Voici donc la suite et fin des aventures de celui que l’on surnomme « Pied-de-Fer » : un légendaire guerrier à la jambe d’acier qui s’est depuis reconverti en chasseur de monstres marins. Épargné par un père qui ne pu se résoudre à le tuer et qui lui donna même ironiquement le nom du royaume des dieux, Asgard a su se faire respecter au fil des ans et a accepté de se lancer à la poursuite du plus terrifiant des monstres marins.
Suite à un premier volet déjà riche en rebondissements, le « Krokkentödter » se retrouve maintenant en bien mauvaise posture : alors que son embarcation est réduite en miettes, le grand froid (le Fröst) se fait de plus en plus menaçant. Mais ce n’est pas le seul danger qui menace les trois survivants sans drak, car le monstrueux Krökken ne semble pas avoir dit son dernier mot. Il se pourrait donc bien que le redoutable chasseur se retrouve transformé en proie lors de ce deuxième volet.
Malgré cette inversion des rôles, l’action est donc à nouveau au rendez-vous et un souffle d’aventure accompagne le destin parsemé d’embûches de notre héros. La narration progresse avec beaucoup de fluidité, sans véritables temps morts, alternant affrontements violents qui poussent la tension à son comble et passages plus apaisés, qui permettent de développer la relation entre Asgard et Siegling. Cette histoire qui emporte le lecteur dans une fresque épique digne des meilleurs récits d’aventure, se révèle également très humaine et invite à découvrir le peuple viking à travers ses guerriers, ses traditions et un mode de vie peu égalitaire, où chacun doit rester à la place que la naissance lui a donné.
Voguant quelque part entre le « Moby Dick » d’Herman Melville et le « Thorgal » de Jean Van Hamme, cette chasse au monstre marin au fin fond des contrées nordiques se concentre inévitablement sur Asgard, chasseur émérite, un brin mystérieux et particulièrement charismatique. Le lecteur se laissera néanmoins également séduire par Sieglind, la jeune orpheline venue compenser ce surplus de testostérone dans un monde de brutes. Montée clandestinement à bord du navire, l’ancienne esclave n’a pas froid aux yeux et saura progressivement briser la carapace du vieux loup solitaire. En limitant son récit à un nombre de protagonistes restreint, Xavier Dorison parvient à développer leur psychologie de manière assez approfondie au fil des pages. Cette profondeur parsemée d’humanité est indéniablement l’un des atouts de ce diptyque.
Si cette chasse au Krökken s’avère passionnante jusqu’à la fin, un deuxième niveau de lecture invite également à suivre la fin du monde viking. C’est en effet une civilisation entière qui est engloutie par Ragna Rök et le passage particulièrement destructeur du Serpent-monde annonce donc le début d’une nouvelle époque.
Le tout est porté par un graphisme très puissant qui ne se perd pas dans de longs dialogues, mais choisit d’en mettre plein la vue lors d’une chasse qui n’est pas sans rappeler celle du légendaire capitaine Achab. Le choix pertinent des cadrages et le découpage dynamique et millimétré accentuent la force du récit et donnent à voir toute l’étendue d’un univers de légende. Les planches de Ralph Meyer, notamment celles consacrées au combat avec le monstre marin, dégagent énormément de puissance et ses personnages aux trognes expressives ont également tout pour plaire.
Après un excellent one-shot dédié à la Mangouste sur la série XIII Mystery, cette nouvelle collaboration entre Xavier Dorison (Le Troisième testament, W.E.S.T., Long John Silver) et Ralph Meyer (Berceuse assassine, Page Noire) inspirée de la mythologie nordique est donc une belle réussite.
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