Dans sa croisade d’hostilité vis-à-vis de la population qui ne se reconnaît pas dans le modèle hétérosexuel, l’Eglise catholique a largué les balises de la sécurité sémantique. Les mots sont lâchés dans les arcanes médiatiques et ne manquent de produire quelques effets. En matière de discrimination, de sous-entendus homophobes, de mauvaise foi, nombre de déclarations, d’interviews de responsables catholiques laisse voir la nostalgie d’une France, fille aînée de l’Eglise, soumise au contrôle épiscopal. De la manifestation du 17 novembre à celle du 13 janvier 2013, la nébuleuse catholique a travaillé sa communication. Finies les violences, à la trappe les slogans diffamants, oubliés les mots d’ordre choc, place à la responsabilité et à la raison. Nous cathos, ni fachos, ni bobos, nous aimons les homos. Nous cathos, ni bolchos, ni gogos, nous sommes bienveillants… C’est l’antienne déclinée en éléments de langage.
L’Eglise reprend son projet permanent. Celui de dire les normes, donc de définir ce que doit être la masculinité, la féminité, la sexualité, le désir, le plaisir, la famille et bientôt les rêves, les fantasmes, et pourquoi pas la teneur en cacao du chocolat. A l’image de l’étudiante de la pièce d’Eugène Ionesco, La leçon, qui veut obtenir un doctorat total et qui finit par en mourir, l’Eglise a entrepris la (re)conquête totale de la société, son ancienne baronnie perdue. Elle déploie de l’ardeur à peaufiner sa mise en scène par une suite de cérémonies macabres qui révèle ses instincts. « Si l’on veut trouver un sens à La Leçon, c’est la toute puissance du désir. L’irrationalité extrêmement puissante du désir : l’instinct est plus fort que la culture», écrivait Ionesco à propos de sa pièce. L'Eglise aime dire « ça, c’est pas bien » ou « ça, c’est bien ». Dans sa ferveur dévorante, elle arrive presque à couvrir les interprétations orthodoxes des psychanalystes polarisés par le complexe d’Œdipe, réduit à une réalité extérieure et sociale. L’Eglise et le divan sont entrés en concurrence de normalité et de paternalisme.
L’Eglise catholique, en tout cas en France, renoue avec ses vieux démons. En voulant régenter ce qui relève à la fois de l’intimité et de l’appareil législatif de l’Etat, elle décline une version dure de son dogme. En tentant de catholiciser la vie publique et en colonisant la vie sociale des citoyens, elle ne cherche rien moins qu’à crédibiliser et imposer une loi de Dieu, une charia d'obédience romaine, qui viserait à codifier les aspects publics et privés non pas de la vie de ses adeptes mais ceux de l’ensemble de la population. L’appareil normatif devient l’émanation d’une religion instituée. L’acharnement à s’imposer comme institution pensant le social, le politique et le culturel, incite à imaginer que le catholicisme est en train d’évoluer vers une doctrine totalisante. Celle-ci, hégémonique et tentaculaire, ne supporte pas d’alternative. Faut-il rappeler que « catholicisme », comme vocable est apparu dans la langue française à la fin du XVIe siècle, en réaction à l’émergence des cultes réformés ? Le terme s’est depuis imposé pour désigner un courant du christianisme dont le pouvoir est défini par Rome et dont les évêques sont le relais. Il est possible de nommer catholisme, cette doctrine qui prend le contre-pied de la sécularisation, qui n'admet pas sa séparation de corps et d'esprit avec l'Etat. Ce catholisme est la maladie sénile du catholicisme.