombardi. De plus, il faut souligner le très large avantage des mauves au niveau du botteur de précision, surtout en raison de la saison cauchemardesque de David Akers.
-La prédiction et le MVP-
Nick T : Le match sera âprement disputé mais la polyvalence offensive des Niners aura le dessus à long terme. On aura droit à un semi-shootout et au final San Francisco célébrera son sixième Super Bowl. Niners 33 - Ravens 28. MVP : Frank Gore
Steph : Le premier duel entre les Harbaugh était d’un ennui mortel, sauf que je m’attends à tout le contraire ici. Le dôme de la Louisiane est propice à l’abondance de points et c’est le temps ou jamais de sortir avec une tonne de brique. Niners 35 – Ravens 32. MVP : Michael Crabtree.
J-R : Je ne suis pas aussi enthousiaste que mes collègues sur l’idée d’avoir un match serré. San Francisco s’éloignera progressivement et se sauvera avec une victoire par une dizaine de points. Niners 31 - Ravens 20. MVP : Colin Kaepernick