Monsieur le Président,
La France est intervenue militairement au Mali le 11 janvier 2013, officiellement « afin de stopper l’avancée des islamistes armés vers le sud, menaçant Bamako » et de mettre un terme au terrorisme islamiste au Mali.
Nous, organisations et citoyens Français-Amazighs, de culture laïque et profondément attachés aux valeurs de justice, de liberté et de respect des droits humains, avons applaudi l’initiative française dès lors qu’elle visait clairement et seulement à combattre le terrorisme islamiste et le banditisme lié notamment au trafic de drogue.
Cependant, nous observons que la France intervient aujourd’hui pour protéger le « sud-Mali » mais qu’elle est restée indifférente à la présence depuis plus d’une décennie des mêmes islamistes dans le nord-Mali où ils s’adonnaient librement aux rapts, aux crimes et autre narcotrafic, avec la complicité de certaines autorités maliennes. Les Touaregs avaient appelé en vain, dès le début des années 2000, la France et la communauté internationale pour les aider à éliminer ces groupes maffieux. Il y a là manifestement une politique française de deux poids deux mesures.
Afin de mettre un terme à l’incurie de l’Etat malien, à la marginalisation des populations du nord-Mali et à l’insécurité liée à la présence des islamo-narcotrafiquants dans ce territoire, les populations locales ont créé il y a un an, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Dans la mesure où le MNLA a toujours combattu les intégristes islamistes armés (les dernières batailles du MNLA contre les groupes de Al Qaida et du Mujao datent de novembre et décembre 2012 à Gao et Ménaka), dans la mesure où ce mouvement dispose de milliers de combattants volontaires, aguerris et connaissant parfaitement le terrain parce qu’ils y sont nés et y ont grandi et dans la mesure où le MNLA se dit disposé à intégrer ses troupes dans le dispositif militaire dirigé par la France contre les islamistes, pourquoi la France continue t-elle d’ignorer cette offre ? Pourquoi réserve t-elle son dialogue et son soutien au seul gouvernement malien, pourtant illégitime, excluant le MNLA dont l’objectif est conforme au droit international relatif à l’autodétermination et dont l’action armée fait suite au refus de dialogue de l’ancien gouvernement malien ?
Récemment, et notamment depuis que l’armée française a repris quelques localités à l’ouest du Mali, la France a élargi son objectif en ajoutant à la lutte contre le terrorisme islamiste, « la reconquête de l’intégrité territoriale du Mali ». Ce nouvel objectif, outre qu’il est illégal en référence au droit international, dévoilerait l’objectif réel de la France qui serait de combattre le MNLA et de prendre le contrôle du territoire de l’Azawad et de ses ressources naturelles sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste.
Il est par conséquent très urgent que la France clarifie sa position et ses objectifs. Nous rappelons que le MNLA est né dans le seul but de défendre les droits et les intérêts des populations de l’Azawad dans le respect du droit international relatif au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le conflit qui oppose le MNLA au gouvernement malien est un conflit interne qui doit se régler par un dialogue entre les deux parties concernées, avec l’entremise d’un médiateur neutre et crédible. Dans tous les cas, il est inacceptable que la France continue de soutenir un camp (le Mali) contre un autre (le peuple de l’Azawad) car cela est illégal (notamment en référence au droit international), illégitime et surtout injuste. Si la France maintient sa politique contre les populations de l’Azawad, elle risquerait de provoquer une guerre civile aux conséquences incalculables.
Par ailleurs, nous souhaitons vous alerter M. le Président, sur le fait que le Mali a un voisin, le Niger, presque en tous points identique et où les populations du nord du pays se sont révoltées à maintes reprises et pour les mêmes raisons qu’au nord-Mali. Ces populations suivent avec une grande attention la manière avec laquelle la question de l’Azawad est traitée. Tout parti pris, toute injustice contre l’Azawad ne manquera pas de provoquer des réactions d’indignation et de colère des populations voisines et cousines du nord-Niger et même du sud-Libye. Le conflit risque alors de dégénérer et de déstabiliser l’ensemble de la sous-région. Sans parler des Français Amazighs, près de deux millions de personnes, qui ne manqueront pas d’actionner tous les moyens légaux et démocratiques en vue de faire sanctionner les responsables de toutes les dérives.
Un dernier point M. Le Président, tout le monde vous a alerté sur les actes de représailles susceptibles d’être commis par les soldats maliens qui avancent vers le nord derrière l’armée française. Or, d’après des rapports d’ONG (FIDH, WRH…) et des témoignages des populations, des crimes auraient été commis par l’armée malienne contre des civils, notamment à Niono et Sévaré. Nous vous demandons instamment de condamner fermement les exactions commises par l’armée malienne sur les populations civiles de l’Azawad notamment Touarègues et Maures et de diligenter une commission d’enquête impartiale pour faire toute la lumière sur les faits et le cas échéant, faire juger et sanctionner immédiatement les auteurs des exactions. De toutes les manières, dans le cas où des crimes contre l’humanité seraient avérés, il est clair que c’est la France qui se retrouverait devant la CPI et non le gouvernent malien.
En tout état de cause, la seule méthode juste, crédible et susceptible de conduire à une solution durable, est de réunir le gouvernement malien et le MNLA autour d’une table de négociations pour trouver ensemble la sortie de crise et envisager un futur de paix et de développement. Le MNLA s’est dit prêt à cette rencontre, reste l’accord du Mali. Il est du devoir de la France désormais partie prenante au conflit, de convaincre le gouvernement malien d’accepter dans les plus brefs délais l’ouverture des discussions directes avec le MNLA.
Voilà M. Le Président, l’état de nos doutes, de nos craintes et de nos espoirs. Nous avons entendu vos intentions de tourner le dos à la Françafrique. Nous attendons à présent des faits qui prouvent que vous agissez en démocrate et en faveur de la justice, des droits et des intérêts de l’Afrique et de ses peuples, sans discrimination.
En espérant que vous porterez toute l’attention nécessaire à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président, l’expression de notre haute considération.
Paris, 26/01/2013