Nuit d'enfer. Ça faisait presque trois semaines. Les douleurs, l'insomnie, la gestapo chimique à l'œuvre sur tout mon corps, mais plus rien à avouer pour les faire s'arrêter. Je me lève au son du réveil, ce qui ne m'arrive jamais, moi qui ouvre les yeux dix minutes avant le dring-dring depuis ma (pas si tendre) enfance.
Dans l'aube incertaine et blafarde les nuages se pressent d'un côté l'autre, cherchant le vent. Je tente en vain de trouver ma place ici-bas. Dans une demi-heure mon assistante arrive. Dans une heure, les membres hyper-doués d'un groupe dont je réalise la maquette seront là. Mon cœur bat de traviole, j'ai les paupières lourdes et tous mes muscles sont fatigués par la lutte nocturne. Je tente en vain de placer mes vieux cheveux sur leur crâne cabossé d'un demi-siècle. Les larmes strient mon visage de sillons salins et je me sens sur le point de partir, comme une fusée sur le pas de tir, condamnée à s'exploser vers les grands cailloux de glace.
Vite, il me faut quelque chose, un fix, une dose, un coup de je ne sais quel truc pour m'attacher… Les accords de The Shape I'm in flottent dans la chambre, autour de ma tête. Je trouve le morceau, je déclenche. Les toms de Levon Helm, la Telecaster de Robbertson, la basse, la voix d'outre-trombe de Danko… et… si… ok…
Ça y est, on va y arriver. Ouf.
Le mari de Yoko disait : Personne ne m'a prévenu qu'il y aurait des jours comme celui-là.
© Éric McComber