Je ne vous parlerai pas de ce très beau roman de Marcel Pagnol, mais je vous présente un projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, actuellement discuté par l’assemblée nationale.
Pourquoi une telle loi ?
Après tout, l’article 109 du Code de procédure pénale, dispose que «tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine».
Mais le journaliste perd sa protection lorsqu’il est mis en examen pour recel de violation du secret de l’instruction, ou pour recel de document volé.
La Cour Européenne des droits de l’homme est venue préciser que l’obligation de divulgation de sa source par un journaliste doit représenter "un moyen nécessaire dans une société démocratique" (arrêt du 27 mars 1996, affaire Goodwin C : Royaume-Uni).
Les journalistes attendaient donc qu’une promesse présidentielle soit tenue, celle de l’affirmation solennelle du principe du respect des sources dans un texte légal.
Ce sera chose faite, mais…
En réalité, à y regarder de plus près, le nouveau texte, loin d’affirmer le caractère absolu de principe, en organise les modalités de contournement !
Il sera en effet possible de déroger à ce principe lorsque le délit ou le crime sera « particulièrement grave » ou lorsque des investigations seront « nécessaires ».
Sans nul doute, les exceptions seront justifiées par des situations beaucoup trop vagues, laissées à la discrétion du magistrat instructeur. La définition légale donnera cours à toutes les interprétations possibles.
Un autre point suscite l’interrogation : pourquoi ce texte définit la notion de journaliste, puisque cette définition est du ressort du code du travail et de la commission de la carte ?
Si l’exception devient la règle, qu’en sera-t-il du principe ?
Exposé des motifs (extraits)
Le projet de loi complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d’y inscrire de façon solennelle le principe du secret des sources, juste après son article 1er qui dispose que l’imprimerie et la librairie sont libres.
Il est ainsi proposé d’énoncer au premier alinéa de l’article 2 de la loi de 1881 que « Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ».
Le deuxième alinéa de cet article dispose qu’il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose. Il précise également qu’au cours d’une procédure pénale, l’origine d’une information journalistique ne peut être recherchée qu’à titre exceptionnel et si cela est justifié par la nature et la particulière gravité du crime ou du délit ainsi que par les nécessités des investigations.
La consécration du secret des sources s’accompagne donc des limites justifiées par le nécessaire équilibre devant être trouvé entre la protection des sources et des nécessités impérieuses.
Sur le site de l’Assemblée nationale, le dossier.
Sur le site du Monde : Le projet de loi sur la protection des sources des journalistes provoque un débat, par Laurence Girard
Sur le site de Libération : Secret des sources : une protection sous conditions - Journalisme. Les députés examinent aujourd’hui un projet visant à réformer la loi sur la liberté de la presse, par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
(Le manuscrit du premier tome de l’eau des collines, Jean de Fleurette, est ici).