A propos de CA Paris Paris, 13 juillet 2012
Une société de courtage en assurance ayant développé son activité sous le nom commercial « Assurpeople » et via le site « assurpeople.com » s’est émue qu’un de ses concurrents utilise son nom commercial et son nom de domaine à titre de mot clé dans le système de référencement Adwords pour faire apparaître des annonces commerciales redirigeant les internautes vers ses propres sites concurrents.
Après une mise en demeure restée sans réponse, une assignation en référé devant le Tribunal de Commerce de Paris est donc délivrée à l’encontre du concurrent indélicat pour faire interdire sous astreinte la poursuite des actes de concurrence déloyale et de parasitisme consistant à sélectionner comme mot clé le mot « Assurpeople » ou tout dérivé orthographique dans le cadre du service de référencement payant proposé par tout moteur de recherche sur internet.
La Cour d’appel de Paris refuse de transposer au cas d’espèce la solution dégagée par la CJUE dans ses arrêts du 23 mars 2010 rendus à l’occasion de l’interprétation de la directive du 21 décembre 1988 sur la marque communautaire et sur la jurisprudence applicable à l’atteinte à la marque.
En l’espèce, la Cour juge que l’utilisation faite du nom commercial et du nom de domaine du concurrent caractérise un acte de concurrence déloyale et parasitaire en tenant le raisonnement suivant :
« L’internaute qui souhaite obtenir des renseignements sur une entreprise qui propose ses produits ou services en ligne afin, le cas échéant de contracter avec elle, doit effectuer une recherche en utilisant sa dénomination sociale, son nom commercial ou comme en l’espèce, son nom de domaine.
Le fait pour la société exerçant dans le même secteur d’activité que son concurrent de référencer son propre site à partir du nom de domaine sur lequel ce dernier a un droit privatif, lui permet de bénéficier du trafic généré par le nom de domaine “Assurpeople” et de son site de publicité sur internet qui est, de surcroît, le seul support par lequel ce concurrent propose ses services à la clientèle et d’en détourner la clientèle à son profit.
La « réservation » par la société Go Assurances de différentes variantes du mot clé “assurpeople” ainsi que de mots clés voisins correspondant au nom commercial et de domaine de la société Lucheux constitue, à l’évidence, une atteinte aux droits dont cette société dispose sur sa dénomination sociale, générant nécessairement une confusion dans l’esprit de la clientèle ; que ce comportement constitue un acte de concurrence déloyale et du fait de l’immixtion dans le sillage économique de la société Lucheux, un acte de parasitisme ».
Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris s’inscrit à contre-courant de la jurisprudence actuelle en matière d’utilisation de signes distinctifs appartenant à des tiers dans le système de référencement Adwords.
En effet, la tendance à l’heure actuelle est bien plus de considérer que l’utilisation de signes distinctifs appartenant à des concurrents pour générer des annonces dans le système de référencement Adwords est parfaitement licite, dès lors qu’il n’y a ni parasitisme ni dilution ni ternissement de la marque renommée. Comme l’a rappelé dernièrement le TGI de Bordeaux dans un jugement du 15 janvier 2013, ce type de « publicité relève d’une concurrence saine et loyale voulue par la législation européenne même si elle peut contraindre le titulaire des marques concernées à payer un prix plus élevé s’il veut obtenir que ses annonces apparaissent devant celles de son concurrent ».
La portée de cet arrêt doit donc très certainement être pondérée, mais sa solution est pleine d’espoirs pour les sociétés désireuses d’optimiser leur référencement et d’éviter à leurs concurrents d’utiliser leurs signes distinctifs à titre de mot-clé, à tout le moins quand cette utilisation se fait de manière abusive, déloyale ou parasitaire.