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Le trail d’Hostens. Une lampe frontale et un chargeur de 6 balles en guise de vadémécum pour franchir les 12 km du trail nocturne à Hostens dans la haute lande girondine. La lampe frontale pour les ténèbres et les six balles pour flinguer mon coté obscur car, s’il faut être plusieurs pour être vraiment seul, j’ai du monde dans la tête : Allan Thousiasme, Arnaud Stalgie et Cie ont intérêt à modérer, l’un, son enthousiasme et l’autre, ses soupirs. Le starter tire son coup ! Touchée, la nuit tombe, les frontales s’allument et le peloton tel un millepatte piétine le pré à l’assaut de la forêt tandis que des feux de Bengale rougissent le ciel timide. J’ai peur ! En queue de peloton, je vais devoir vaincre mes démons : la paresse, la gourmandise (du chrono), l’envie (de paraître), lesté des quelques kilos de l’hiver et des parasites Victor Gueil, le frimeur, G. Laflemme qui revendique un canapé, une pizza, une télé, Roman Talist qui me manipule et Arnaud Stalgie, « Mr c’était mieux avant ». Je flingue mon premier démon, Jack Précoce qui part toujours trop tôt, et la raison gardée, je me cale raisonnablement derrière Martial du Club d’Audenge, un excellent meneur d’allure. Quatre kilomètres de patience durant lesquels je tiens en joue Allan Thousiasme, afin de faire connaissance avec le terrain parfois spongieux, les talus glissants en dévers, les flaques et autres trous d’eaux et trouver un rythme, un souffle, une cadence, un tempo, si possible le mien car le train de Martial n’est pas celui d’un sénateur et je suis à la peine. Roman Talist et G. Laflemme me glissent à l’oreille leur collection de phrases toutes prêtes : « il faut plus de force pour renoncer que pour se rebeller, gnagnagna !» « Tu cours, tu aimes, tu vis au dessus de tes moyens » « Lâche l’affaire »…etc. J’en colle une dans le bocal de Laflemme et Roman s’écrase. Trop tard : Martial est parti dans les sinuosités obscures du sentier. Pas plus mal, me voilà seul à bord du vaisseau « Moi-je »avec mes ennemis de l’intérieur. Durant encore deux kilomètres de solitude, bien calé entre deux groupes, je profite du grand air, du mystère sylvestre, de la distance qui fond entrecoupée des obstacles voulus par l’organisation taquine : franchissement de troncs courbé sous une treille artificielle, single track bien gras et bourbiers marécageux. Avec la bande son de Charlie Winston je fredonne « Where can I buy happiness ? » « Ici et maintenant » répons-je, grappillant de précieux mètres sur un coureur isolé lui aussi. « On est bien ? - Ça dépend : 6 kilos pour ½ heure me répond-il. - Waou ! t’es sûr ? une base de 12 km/h, de nuit dans la gadoue, ça passera pas »Il est temps d’en finir avec Victor Gueil et Allan Thousiasme. C’est eux ou moi ! Je leur colle une bastos chacun et je ralenti la cadence.
Allégé, en compagnie de Roman Talist, j’écris et je chante dans ma tête mon bonheur d’être là, l’instinct grégaire comblé par le groupe qui m’a rejoint. Trop facile ! Mon mentaliste comploteur et complice d’une racine me jette à terre. Ippon dans la merdasse, une cheville en vrac. Je n’avais pas touché le sol que j’hurlais déjà ma maladresse, ma rage et ma douleur : Game over ! Et puisque j’ai appris l’anglais sur un flipper je fais : « Same player shot again » et l’extra-ball vengeresse est pour le mentaliste. L’orgueil n’est plus là ! Une boule dans la gorge je rebrousse chemin avec les arguments raisonnables des perdants : penser à la vie d’après, sauver sa cheville, renoncer avec en fond sonore l’agaçante petite musique de l’abandon, claudiquant vers le poste de secours, quelque part en arrière. Enragé et nostalgique, aux frontières de la mémoire et de l’oubli, puisque je suis tout puissant et que c’est moi qui raconte, je ressuscite toute la famille de Victor Gueil, son frère le culot, et ses sœurs l’arrogance, la morgue, la fierté et l’insolence. Accompagné de cette smala de la rancœur, sérial killer de tous mes défauts, je décide de rester dans la course et tant pis pour le temps et les places perdues. A chaud, la souffrance disparaît. Je marche puis je cours à nouveau presque normalement, pas très vite mais je cours et rattrape un groupetto. Je joue même le chef de meute les deux kilomètres restants jusqu’à ce que j’entende, dans les clameurs de l’arrivée, un pas régulier derrière et un coureur à ma portée devant. C’est bon ! Je n’en peux plus ! L’illusionniste qui sommeille en moi résiste un peu pour la frime mais je ne partirai pas à la conquête d’une place de mieux et céderai la mienne à mon poursuivant. Bilan des courses : ligne franchie à bout et au bout d’une 1 heure vingt minutes ; 179 ème sur 250 partant ; 200 classés. David, preum’s, a bouclé la promenade en 45 minutes. Au ravito, la mine piteuse du cancre prés du radiateur en fond de classe, je rejoins Martial, Laurent, Christophe, Laure et Bruno rendus bien avant moi. Arnaud Stalgie la ramène avec son refrain : « c’était mieux avant ! » Il me reste une balle !