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La mort violente est « banalisée », ou la mort violente arrive… « naturellement » ?

Publié le 28 janvier 2013 par Donquichotte

Mais de quoi s’agit-il ?

Cette histoire s’est passée en Égypte. (à partir d’extraits d’articles parus au journal Le Monde)

Je me rappelle l’an dernier...

« 74 personnes ont trouvé la mort (74 mortset un millier d'autres ont été blessées mercredi 1er février (2012) en Egypte lors de violences en marge d'un match de football à Port-Saïd, où l'incapacité des forces de sécurité à maintenir l'ordre a suscité de vives réactions de colère... C'est malheureux et profondément affligeant. Il s'agit de la plus grande catastrophe de l'histoire du football égyptien", a commenté M. Cheïha, vice-ministre de la santé... Pour certains, les violences auraient été déclenchées sciemment pour punir les Ultras d'Al-Ahli, un groupe de supporters du club du Caire dont l'expérience des confrontations avec les forces de l'ordre a servi il y a un an, au plus fort des journées révolutionnaires (lire l'article "Egypte : génération ultras")... Les Frères musulmans, première force politique au Parlement nouvellement élu, ont vu derrière ces violences une "main invisible" et dit redouter que "certains officiers punissent le peuple en raison de la révolution qui les a privés de leur capacité à agir en tyran et qui a réduit leurs privilèges". "Cela confirme qu'une planification invisible se trouve derrière ce massacre injustifié. Les autorités ont été négligentes", ajoute la confrérie islamiste sur son site internet ». 

Hier, au terme d’un procès intenté contre les agitateurs d’une telle émeute, on a conclu à un verdict de culpabilité contre 21 personnes, et la sentence a été : la peine capitale pour ces 21 accusés. 

Or cette sentence a plu, ou déplu, à certaines personnes. Elles se sont toutes retrouvées dans la rue pour manifester. C’est le Drame. 

D’un côté...

« Les partisans se réjouissent. Dans la matinée du samedi 26 janvier, les supporters du club égyptien Al-Alhy ont acclamé cette décision. La majorité des victimes de ce drame étaient des partisans de ce club du Caire, dont les "ultras" sont réputés avoir joué un rôle important pendant le soulèvement qui a mené à la chute de Moubarak, en 2011 ». 

De l’autre...

« Les proches des condamnés protestent... Dans les minutes qui ont suivi l'énoncé du verdict, les familles des vingt et un condamnés ont tenté de pénétrer la prison de cette ville du nord-est égyptien, où ils sont retenus... Les violences ont rapidement pris un tour plus sérieux. Selon les responsables égyptiens, au moins vingt-deux personnes ont été tuées – dont deux policiers – et des dizaines d'autres blessées ».

Voilà, mais il a bien fallu enterrer ces 22 morts (on parle aujourd’hui plutôt de 41 morts)

Et le drame éclate à nouveau : de nouvelles échauffourées lors de l’enterrement font 3 morts supplémentaires.

Résultat final... (144 morts réelles et/ou annoncées)

- Premier temps, au stade : 74 morts. - Deuxième temps, au procès : 21 condamnés à mort. - Troisième temps, dans la rue, pour protester ou se réjouir du verdict: 46 morts. - Quatrième temps : lors des funérailles de ces 46 morts : panique et 3 personnes sont tuées, (et 400 autres blessées).  - Cinquième temps: le président Morsi décrète l’état d’urgence, et appelle l’armée... (d’autres morts en perspective ??)

C’est la réalité, et c’est bien triste.

J’ai de la difficulté à comprendre.

Mais je me fais vite une image, celle des morts. Une image si facile à faire surgir, quand, depuis quelques années, avec les guerres en Palestine-Israël, en Irak et en Afghanistan, des images de morts au quotidien apparaissent dans tous les média.

Question : pourquoi semble-t-il si facile de tuer ? Ou de mourir ? Pourquoi est-ce accepté si « facilement », je sais bien, ça ne l’est pas, mais on le dirait, tellement le scénario de la mort tous les jours se poursuit inexorablement ? Pourquoi ? Oui pourquoi?

Sont-ce ces guerres qui autorisent à tuer, et rendent la vie si fragile, disons, inexistante, ou plutôt, si « peu importante » ? Sans doute. La mort côtoie ces gens (les habitants du Maghreb) tous les jours. Ils se lèvent avec la mort tout près (la nuit surtout, dit-on, on bombarde ; ou on règle des comptes), il vont travailler avec la mort auprès d’eux (le chemin n’est pas facile, des barrages partout, des interpellations, des contrôles, des kamikazes qui s’exécutent), et, finalement, ils rentrent à la maison... si la mort ne les a pas enlevés.

Et après ? Oui, et après ?

Je sais bien, on a déjà vu des morts gratuites, entendons des morts que l’on n’a pas su « s’expliquer », même si l’on a eu de cesse de s’interroger, d’interroger la « mémoire » historique, de fouiller dans les media pour trouver quelqu’interprétations ou analyses...

Je pense ici aux victimes de... - l’ère communiste stalinienne, - l’ère maoïste en Chine, - l’ère Pol Pot au Cambodge, - la période des massacres au Rwanda, - sans compter les guerres américaines, en Corée, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan... - et sans oublier les deux grandes guerres mondiales au XX ième siècle... - inutile d’aller plus loin, on meurt si facilement.

Avant que je ne déborde, revenons à ces morts en Égypte.

Je crois bien que la mort fait partie de leur quotidien, et je crois aussi que cela, pour un Québécois retraité et qui lit trop, a tout de l’exceptionnel. Voilà le hic : je ne m’explique pas ce qui se passe, mais je crois bien comprendre que « cela est ainsi, et qu’il ne peut en être autrement ».

Kertész, lorsqu’interrogé sur les camps de la mort, dit souvent que cela se passait « naturellement ». Est-ce si énorme de le dire ainsi ? Alors pourquoi est-ce que je ne pourrais pas imaginer que, à un match de foot, il puisse y avoir, « naturellement », des morts ?

Est-ce possible ?

Et pourquoi est-ce que cela semble si... j’ai déjà trop utilisé le mot « naturel ». Alors ? Quels mots rendent la mort si « acceptée », tellement elle fait partie de leur culture (et de la nôtre aussi sans doute, puisque nous lisons ces nouvelles dans les journaux, et n’en faisons plus grand cas) ?

Un autre mot me vient à l’esprit, celui de « banal ». Je l’emprunte à Hanna Arendt qui a dit, lorsqu’elle assitait procès de Eichmann, que le mal semblait « banal » chez cet homme-bourreau de juifs. Selon elle, il accomplissait simplement son métier, et obéissait aux ordres, comme un bon fonctionnaire minutieux et organisé. Ainsi, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas emprunter ce qualificatif et imaginer que la mort chez ces gens (ici, cet épisode égyptien) puisse être quelque chose de « banal » ?

Est-ce possible ?

La mort violente interviendrait « naturellement » ; la mort violente serait « banalisée » ? NON, je ne le crois pas.


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