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« Pay-As-You-Drive » : révolution tarifaire dans l’assurance ou simple évolution technologique ?

Publié le 08 avril 2008 par Sia Conseil

« Pay-As-You-Drive » : révolution tarifaire dans l’assurance ou simple évolution technologique ?

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La CNIL a approuvé le 26 septembre dernier la première offre de Pay-As-You-Drive (PAYD) française destinée à des flottes de véhicules. Ceci ouvre la voie au développement d’autres offres de ce type en France dès la fin 2007, puis au marché des particuliers.

Le « Pay-As-You-Drive » est un mode de tarification de l’assurance automobile à l’usage, en fonction du nombre de kilomètres parcourus mais également du type de voies empruntées (autoroute, zone urbaine…) ou des horaires de circulation. Par exemple, le tarif au kilomètre appliqué à un déplacement sur autoroute en milieu de journée est significativement moindre que celui d’un déplacement en zone urbaine aux heures de pointe (des facteurs supérieurs à 10 peuvent être constatés entre les deux tarifs[1]).
Cependant, les systèmes utilisés sont également techniquement capables de collecter d’autres données telles que la vitesse de chaque véhicule et le détail des déplacements des usagés. La CNIL en encadre l’usage. Les données spécifiques à un conducteur ne pourront être isolées par l’assureur. Des données sur des dépassements de vitesses ‘à risque’ pourront être suivies à des fins de prévention mais un fichier assimilable à un suivi des infractions des conducteurs ne pourra être constitué.

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Le marché des offres de type « Pay-As-You-Drive »

Les offres de type « Pay-As-You-Drive » concernent plusieurs segments de clientèle :

  • les entreprises :
    • La première offre française de type PAYD est destinée aux flottes de véhicules et doit permettre de guider les actions de prévention de l’assureur et ainsi d’influer sur la sinistralité des gestionnaires de flottes. Le client peut alors en espérer des économies sur la réduction de ses sinistres (franchises lui restant à charge) et in fine sur ses primes.
    • Les prestataires tels que les loueurs de longue durée pourront réaliser une facturation au kilomètre précise même sur le poste assurance, sur la base d’outils de suivi du parc totalement intégrés.
  • les particuliers :
    • La majorité des assureurs déclinent depuis longtemps leurs offres en fonction du kilométrage parcouru (contrats ‘moins de 20.000 km/an’ ou ‘moins de 10.000 km/an’). Une tarification PAYD peut alors présenter un avantage pour les véhicules en dessous du seuil le plus bas (véhicules secondaires, véhicules haut de gamme, conducteur réalisant moins de 5 à 8.000 km par an, seniors).
    • Les populations à risques (Jeunes, Malussés…) pour lesquelles les primes sont les plus élevées, voire inabordables, sont également particulièrement concernées. Une tarification PAYD leur permettra d’accéder plus facilement à l’assurance tout en influant sur leurs déplacements (ex : forte majoration de la tarification le samedi soir sur les populations jeunes). Une évolution sensible de la sinistralité est alors attendue.

Pour les véhicules particuliers, les partenaires technologiques les mieux positionnés sont aujourd’hui les fournisseurs de solutions de récupération des véhicules volés (Cobra Automautive Technologies, Traqueur…) qui proposent des offres globales de mise à disposition des données aux assureurs et disposent de larges réseaux d’installation de leurs boîtiers. Pour les professionnels, les outils de gestion de flotte déjà en place sont les supports les plus adaptés (ex : Orange Business Services propose déjà un produit commun avec un assureur).

Le principe de mutualisation des risques remis en cause ?

Facturer le contrat d’assurance proportionnellement au risque pris remettrait en cause le principe même de mutualisation des risques entre l’ensemble des assurés. Les systèmes de tarification PAYD en usage se limitent cependant aux horaires et types de voies, ils ne permettent pas de qualifier la dangerosité du comportement au volant de l’assuré (excès de vitesse, changement de voies…) et l’assureur ne sera pas autorisé à isoler les données relatives à un conducteur. En ce sens, le PAYD n’est qu’une extension des pratiques existantes de qualification de l’usage du véhicule (kilométrage parcouru, utilisation professionnelle du véhicule ou non, lieu de résidence) à d’autres zones de risques avérées (types de voies et horaires). Les évolutions technologiques de la géolocalisation permettent désormais de qualifier cet usage de manière élémentaire et fiable, tout en offrant une tarification plus adaptée sur les faibles kilométrages. Les autres facteurs de risques liés aux conducteurs n’influant pas sur la tarification, les risques restent totalement mutualisés.

Une première étape vers une révolution des modes de tarification de l’assurance ?

