... L'affaire Robert Boulin, c'est un des secrets mes mieux gardés de la Ve République. À tel point que 35 ans après les faits, il existe toujours une version officielle, une autre officieuse et que chacun campe sur ses positions. À tel point que sa famille continue encore et toujours à demander la réouverture du dossier. Hier soir à 23h15 sur France 3, un document de Gilles Cayatte affirmait, sans transiger d'un iota de la ligne officielle, que le suicide est la seule option. Ce soir à 20h45 sur la même chaîne est diffusé un téléfilm, "Crime d'Etat" par Pierre Aknine, qui affirme le contraire et désigne clairement les coupables. Ou comment le service public refuse de se mouiller et en profite pour faire de l'audience. Dans ce téléfilm, François Berléand campe Robert Boulin et Philippe Torreton joue Henri Tournet, l'escroc qui a entraîné Boulin vers le scandale et la mort, quelle qu'elle soit.
L'histoire de Robert Boulin, c'est d'abord celle d'une époque. La guerre des droites (tiens, déjà ?) entre Giscard et Chirac. C'est aussi l'époque du SAC, le Service d'Action Civique (civique, quelle blague), la police parallèle chère à Charles Pasqua, un groupe aux dérives totalement mafieuses. C'est celle des gros contrats au Gabon (déjà ?), de rétrocommissions qui retombent dans la poche des hommes en place (déjà ?) et dans celles de leur parti (déjà ?). Bref, l'histoire de Robert Boulin, c'est celle de la Françafrique, des dérives de la droite, de ses magouilles, de ses coups bas depuis 40 ans. C'est l'histoire d'un système qui a préféré broyer un homme, un ministre, plutôt que de perdre la poule aux œufs d'or. Un système qui perdure encore et toujours (rappelez-vous les paroles de Khadafi avant qu'il ne devienne rapidement un ennemi de la France alors qu'avant, il pouvait faire du camping à l'Elysée quand il le souhaitait).
Comment expliquer que Francis Deswarte, le gendarme qui a découvert le corps en premier, l'ait trouvé la tête hors de l'eau quasiment à quatre pattes, comme s'il avait tenté de remonter la berge ? Comment expliquer les traces de liens sur son poignet gauche ? Comment expliquer qu'Alexandre Sanguinetti, un des fondateurs du SAC, ait confié à Jean Charbonnel, ex ministre gaulliste, qu'il avait soigneusement mis dans un coffre le nom des deux assassins de Robert Boulin ? Comment expliquer que Lætitia Sanguinetti, la fille d'Alexandre Sanguinetti, affirme qu'à sa mort, son père lui a confié le nom des commanditaires et des tueurs et qu'elle n'ait jamais été auditionnée jusqu'ici ? Comment expliquer que certains témoins qui disent connaître des éléments nouveaux n'aient jamais été entendus, que jusqu'à présent l'affaire n'ait pas été réouverte pour chercher des traces ADN sur les huit lettres de suicide que Robert Boulin aurait lui-même posté ? Réponse (ou pas) ce soir.