Ce séminaire est l'occasion de rencontres, de points de vue, d'échanges pour permettre aux participants "d'anticiper l'avenir avec une vision plus claire des prochains défis qui nous attendent".
Les conférenciers sont Pierre Triponez, président de la Commission de Haute Surveillance de la Prévoyance, Charles Wyplosz, professeur d'économie internationale à l'IHEID à Genève, Myret Zaki, journaliste et rédactrice en chef adjointe de Bilan, et François de Closets, écrivain et journaliste français.
Le dernier livre de celui-ci, L'échéance, paru avant les dernières élections présidentielles françaises, est offert gracieusement aux participants.
De quelle échéance s'agit-il?
De "la catastrophe financière qui déferlerait de l'Europe sur la France ou naîtrait d'une attaque spécifique contre notre pays", s'il persiste dans son déni de réalité.
En effet, tôt ou tard, il faudra bien que la France cesse de croire que seule au monde elle peut vivre à crédit, accumulant les déficits depuis près de 40 ans, accroissant la dette publique qui s'approche de plus en plus des 100% du PIB:
"Sortir des déficits, réduire notre endettement: ce n'est pas un choix, c'est une obligation."
Est-ce être ultra-libéral? Que nenni:
"Que la dépense publique puisse et doive être réduite, c'est une évidence, et cela ne fera pas pourtant de notre pays un Etat ultralibéral."
Car être ultra-libéral, quelle horreur!
Comme tout bien-pensant, François de Closets pourfend l'ultra-libéralisme, c'est-à-dire l'excès de libéralisme [sic].
Seulement de l'ultra-libéralisme, qui est le mot-clé pour qualifier le libéralisme tout court, il se fait une représentation mentale tout ce qu'il y a de caricatural. Exemple:
"Dans le schéma ultra-libéral, un patron tout-puissant, peu contraint par la réglementation sociale, détient la totalité du pouvoir au nom de la propriété."
En fait François de Closets est attaché à l'Etat providence:
"Je suis, pour ma part, trop Français, pour accepter de vivre dans un paradis fiscal, et je n'oublie pas que les systèmes libéraux offrent beaucoup moins de services que les systèmes socialisés."
Sa bête noire, plus précisément, est le capitalisme financier, qui est pour lui le comble de l'ultra-libéralisme, alors qu'il jouit insolemment de la protection des Etats et n'a, en conséquence, rien de libéral...
A propos des financiers américains il dit, par euphémisme, qu'ils ont été "encouragés par le pouvoir fédéral américain"...
Alors, il renvoie dos à dos excès de libéralisme et excès d'étatisme:
"Le spectacle du monde nous montre [...] que l'on se ruine aussi sûrement en vidant les
caisses de l'Etat qu'en laissant les financiers s'enrichir sans retenue. Il nous montre aussi que l'excès de libéralisme à l'échelle du monde ne fut pas moins désastreux que les dérives du
providentialisme au niveau des Etats."
S'inspirant des exemples canadien et suédois, il est convaincu que "le contrôle devrait être aussi naturel à la Sécu qu'au fisc":
"Un Etat providence ne peut survivre que dans la rigueur et se délite dans le laxisme."
Qu'il faille surtout prélever plus tout en acceptant qu'il faille distribuer moins:
"C'est en fait toute notre protection sociale qu'il faudrait refonder en l'appuyant sur la totalité des revenus, en prélevant plus sur les riches, en distribuant moins à la classe moyenne, en aidant davantage les plus vulnérables, mais aussi en menant une action dynamique, plus ciblée, plus incitative."
En matière économique il est contre "l'intégrisme libre-échangiste" et pour un protectionnisme d'exceptions:
"Poussée à l'extrême, la fermeture totale devient une aberration, mais des mesures tarifaires visant, par exception, à compenser les distorsions de concurrence les plus flagrantes, à protéger une industrie menacée par des manoeuvres déloyales, ne sont pas des crimes."
Sur l'économie de marché il se fait des illusions:
"Tant qu'à pratiquer l'économie de marché, mieux vaut l'adopter et l'adapter que nous y résigner."
Autant dire que sa conception du marché ne permet pas de faire parvenir les indispensables signaux, dont ils ont besoin, aux
acteurs qui opèrent sur lui.
Certes il constate:
"En France, il suffit d'être audacieux pour créer une entreprise, mais il faut être téméraire pour embaucher un salarié."
Une lueur scintille alors dans son esprit, mais elle est vite réprimée, puisqu'il ne va pas plus loin que ça:
"Pour moderniser nos rapports sociaux, il nous faut passer du règlement au contrat [...]. Passer du règlement au contrat, c'est d'abord passer de la méfiance à la confiance, changer le regard des partenaires sociaux les uns sur les autres, afin que le compromis ne soit plus compromission."
La bête noire de François de Closets reste indéniablement le capitalisme financier qu'il faut absolument réglementer, comme
si l'imposante réglementation bancaire actuelle avait empêché quoi que ce soit.
Il traite, avec raison, les banques et les Etats surendettés de faux-monnayeurs, mais il n'écrit pas une seule ligne
sur les banques centrales, notamment la FED, leurs manipulations des taux directeurs et leurs émissions de fausses monnaies, qui ont été déterminantes dans l'éclosion de
la crise, ni sur les solutions alternatives au système bancaire actuel.
Jeudi dernier, se taillant un franc succès, François de Closets, a rappelé que Laurent Fabius, en 1982, a été l'inventeur d'un indicateur (qui a fait florès depuis, puisque le monde entier
l'a adopté), le déficit budgétaire exprimé en % du PIB, ce qui permet d'en minimiser et donc d'en dissimuler le caractère abyssal.
Avec le même succès il s'est appesanti sur les dérives de l'Etat providence, qu'il ne voudrait pas voir
mourir, en disant qu'avec lui "le droit de" devient "le droit à", mais il n'a pas dit aussi clairement que dans le livre
qu'il voulait le sauver et que ce serait difficile:
"Notre Etat providence se trouve pris en tenaille entre des prélèvements sur les plus
hauts revenus que freine la concurrence fiscale, des prestations aux plus faibles qui augmentent irrésistiblement, des idéologies qui le condamnent à l'hémiplégie et des corporations qui
défendent bec et ongles leurs droits acquis."
Il reste toutefois persuadé que:
"Quand nous serons capables de dire et d'entendre la vérité, nous saurons pourquoi notre Etat providence a fonctionné si mal et comment nous pourrons le transformer."
Quelle vérité?
Que "nos ancêtres faisaient la guerre à crédit" et que "nous
les avons surpassés en faisant la paix à crédit" et qu'il n'est plus possible de continuer ainsi?
Peut-être.
Ne doit-on pas plutôt admettre que l'Etat providence est condamné à mort, dans le futur, même au Canada et en Suède?
Car, à long terme, la compétitivité des pays émergents pourrait bien ne pas reposer pas sur leurs bas salaires, comme on le croit communément, mais sur des modèles sociaux bien différents des nôtres, où la liberté de choix des couvertures sociales pourrait mettre à mal notre prodigieuse productivité, si nous n'y portons pas remède.
Francis Richard
L'échéance, François de Closets avec Irène Inchauspé, 308 pages, Fayard