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Trop d'impôt tue l'impôt, et le contribuable

Publié le 29 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

Quand, il y a un an, un architecte se suicidait symboliquement devant un centre des impôts en justifiant son acte, l’État donnait leur journée aux employés du centre et démarrait une enquête. Où en est-elle ?

Un billet d'humeur de Baptiste Créteur.

Trop d'impôt tue l'impôt, et le contribuable

L'affaire semblait simple : le 26 janvier 2012, un architecte qui devait près de 26 000 euros au Fisc se suicidait devant le centre des impôts de Créteil après avoir laissé un mot plutôt explicite à l'accueil : "Vous avez voulu ma peau, vous l’avez."

«Tous les jours, il recevait des recommandés, des courriers des impôts, il semblait criblé de dettes. » Dans cet immeuble cossu et tranquille de l’avenue du Général-Leclerc à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), une voisine revoit les va-et-vient réguliers du facteur. Un peu plus tôt dans l’après-midi, hier vers 14h30, cet architecte de 55 ans s’est rendu au centre des impôts de Créteil et, dans la cour du bâtiment, s’est tiré une balle dans la tête avec un revolver calibre 38 chargé de six balles. Il avait auparavant laissé un mot à une employée de l’accueil : « Vous avez voulu ma peau, vous l’avez. » Selon des sources concordantes, l’homme, marié et père de deux adolescents, devait près de 26000 € au Trésor public.

Sans vouloir remettre en cause la lucidité des serviteurs de l’État ni tirer de conclusions hâtives, il semble que l'architecte se soit suicidé à cause de et en signe de protestation face à la pression que faisaient peser sur lui le Fisc et ses agents. Mais l’État, dont la priorité n'est pas de faire des économies, a décidé de mobiliser des fonctionnaires pour mener l'enquête et de démobiliser pour la journée les salariés du centre des impôts.

Le centre des impôts, qui abrite la Direction départementale des finances publiques, a fermé ses portes pour la journée et une cellule psychologique y a été mise en place. En fin d’après-midi, les employés sortaient au goutte-à-goutte du périmètre mis en place par la police : certains n’avaient « rien vu, rien entendu »; d’autres, comme Florence, venue faire une formation, avaient été mis au courant une heure après le drame. « On a souvent des gens agités qui se présentent à l’accueil, mais on n’avait jamais vu un tel drame. Apparemment, il a demandé à voir une employée en particulier, mais il n’a pas attendu longtemps. Il devait être vraiment désespéré. » « Je l’ai aperçu de loin et j’ai entendu une forte détonation », décrit Kevin, agent au service du courrier. Mes collègues de l’accueil sont choqués, voire traumatisés. » Une enquête « aux fins de recherche des causes de la mort » a été ouverte.

Il ne faudrait pas jeter l'opprobre trop rapidement sur des fonctionnaires qui ne font que leur travail. Leur émotion est compréhensible : ils se sentaient sans doute en partie responsable de la mort d'un homme qu'ils ont, jour après jour, harcelé de courriers menaçant comme seul un État qui sait tout le bien qu'il peut faire avec l'argent des autres et qui a de grands projets à imposer à ceux qu'il est censé servir peut en envoyer. Mais ils ne l'étaient qu'en partie ; comment auraient-ils pu se douter qu'un homme se suiciderait de culpabilité faute de pouvoir accomplir son devoir de solidarité et contribuer comme il se doit au système social français ? Comment auraient-ils pu se douter que ne pas prêter l'oreille à un homme désespéré, ne pas recevoir un homme à qui on envoie pourtant des recommandés chaque jour pourrait le pousser au suicide ? Comment auraient-ils pu se douter que, en plus de tuer l'impôt, trop d'impôt tue le contribuable ?

Sans doute s'agit-il d'un cas isolé. Rares sont ceux que l'acharnement étatique poussera à un renoncement tel qu'ils envisageront le suicide et passeront à l'acte. Bien plus rares que ceux dont les projets ne verront jamais le jour en France ou ne verront pas le jour d'après, ou que ceux qui devront petit à petit renoncer faute de pouvoir s'acquitter des prélèvements et impôts. Il ne faudrait pas faire un cas général d'une exception et remettre en cause le train de vie de l’État et le système de protection sociale et les services publics injustes et inefficaces censés le justifier.

Mais il ne faudrait pas non plus que à 70% l'impôt soit encore jugé supportable par le conseil constitutionnel, ou que la propriété privée soit un droit insignifiant face à l'extension progressive du spectre de l’État-providence. Il ne faudrait pas non plus qu'existent en France deux castes, les producteurs et les parasites, ceux qui ne peuvent rien désirer et ceux qui peuvent tout désirer, ceux qui produisent et n'ont pas le droit de jouir des fruits de leurs travail et ceux qui ne produisent pas et ont le droit de jouir du travail des autres. Il ne faudrait pas qu'on offre à certains des droits qui sont autant de devoirs pour les autres.

Si un fonctionnaire du centre des impôts de Créteil venait à se demander comment ce drame aurait pu être évité il y a un an et comment il aurait pu, à son échelle, y contribuer, il pourrait comparer le coût annuel pour le contribuable de son salaire et le montant réclamé par le fisc à ce contribuable. Si un homme politique voulait rendre hommage à ce contribuable désespéré – partisans de l'hommage à la culture communiste s'abstenir – il pourrait mener la même comparaison, que peuvent d'ailleurs mener tous ceux qui bénéficient des largesses de l’État.

Mais d'ailleurs, où en est l'enquête ?


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