Le Mali, un scénario congolais ?

Publié le 31 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

La situation au Mali rappelle celle de la République Démocratique du Congo : richesse géologique, instabilité politique, armée régulière mal équipée et démotivée dont sont issus les groupes rebelles.

Par Jean-Hugues Kabuiku.

Je suis d’origine congolaise. Mes parents sont venus en France pour fuir la dictature, et je me suis toujours intéressé à l’histoire du pays de mes parents. Je vois beaucoup de similitudes entre le récent conflit au Mali et la situation au Congo, notamment les troubles liés à la rébellion dans l’est du Congo.

Présentation du pays

La République Démocratique du Congo (RDC) est aussi appelée Congo ou « Congo-Kinshasa » pour le différencier de la République du Congo voisine ou « Congo-Brazzaville ». De1908 à 1960, cette ancienne colonie était appelée Congo belge, ou « Congo-Léopoldville » jusqu’en 1966, date du renommage de la capitale en Kinshasa; puis, avec la zaïrianisation, Zaïre de 1971 à 1997. Le Congo est le deuxième plus vaste pays d’Afrique après l’Algérie, s’étendant de l’océan Atlantique au plateau de l’Est, et correspond à la majeure partie du bassin du fleuve Congo.

Scandale géologique

Congo - La RDC est un « scandale géologique » au regard de l’immensité de ses richesses naturelles. Dans un article publié en avril 2010 sous le titre : « The curse of coltan » (« La ruée vers le coltan »), le magazine anglais New African, révèle un potentiel pour le secteur minier en RDC de l'ordre de 24.000 milliards USD et indique que cette valeur correspond aux Produits Intérieurs Bruts combinés de l’Europe et des États-Unis d’Amérique. Bien plus, « Ceci éclipse même les 18.000 milliards de dollars américains de la valeur totale des réserves du pétrole de l’Arabie Saoudite ». Il n’est donc pas étonnant que les matières premières de ce pays attirent toutes les convoitises.

Mali - Le Mali possède lui aussi un sous-sol qui fait partie des plus riches du continent noir. Il contient des ressources minières variées comme l’or, le quartz, les carbonates, le bois silicifié, les minéraux liés aux pegmatites et aux métamorphismes, ainsi que du pétrole. Selon Waly Diawara, directeur adjoint de la géologie et des mines,

Dans la carte géologique de notre pays, il apparaît que les cercles de Nioro et Bafoulabé (1re région) sont riches en grenats et en minéraux de métamorphisme de contact. Dans le cercle de Bougouni et le bassin de la Falémé, il y a les minéraux liés aux pegmatites. On retrouve les fossiles dans le Tilemsi à Bourem (région de Gao), les grenats et corindons dans le Gourma (Nord du Mali). L’Adrar des Iforas et ses environs sont riches en bois silicifiés et en minéraux liés aux pegmatites et aux métamorphismes. Dans la zone de Hombori-Douentza, il y a le quartz, les carbonates.

Parmi ces pierres et fossiles, les grenats ont fait l’objet d’un projet d’exploitation industrielle par la DNGM ; les fossiles du Tilemsi ont été exploités par l’Usine de phosphate de Bourem qui n’est plus fonctionnelle depuis plus d’une décennie. L’exploitation des autres matières est encore au stade artisanal. Certains ne sont même pas exploités.

Démocratie

Congo - Le Congo n’a jamais connu la démocratie. C’est pourquoi le pays a connu une période de conflits qui n’a jamais cessé depuis l’indépendance, qui a commencé par l’assassinat de Patrice Lumumba par la Belgique coloniale qui a ensuite soutenu dans sa prise de pouvoir le Dictateur Mobutu et sont État fantoche du Zaïre. L’élection de Joseph Kabila - dont l’élection a été entachée de fraudes en 2011 (la mission d’observation du Centre Carter, a relevé des “irrégularités graves” : présence de 3.6 millions d’électeurs fictif, non-prise en compte de 1.6 millions de bulletins de vote des électeurs de la province de Kinshasa acquise à l’opposition) reste dans cette tradition non-démocratique. Pourtant, la Belgique, et notamment son ministre des affaires étrangères Didier Reynders, n’a cessé d’apporter un soutien sans faille a Kabila.

Mali - Naguère modèle de démocratie africaine, le Mali s’est enfoncé dans l’instabilité politique. Le coup d’État militaire de 2012 est un évènement majeur de l’insurrection malienne ayant débuté à partir du 21 mars 2012.

Un État en pleine décomposition

Mali - En 2010, l’interception d’un camion-citerne par AQMI en plein combat dans le désert du Sahara malien avait déjà provoqué une crise diplomatique avec l’Algérie. Un État en pleine décomposition, couplé a l’insurrection des rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qui ont été rejoints par le mouvement salafiste Ansar Dine allié à d’autres mouvements islamistes revenus de la guerre en Libye et armés par l’Occident. Les 2/3 du territoire malien sont actuellement aux mains de groupes armés islamistes, une classe politique impuissante reste à la merci du capitaine Haya Amadou Sanogo, auteur d’un putsch militaire qui a destitué l’ancien président Amadou Toumani Touré.

