" Nous avons choisi de ne pas désexuer "... Cette simple phrase confirme donc que la question s'est posée de savoir si finalement, c'était bien nécessaire d'indiquer un père et une mère sur un livret de famille. Ben oui, finalement, la question mérite d'être posée non ? Car en fait, est-ce vraiment nécessaire tout ceci, ce clivage, ces étiquettes, ces cases dans lesquelles " on " nous enferme. On peut s'en passer puisqu'on peut fonder une famille autrement. Ce qui importe c'est l'amour des adultes entre eux et aussi l'amour de l'enfant. Le droit de reconnaître et de faire reconnaître son amour à la société et aux autres. Certes... Mais n'y a-t-il pas quand même là-dedans beaucoup d'autocentrisme ?
Et puis ce qui gêne dans ce débat c'est que rien n'est clair, les " pros " et les " antis " craignent l'entourloupe, et cette procréation médicale assistée qui traîne ici et là, que le Gouvernement laisse pourrir pour voir ce qui va se passer. Pas très responsable, encore moins courageux. Que cela a été mal préparé par le Gouvernement Hollande ! D'ailleurs, petit rappel aux anti-Sarkozystes qui servaient régulièrement le : " il crispe la société, il divise ". Force est de constater que François Hollande fait mieux, ça les encouragera peut-être à plus de modération dans leurs propos à l'avenir...
En vrai, dans ce débat, la question qui se pose, sous-jacente, c'est plutôt de savoir ce que l'on attend de notre droit et de nos lois. Le droit doit-il viser à une certaine homogénéité protectrice qui privilégie l'intérêt général, quitte à annihiler des trajectoires personnelles, ou doit-il plutôt répondre positivement aux aspirations sociétales et personnelles, une certaine forme de communautarisme en quelque sorte, et conférer de nouveaux droits revendiqués par tel ou tel groupe ? La question mérite d'être posée car une partie du bien fondé ou non de cette loi s'y trouve probablement.
Et puis il y a l'enfant dans tout cela. La question, forcément compliquée, de ce que fait le droit pour le protéger d'abord, pour son épanouissement ensuite. Sphère privée ou sphère publique ? Faut-il légiférer ? Et pour dire quoi ?
Nous (la loi) pouvons décider d'aller au-delà de la simple reconnaissance de la nature (la capacité, intangible, de procréer donnée à un homme et une femme, et à eux seuls) pour dire que finalement, à l'épreuve des faits, d'autres montages tout aussi légitimes se font, avec des enfants élevés par des parents d'un même sexe. Biologiquement impossible ? Pas grave, la société et les mœurs le permettent car ça existe, ça se pratique.
Le Gouvernement décide de l'officialiser et de le reconnaître. Soit. Mais ne nous arrêtons alors pas au milieu du gué ! Si l'approche du Gouvernement est rationnelle et factuelle (" il y a des réalités, elles existent, il y a des demandes -légitimes ?- le droit doit y satisfaire "), alors sur les questions sociétales et environnementales il faut être cohérent. Qu'est-ce qui empêche de légiférer pour autoriser les essais scientifiques, puis cliniques, sur les embryons humains ( c'est déjà parti, voir ici), de développer les OGM ? En quoi serait-ce différent ? Quelle est la boussole désormais qui permet de dire si c'est légal ou non, possible ou pas, bien ou pas bien ? Si ça existe, si c'est pratiqué (surtout chez nos voisins, c'est tellement mieux chez eux...), s'il y a des demandes, reconnaissons-le !
Et le caractère " biologique " : seuls un homme et une femme peuvent avoir des enfants, pas deux hommes, pas deux femmes. Argument incontestable, fondement de notre survie et de notre évolution (jusqu'à preuve du contraire). Mais on a aussi des personnes stériles chez les hétéros répondent certains, et c'est mère Nature aussi... Pourtant, cet argument biologique n'est-il pas central, il ne l'est indéniablement pas assez dans le débat, parasité, recouvert par les raisons religieuses, qui le reprennent.
Il y a enfin la religion et les racines chrétiennes de notre pays. Le débat avait déjà eu lieu lorsque VGE avait voulu les inscrire dans le préambule du projet de constitution européenne, avec le tollé des " antis " que l'on sait. Peut-on nier l'importance de la religion chrétienne dans notre société ? Evidemment non. Faut-il en tenir compte et jusqu'où ? Autre question. Reste que quand on regarde la France, son droit, ses valeurs, son paysage, ce texte a été géré de manière bien cavalière et désormais, c'est ce manque d'écoute de la sphère religieuse qui est sanctionné. Le message religieux c'est quand même utile à la cohésion d'une société, aux mœurs, à l'éducation... Tocqueville, pourtant pas un rétrograde primaire, pensait que la religion pouvait servir les démocraties. Avec ce Gouvernement, on en est loin...
Dernière chose sur ce (mauvais) projet de loi, on peut s'envoyer tous les exemples à la figure, tous seront justifiés : les " mauvais " parents hétérosexuels qui ont des enfants qu'ils élèvent mal et sans amour, les " bons " parents hétéros qui n'arrivent pas à avoir d'enfants ", les " bons " parents homosexuels qui élèvent " bien " leurs enfants, les " mauvais " parents hétérosexuels qui élèvent mal leurs enfants... Tout ceci n'est-il pas un peu ridicule au fond : homo/hétéro, mal ou bien.
Plus je regarde et lis les articles, les blogs, plus je me dis que François Hollande, pour glaner quelques voix et apparaître " moderne ", a manqué une grosse occasion de se taire. N'y avait-il pas d'autres sujets de priorités ? La crise économique peut-être ?