Seconde immersion du dramaturge dans les coulisses du théâtre. Après l'assez réussi "Frédérick ou le Boulevard du Crime" il y a quinze ans, dans lequel il ressuscitait le célèbre Frédérick Lemaître, voici qu'il nous emmène à nouveau, avec "Un Homme trop Facile ?", dans la loge d'un comédien populaire, mais imaginaire cette fois-ci, pour le confronter à celui qu'il incarne, à savoir ce "Misanthrope" d'Alceste. Pas sans défaut mais divertissant.
Ainsi, un soir de première, à quelques minutes d'entrer en scène, tandis qu'il se maquille, que l'habilleuse court de loge en loge, que sa traqueuse partenaire, véritable pile électrique, vient chercher du réconfort, que sa fille passe une tête pour l'encourager, ou qu'un auteur raté se présente afin de lui soumettre un projet, Alex voit-il apparaître à travers son miroir le héros de Molière, fort mécontent d'être interprété par un acteur aux antipodes de sa personnalité. La conversation va alors s'engager entre l'idéaliste intolérant et celui qui compose de bonne grâce avec les travers de ses contemporains.
Avec l'esprit et l'élégante efficacité d'écriture qui le caractérisent, Schmitt trousse une comédie enlevée, au scenario sans doute un peu vite pensé. Mais les répliques font mouche, les situations fonctionnent, en dépit de leur état parfois embryonnaire et d'une ou deux scories. Empruntant quelques vers à Jean-Baptiste Poquelin, l'auteur s'essaie à son tour habilement à l'alexandrin. Amusant. Si le théâtre dans lequel il fait évoluer ses protagonistes a tout de l'image d'Epinal (très rouge et or), sa peinture du milieu n'en est pas moins juste. Le script met par ailleurs agréablement la pédale douce sur la philo bon marché qui avait tendance à polluer ses récents ouvrages. La variation qu'il nous propose autour du personnage déteignant sur son interprète (et inversement) reste légère et plaisante, tout comme le propos se dégageant de l'échange Alex-Alceste.
Aux côtés d'un impeccable Roland Giraud (Alex), rigoureusement dirigée par Christophe Lidon, une distribution de qualité. Jérôme Anger campe un Alceste sincère manquant toutefois de noirceur, de gravité (trop de sautillements). Sylvain Katan, pour sa part, donne de réjouissantes allures de psychopate à son écrivailon. Jolie composition. Enfin si l'énergie est excellente, le jeu est encore trop plaqué pour ces dames (Julie Debazac, Marie-Christine Danède et Ingrid Donnadieu); ce Défaut devrait rapidement disparaître.
Nous ne saurions véritablement expliquer ce qui nous fit penser, au cours de cette soirée, à une production d'"Au Théâtre Ce Soir" en quête de ses lettres de noblesse (et qui les décroche !). Peut-être l'alliance d'une pièce grand public, d'un décor réaliste et chatoyant, et d'une mise en scène à effets. Sachez simplement que ce ne fut pas pour nous déplaire...
Récréatif, donc.
Photo : Bernard Richebé