Mais les perspectives de rebond pessimistes, associées à d’autres facteurs structurels, tels que le développement du courtage ou encore l’évolution des directives prudentielles, appellent à la réflexion sur la place de ce produit dans le modèle économique des banques de détail françaises.
Une place à part dans le modèle français
Depuis le 1er novembre 2009, les banques françaises ont pris l’engagement de faciliter la mobilité bancaire pour les particuliers. Elles se sont, notamment, engagées à rendre gratuite la clôture des comptes de dépôt et des comptes sur livret en cas de transfert vers une autre banque. Selon un rapport de l’Autorité de Contrôle Prudentiel publié en 2011, cet objectif a été globalement atteint et 98% des clients peuvent désormais avoir accès à ce dispositif.
Mais dans les faits, la banque de détail demeure un marché particulièrement captif : le taux de clôture des comptes reste stable à environ 5%, soit en-dessous de la moyenne européenne (8,6%). Les études montrent que le « churn » de la banque de détail est en réalité peu lié à la satisfaction du client, mais surtout à deux événements : la mobilité géographique et la souscription d’un prêt à l’habitat. En effet, la souscription de ce dernier est l’un des rares évènements pour lequel un client va consulter les acteurs du marché bancaire et les mettre en concurrence afin de disposer de la meilleure offre. Et dans 40% des transactions immobilières, la souscription du crédit sera l’occasion pour l’acquéreur de changer de banque.
Dès lors, le crédit immobilier apparaît comme un produit de conquête de nouveaux clients. Il est, d’ailleurs, conçu comme un produit d’appel dans le modèle français de la banque de détail : très largement pratiqué à taux fixe, il génère des marges faibles voire négatives, compensées par un transfert en provenance des activités de « banque au quotidien » (packages, moyens de paiement, commissions d’intervention) et de la commercialisation d’autres produits (crédit à la consommation, assurances‌).
Le crédit à l’habitat est donc une clé de l’activité de la banque de détail, dans la mesure où il permet de capter de nouveaux clients sur un marché mature et peu volatile.
Des perspectives de croissance pessimistes
Mais le prêt immobilier connait actuellement une crise conjoncturelle. On a assisté en 2012 à un repli historique en France :
- le nombre de transactions baisse : en 2011, 805 000 biens immobiliers avaient changé de main. Le chiffre de 2012, établi par les notaires n’est pas encore connu mais, selon les réseaux d’agences, il devrait se situer aux alentours de 650 000, soit une baisse d’environ 18 %.
- la production de crédit s’effondre : pour l’ensemble de l’année 2012, les crédits immobiliers accordés devraient représenter un peu plus de 115 milliards d’euros, soit une baisse de près de 30% par rapport à 2011 (un peu moins de 162 milliards), loin des résultats de 2007 (170,2 milliards).
Pourtant, les taux d’intérêt proposés par les banques sont historiquement bas. A 3,23 % en moyenne en décembre 2012, ils sont au plus bas niveau depuis 1945.
Sia Partners – Production de crédits à l’habitat
(Source : Crédit Logement/CSA et Banque de France)
Si, lors de la crise de l’immobilier de 2008-2009, un plan de relance avait permis de sauvegarder l’appareil de production et de redynamiser le marché du crédit, cette fois-ci, la situation n’est pas favorable à la reprise du marché :
- Vis-à-vis des acheteurs : Le projet de loi de finances 2013 prévoit une nette diminution de l’abattement sur les plus-values immobilières hors résidences principales. Les réductions d’impôt « Scellier » vont être supprimées en 2013 et remplacées par le dispositif « Duflôt » plus qui sera plus restrictif.
- Vis-à-vis des banques : Le dispositif Bâle III sera progressivement pénalisant pour les prêts à long terme et les directives de l’Autorité de Contrôle Prudentiel contraignent les établissements de crédit à limiter la durée des prêts et à accroître leurs exigences en matière d’apport personnel.
Quels impacts pour les établissements de crédit ?
L’impact de la crise de crédit sur les résultats de l’activité des banques a pourtant été relatif en 2012 : elles ont conservées leurs marges sur leur activité de crédit immobilier, qui ont été plus conséquentes que lors des derniers records de taux à la baisse, fin 2010. En effet, elles bénéficient de conditions de financement très favorables sur les marchés, induites par le niveau inédit de l’obligation d’Etat française à 10 ans (2% en décembre 2012). La crise du crédit immobilier a, par ailleurs, eu un effet limité sur la structure du marché de la banque de détail : les banques ont certes attirés moins de clients par le biais de leurs offres de crédit, mais elles en ont aussi moins perdus. Ainsi, les parts de marché respectives des banques de détail françaises sont restées stable en 2012.
Il n’en demeure pas moins que la place du crédit à l’habitat est à repenser dans la stratégie marketing de conquête et de fidélisation des banques et cela pour plusieurs raisons :
D’une part, l’efficacité du crédit immobilier comme produit d’appel devient incertaine. Les écarts de tarifs entre les différents acteurs du marché se sont contractés sur les durées les plus répandues (15 et 20 ans). C’est la raison pour laquelle certains acteurs du marché ont investi l’ensemble de la chaine de valeur de la filière immobilière en créant des pôles immobiliers. Ces pôles regroupent des activités de transaction et de promotion immobilière et ont pour objectifs de capter le client en amont de la filière et de créer des synergies entre les différentes activités. Mais les bénéfices de cette politique semblent relatifs, et certaines banques ont initié des discussions en 2012 pour se désengager de leurs activités foncières. Par ailleurs, le recours croissant au courtage prive de plus en plus l’agence du contact direct avec le client. Le taux tend ainsi à devenir l’unique critère de sélection, là où l’approche relationnelle, la qualité de service, voire l’étendue de la gamme de produit, pouvait jusqu’à présent départager des offres équivalentes.
D’autre part, la rentabilisation des clients sur le long terme tend à s’amoindrir, dès lors que la multi bancarisation se développe et que le nombre de produits vendus par client n’est plus garanti. Par ailleurs, la progression du PNB par client est linéaire quelle que soit l’âge d’acquisition de la relation client. Ainsi, un client acquis grâce au crédit immobilier à l’âge de 34 ans en moyenne ne produira jamais le même niveau de revenu qu’un client acquis à l’âge de 18 ans. Un fait non négligeable sachant de l’âge moyen de la primo-accession tend à augmenter.
En dernier lieu, la politique de tarification des banques françaises basée sur le « cross selling » et les transferts de marge a un impact négatif sur l’image des banques. En effet, elle complexifie la lecture des grilles tarifaires et créée un sentiment d’opacité, alors que les études et comparateurs à destinations des clients se multiplient.
En synthèse, 2013 pourrait être une année charnière pour le prêt immobilier. En effet, les contraintes de Bâle III résultant des ratios de liquidité pourraient fournir aux banques l’occasion d’une refonte plus globale des offres de dépôts, d’épargne, de crédits et de banque au quotidien.
Sia Partners
Tags :