Cette évolution des modes de tarification est rendue possible grâce à l’apparition et la diffusion des outils de géolocalisation dont la finalité première est autre (localisation de véhicules volés, guidage, gestion de flotte…). Ils permettent de ‘découper’ la tarification de la prestation d’assurance pour l’adapter à l’usage constaté.
Pour les particuliers, cette logique de paiement à l’usage est proche de celle des assurances à la journée sur des forfaits de ski ou de certaines assurances d’assistance proposées sur des voyages packagés. D’autres offres d’assurances annuelles et financièrement avantageuses pour l’assurée à partir d’un certain seuil d’usage permettent également de répondre à ces besoins.
L’évolution vers la micro-tarification à l’usage est donc totalement dépendante de l’apparition d’autres supports ou prestations correspondant à un usage limité et pour lesquels l’assurance n’est alors qu’un service complémentaire.

Le PAYD n’en est pas moins novateur sur certains plans :

  • Etant donné la part importante de l’assurance dans le budget automobile d’un particulier, celle-ci pourrait être le déclencheur de l’achat du package de prestation (outil de géolocalisation et services associés). Les fournisseurs de solutions de géolocalisation ont donc pris les devants en proposant des offres intégrées de collecte et remontée des données kilométriques à destination des assureurs, pour leur faciliter la mise en œuvre de ces offres. 
  • Les assureurs vont désormais disposer de données beaucoup plus précises et fréquentes sur l’usage des véhicules et la corrélation avec la sinistralité qu’il conviendra de prendre en compte dans les modèles actuariels. Le cycle de suivi des sinistres et de la tarification en découlant pourra être accéléré et dynamisé. Des actions de prévention pourront être conduites de manière ciblée sur les flottes. En fonction des usages constatés, les offres pourront évoluer (ex : package à X km en ville + 20% sur autoroute à tarif privilégié et tarif spécifique au-delà), des actions commerciales pourront être lancées individuellement (réorientation de l’assuré vers une offre à tarification annuelle ou proposition de services complémentaires au-delà de certains seuils).

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Développement du PAYD en France :

Les offres PAYD bénéficieront aux assurés en termes de :

  • tarifs : en diminuant sensiblement la prime de diverses populations,
  • services : en offrant des services complémentaires portés par l’outil de géolocalisation tels que le bouton d’assistance immédiate[2], la localisation du véhicule en cas de vol, l’accès au suivi de flotte pour les professionnels…
    Ces offres ne remplaceront pas pour autant les contrats classiques qui conviennent à une majorité des assurés.

Les assureurs pourraient être incités à ajouter ce type d’offre à leur catalogue dans les deux ans à venir :

  • pour ne pas prendre de retard dans un contexte commercial déjà tendu sur l’automobile (cf. multiplication des effets de surenchère commerciale sur les différents privilèges ‘d’extension des bonus’ et les formules d’assistance alors que les immatriculations stagnent depuis plusieurs années),
  • car les offres packagées des partenaires technologiques permettent de limiter l’investissement nécessaire au lancement d’une telle offre,
  • car les nouvelles données accessibles et la tarification spécifique peuvent être employées pour influer sur la sinistralité au niveau des flottes comme des particuliers.

Un développement rapide des souscriptions à l’image de la Grande Bretagne ou de l’Italie pourrait donc avoir lieu. En effet, les kilométrages inférieurs à 8.000 kilomètres représentent de l’ordre d’un tiers du marché et sont considérés comme les meilleurs risques par les assureurs.
Cependant le développement sur le marché des particuliers dépendra principalement des choix des assureurs concernant :

  • la répartition des coûts d’équipement entre l’assureur et l’assuré : l’investissement par le particulier dans un boîtier de géolocalisation est difficilement justifiable sur un véhicule roulant peu, le coût d’entré sera donc déterminant.
  • les modèles de tarification proposés : quelles seront les parts de fixe et de variable ? quels seront les facteurs multiplicatifs entre autoroute et usage urbain en heure pleine au lancement de ces offres ?

Le PAYD n’est donc pas la première étape d’une révolution commerciale ou tarifaire de l’assurance, mais simplement l’utilisation d’une opportunité technologique qui doit permettre à certains assurés de bénéficier d’une tarification plus adaptée, tout en espérant influer sur les points extrêmes de la sinistralité. Il donne cependant, et pour la première fois, accès aux assureurs à des informations sur les usages de leurs assurés détaillées et renouvelées fréquemment. Celles-ci pourront être exploitées de manière innovante stratégiquement, commercialement et financièrement !

Sia Conseil


[1]Au 01/11/2007, Norwich Union propose un tarif à 0.41pence/mile sur autoroute l’après-midi contre 4.68pence/mile en ville entre 7 et 10 heure du matin, soit un facteur supérieur à 11 entre les deux tarifs. http://www.norwichunion.com/pay-as-you-drive/pricing-older.htm
[2]Bouton d’assistance immédiate : permet d’être mis directement en contact téléphonique avec le centre d’assistance en cas d’accident ou de panne, en appuyant sur un bouton à l’intérieur du véhicule

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