Dans son ouvrage Un Siècle au Galop, Guy Thibault fait référence à un article du docteur vétérinaire Dominique Giniaux qui met en évidence la spécificité unique du Pur Sang dans le monde des courses :
"Cet animal est bien fondamentalement différent des autres chevaux [...] Le Pur Sang est bien nommé
puisqu'on le laisse pur, on a raison de le faire courir jeune puisque c'est le jeu auquel il s'adonne naturellement à cet âge. On ne lui apprend rien! On le laisse pur et nous allons voir que
cela entraîne pour la suite ce qui serait un gros inconvénient dans les autres disciplines. Il court parfois à 2 ans, puis à 3 et 4 ans, parfois encore à 5 ans et rarement à 6 ans et plus. Les
âmes sensibles remarqueront avec effroi que la carrière est donc finie avant que le jeune cheval soit adulte. C'est très bien ainsi, on ne peut faire autrement : en effet, à la fin de 4 ans ou à
5 ans, il arrive un jour où il n'a plus envie d'être en tête ! Ce n'est parce qu'il est écoeuré, c'est tout simplement parce qu'il n'est plus un gamin. On l'a laissé réellement pur, on ne lui a
rien appris, on l'a laissé faire ce qu'instinctivement il aurait fait dans la nature.....et l'instinct fait qu'un jour il pense à la reproduction et qu'alors sa place est derrière le groupe !
[...] Les courses classiques de plat permettent donc une sélection comparable à la sélection naturelle des chevaux sauvages. Ce ne sont pas certes les mêmes chevaux, mais les critères
donnant accès à la reproduction sont bien les mêmes dans la nature. [...]
"Dans les autres disciplines (trot, obstacle, concours hippique, dressage) l'homme enseigne
réellement des choses au poulain, il lui apprend des comportements et des réflexes qu'il n'aurait pas dans la nature. Ce "travail" appris se dissocie donc de l'instinct de l'animal. On casse son
instinct, on modifie en partie sa personnalité. Ce comportement artificiel peut alors durer toute la vie, même à l'âge adulte. Cela explique qu'un cheval puisse conserver l'envie de bien faire
son travail et donc de gagner même quand il est devenu reproducteur [...].
Cette admiration naturelle pour le Pur Sang provient bien de ce sentiment de liberté que l'on ressent à son contact, au pré, sur les pistes d'entraînement, ou même dans un rond de présentation quand il se montre tendu, aux aguets, vaguement craintif, imprévisible, comme prêt à revenir à l'état sauvage. Cela est encore plus vrai au moment crucial où son jockey, en suspension au-dessus de son encolure, le conduit vers les stalles de départ, dans un canter léger, prudent, retenu, s'appliquant à contenir son énergie potentielle, il sait que sa mission, c'est de parvenir pendant 1 ou 2 minutes à le piloter jusqu'au poteau sans qu'il s'époumone inconsidérément. Car là est l'essentiel de l'apprentissage du Pur Sang. Savoir doser son effort, lui qui de façon instinctive et naturelle (comme il se sait le faire lorsqu'il est placé au centre de grands espaces de liberté) galoper jusqu' à épuisement. Le seul vrai apprentissage de son métier de cheval de course, c'est celui d'apprendre que l'effort est court et de s'habituer à ronger son frein avant fournir un dernier effort violent. Une libération mesurée de sa puissance et de son énergie. L'un des rares moments où il lui est demandé de retrouver un sentiment fugace de vraie liberté et de jeu avec ses congénères.