Le blaireau, éternel bouc émissaire

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Communiqué de presse Natagora
Après des décennies de déclin, dû notamment à la chasse au renard qui lui empruntait ses terriers, le blaireau a fort heureusement pu récupérer un effectif plus significatif, au moins localement, et est actuellement stable.

La population wallonne compte actuellement environ 4.200 individus (estimation ULg en 2012)... ce qui ne représente jamais qu’un individu tous les 400 hectares en moyenne. Le blaireau reste une espèce fragile, en particulier dans un contexte de plus en plus chargé de menaces dans les espaces ruraux et forestiers qu'il fréquente : augmentation du trafic routier, pratique de l'empoisonnement et du braconnage, usages de pesticides dangereux, etc.




L'ours et le loup en France, le blaireau en Belgique...
Les effets pervers d'un système de dédomagement... et de l'appat du gain. Photo Christian Cabron

Quelle est la législation concernant le blaireau ? 



Le blaireau est partiellement protégé. Il est par exemple interdit de le capturer ou de le mettre à mort de manière intentionnelle, de perturber intentionnellement l'espèce notamment durant la période de reproduction, etc. (annexe 3 du Décret du 6/12/2001 modifiant la Loi sur la Conservation de la Nature (LCN) de 1973).



La régulation du blaireau est actuellement possible sur base d'une autorisation (arrêté du gouvernement wallon (AGW) du 20 novembre 2003). Or, selon la réponse à une question parlementaire donnée par le Ministre Di Antonio en date du 24 janvier, il serait envisagé de recourir plus facilement à des abattages : "J’envisage de modifier les dispositions légales et réglementaires afin de simplifier administrativement les possibilités de régulation du blaireau par les agriculteurs afin de leur permettre de défendre rapidement et efficacement leurs cultures contre les dégâts de cette espèce."

Par ailleurs, la loi (article 58 sexies de la LCN et AGW du 8 octobre 1998) prévoit le versement d'une indemnité à toute personne physique ou morale qui exerce, en Région wallonne, l’activité d’exploitant agricole, horticole ou forestier ou de pisciculteur qui aurait subi des dégâts de blaireaux lorsque ce dommage est supérieur ou égal à 125 euros.




Quel est le problème actuellement ?



Ce dédommagement, censé protéger le blaireau, est probablement la cause des torts qui lui sont reprochés. En effet, le montant total réclamé au Département de la Nature et des Forêts (DNF) n’arrête pas de croître, avec des conséquences gênantes pour le pouvoir public qui doit l’assumer. Mais il est simpliste de lier cet accroissement à une augmentation des dégâts dus au blaireau. L’espèce est stable depuis des années.

Par contre, il faut savoir que le cours du maïs a explosé : de 120 € la tonne en janvier 2009, on est passé à 240 € en janvier 2013. Derrière cette augmentation importante, figure notamment l’utilisation du maïs comme agrocarburant.

Deuxième facteur, les animaux sauvages qui apprécient le maïs ne sont pas égaux devant la loi : les dégâts dus aux sangliers doivent être dédommagés par des privés (les chasseurs), les dégâts dus aux blaireaux par le pouvoir public (DNF). L’argent public est liquidé de manière automatique alors que les titulaires des chasses ne mettent pas toujours le même empressement. On peut donc comprendre qu’à divers niveaux on puisse avoir tendance à imputer aux blaireaux des dégâts commis par le sanglier, qu’on sait en surnombre avec des conséquences mainte fois dénoncées par tous les acteurs du monde rural.



Arrêtons de prendre le blaireau pour un bouc émissaire et voyons la chance que nous avons de côtoyer dans notre pays un animal qui n’est pas sans rappeler le lointain panda, auquel on donnerait le bon Dieu sans confession !




Philippe Funcken

Natagora

Natagora est une association de protection de la nature active en Wallonie et à Bruxelles. Avec un grand objectif : enrayer la dégradation de la biodiversité et reconstituer un bon état général de la nature, en équilibre avec les activités humaines. Natagora crée des réserves naturelles (plus de 4300 hectares), défend la nature au quotidien et organise, tout au long de l’année, des balades de découverte, des chantiers de gestion d’espaces naturels, des stages, des formations…