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Sa Majesté la Peur

Par Notes-Sur-Tel-Aviv @MyriamKalfon

Arrête de penser. ghost crown

Mais cette phrase, c’est aussi une pensée. Alors, ne dis pas ça, dis autre chose. Quoi ?

La machine s’emballe, fuit sa folle course. Les mêmes phrases qui tournent en boucle, les mêmes questions- réponses qui se répètent. Je me retourne en arrière, sur les années passées : qu’ai-je fait pendant tout ce temps ?  A quoi ai-je tant pensé ?

Il en aurait pu en sortir un manuel de philo, tome 1, 2 et 3, il en est sorti ce blog, et mon métier aussi, pas si mal je me dis, certes, mais tant de temps occupé à ne pas vivre, à marcher en rond, ou plutôt en carré, dans le petit périmètre de ma cellule cognitive. J’écoute autour de moi, papa, maman, les amis, souvent les mêmes groupes de mots, les mêmes histoires déjà construites, déjà entendues, répétées tant de fois dans la rassurante routine de la bonne formule, toujours les mêmes motifs qui reviennent. Mais attention, peut-être est-ce normal, ne dit-on pas des grands réalisateurs qu’ils se posent la même question à travers chaque film ? D’accord, mais où passe la frontière entre l’obsession et la créativité ?  Ou, plutôt,  entre la réflexion et l’obsession ?

Mon amoureux étudie le tantra. Et revient à la maison avec ce terme à la bouche : hitmasrout. התמסרות. Dévouement, dévotion, lâcher prise, to dedicate myself. Je ne sais pas bien le traduire. Peut-être ne sais-je pas bien le comprendre ? S’abandonner à, il me dit, et ses yeux pétillent. Tu ne sais pas faire ça. Tu as peur.

Je suis bien obligée d’admettre que j’aie peur. Si ce n’est pas moi qui le dis, c’est mon corps. Stress, tension, maladies somatiques en tous genre, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu cette lueur mi-agacée mi-compatissante dans le regard du médecin allopathique, je ne peux rien pour vous  mademoiselle, maintenant allez-vous en s’il vous plait, vous dérangez mes fantasmes de toute-puissance.

La peur, ce caméléon. Qui sait si bien prendre l’allure du doute. Est-ce vraiment ça que je veux ? Ce n’est pas du tout ce que je croyais… Mais non, enfin ça ne peut pas être ça. Voilà comment je me convaincs, voilà comment je fuis quand je me rapproche d’un passage difficile, d’une zone de turbulences… de cet instant où il faut dire : Je le veux. I do. C’est ce que je voulais et je vais le faire. Peu importe comment je me sens maintenant. Peu importe que j’aie peur. Je vais y aller avec ma peur. Elle et moi, on va même devenir amies. Combien de fois suis-je tombée dans le piège ! Et si je me trompais ? Et si c’était une erreur ? Et si ce n’est pas vraiment ce que je veux ?

Alors, hitmasrout…..C’est que je suis sur mes gardes, moi, monsieur. Il s’agit d’y aller en tâtant le sol à chaque pas, en réfléchissant 25 fois à chaque avancée, l’esprit en alerte, les sens en éveil, il ne sera pas dit que nous échouerons sans du moins l’avoir prédit !

Je voudrais déposer les armes. En faire le geste, consciemment.

Plus seulement comme on me l’a parfois enseigné, dans la contemplation, l’écoute, la passivité. J’ai envie de faire sans me retenir. Danser sans réfléchir, chanter sans réfléchir, rire sans réfléchir, faire l’amour sans réfléchir, aimer sans réfléchir ! Comment faire ? Comment faire, concrètement ?

Cette phrase d’un ami coach : Ta peur te signale que tu t’approches de quelque chose qui peut te faire grandir.

Bon très bien, mais pourquoi-ce aussi désagréable ? Physiquement, j’en déteste la sensation. Les films d’horreur, impossible, c’est à peine si je tiens le coup pendant un polar et je me cache les yeux quand je sais que le personnage va être en difficulté. Dans la vraie vie, je ne suis pas pour autant une froussarde, mais je fais comme si la peur n’existait pas. Rentrer toute seule à 2 heures du matin, où est le problème ? Faire des avances à un garçon ? Très simple. Un entretien d’embauche ? Itou. Je n’apprivoise pas la crainte, je fais comme si elle n’était pas là, je m’absente à moi-même. Comme un saut dans le vide en fermant les yeux. Je rate le moment.

C’est du moins ce que j’ai longtemps fait.

Et maintenant quoi ?

Hier, j’ai senti une piste. J’ai eu peur, j’ai douté, j’ai repéré le piège, je l’ai fait quand même, je me suis amusée, j’ai profité, j’ai vécu. Et j’en suis ressortie heureuse, vivante. Terriblement vivante.



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