Congo - En novembre 2012 en RDC, un énième mouvement armé - le M23 - s’est signalé dans la partie Est du pays et y a défié l’autorité du pouvoir central. La guerre d’agression imposée à la RDC par le Rwanda, sous la nouvelle marque de fabrique « M23 », a causé des milliers de morts ; plus d’un millier de Congolais ont été forcés de quitter leur habitation pour vivre dans des cabanes de fortune au sein des camps disséminés en province à l’est du pays, où le viol est utilisé comme arme de guerre et où des femmes ont contracté le SIDA après avoir été séquestrées, torturées et violées pendant des mois par des miliciens embusqués dans la brousse. Au Congo, l’État n’assure pas ses fonctions régaliennes.

Une armée est dans un état critique

Congo - Après avoir perdu Goma, l'armée congolaise n'a pas su faire face à une offensive sur la petite ville de Saké. L’armée congolaise n’est qu’un agrégat de mouvements de guérilla comme le RCD ou le MLC et de simples miliciens. Elle souffre, comme l’ensemble du pays, de la mauvaise gouvernance et de la corruption. Les soldats sont sous-payés - quand ils ont la chance de recevoir leur solde. Ils manquent de casernes, d’équipements de base, de formation et de confiance en la hiérarchie militaire. Il faut rappeler que le M23 n'est rien d'autre qu'une partie de l’armée entrée en mutinerie et qui a déserté, emportant certains de ses meilleurs éléments.

Mali - Le Mali possède une armée de volontaires recrutés dans toutes les régions du pays. Les recrues sont formées au maniement des armes avant de rejoindre leurs unités d’affectation pour parachever leur apprentissage. Depuis les années 90, on a assisté à une réduction du temps de formation ainsi qu’au recrutement direct d’anciens rebelles sans formation ; et, comme au Congo, la corruption et le népotisme ont fait leur apparition. L'armée malienne, forte de 7.350 hommes, 33 blindés et 16 avions de combat, a déserté ses bases et littéralement fui face à l’avancée des rebelles touaregs, qui seraient entre 2.000 et 3.000 hommes.

Patriotisme

«Les Touaregs sont prêts à mourir pour la libération de l’Azawad, mais les soldats maliens ne sont pas prêts au même sacrifice pour défendre le Nord-Mali». C’est ce qu’affirme Moussa Ag Assarid, porte-parole du MNLA à Paris. Comment voulez-vous que des armées bâties sur le copinage, la corruption et le laisser-aller généralisé soient républicaines et efficaces ? Tout le probléme est là : une armée régulière où la corruption est la norme. En Afrique, l’appartenance ethnique est plus importante que l’appartenance à un État-Nation dont les frontières ont été créées de toutes pièces par des puissances coloniales.

Il faut bien comprendre que les clés de la défaite de ces armées sont le manque de moyens couplé a un patriotisme quasi-inexistant.

"Le manque de motivation des soldats maliens... Bien qu’ils reçoivent un surplus sur leur solde, étant déployés au Nord, beaucoup voyaient une affectation dans les « sables » comme punition. Cette terre « étrangère » vaut-elle le prix de leur vie ?" Abdoul Karim SYLLA, Atlanta, USA

De Goma à Konna

Le Mouvement du 23-mars, également appelé M23, est un groupe créé suite à la guerre du Kivu. Il est composé d’ex-rebelles du CNDP, réintégrés dans l’armée congolaise suite à un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa, qui se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres du mouvement considèrent que le gouvernement congolais n’en a pas respecté les modalités. Plus de mille militaires rwandais ont franchi la frontière le 17 novembre pour aider les rebelles du M23 lors de l’attaque contre Kibumba, 30 km au nord de Goma. Après avoir pris le contrôle de cette localité, le M23 avait poursuivi son offensive jusqu’à occuper la ville de Goma, trois jours plus tard[1].  Goma est une ville de l’est de la République démocratique du Congo. Située à environ 1 500 mètres d’altitude dans la vallée du Rift, Goma est le chef-lieu de la province du Nord-Kivu. La ville est bâtie en bordure nord du lac Kivu sur les anciennes coulées de lave de la chaîne volcanique des Virunga, et principalement sur celles du volcan Nyiragongo qui la domine de près de 2 000 mètres à 20 km plus au nord. Le mardi 20 novembre 2012 . Les forces du M23 ont contourné dans la nuit et le début de la matinée les positions gouvernementales et ont pris possession du centre-ville.Une partie d’entre eux, selon certaines sources, aurait été encerclée par une autre colonne rebelle.

La région de l’est du Congo est riche en ressources minières. Les puissances étrangères financent leur action grâce aux commerce informel de ressources minières.

Conclusion

Le Congo comme le Mali souffrent d’un manque de démocratie flagrant et d’un pillage de ressources naturelles qui ne ce cache même plus. Si la liberté ne fait pas son chemin en Afrique, les peuples africains sont condamnés à subir les exactions d’armées d’invasion et le pillage de leurs ressources naturelles - autrement dit, l’ impérialisme dans toute sa splendeur. Il est triste de voir inlassablement l’histoire se répéter sur le continent noir.

  1. En RDC, le Rwanda et l’Ouganda ont soutenu le M23 pendant la prise de Goma, selon un rapport de l’ONU