LES SABLES D'OLONNE, par Guillaume Frouin (Reuters)
François Gabart a fait du mythique "Tour du monde en 80 jours" de Jules Verne une réalité en remportant dimanche aux Sables d'Olonne la septième édition du Vendée Globe en 78 jours deux heures 16 minutes et 40 secondes.
En passant sous la barre des 80 jours, le navigateur français a accompli en solitaire et sans assistance un exploit déjà réalisé en équipage ou sur un multicoque, mais jamais sur un voilier monocoque.
Ses premiers mots sont allés dimanche à son adversaire malheureux Armel Le Cléac'h, attendu en fin de soirée en Vendée, qui l'a poussé dans ses retranchements. "Ce qu'on a vécu, tous les deux, c'est quelque chose d'exceptionnel. Forcément, c'est plus beau pour moi, mais je pense qu'il en gardera aussi un bon souvenir", a déclaré le skipper aux caméras, avant d'amarrer son monocoque.
"S'il n'y avait pas eu Armel, cela n'aurait pas été la même chose. Toute l'intensité qu'il y a eu pendant ces trois mois, c'est grâce à Armel - ou à cause d'Armel -, je ne sais pas comment dire. (Si on a) vécu quelque chose d'aussi fort, d'aussi intense, c'est parce qu'on s'est tous les deux tiré la bourre pendant deux mois. Je crois que pour un compétiteur tel qu'il est et tel que je suis, c'est un privilège énorme d'avoir pu vivre ce duo de l'intérieur."
Pour sa première participation, Gabart, ingénieur de 29 ans est aussi devenu, à la barre de Macif, le plus jeune vainqueur de cette course - un record détenu jusque-là par Alain Gautier, qui avait remporté le Vendée Globe en 1993 à l'âge de 30 ans.
RETROUVER "LA VIE TERRIENNE"
Le précédent record de vitesse de "l'Everest des mers" datait de sa précédente édition, en 2008-2009, quand Michel Desjoyeaux avait mis 84 jours, trois heures, neuf minutes et huit secondes.
Le skipper français s'est également dit impatient de revenir à la "vie terrienne" et de retrouver ses amis, sa compagne et son fils, après s'être "fait secouer pendant trois mois".
"Le plus difficile, c'est la longueur, c'est l'enchaînement. Ça n'arrête jamais, je n'ai jamais eu l'impression d'avoir une seconde de pause", a dit le nouveau recordman.
A titre de comparaison, en 1989-1990, le premier vainqueur de l'épreuve, Titouan Lamazou, avait passé 109 jours huit heures 48 minutes et 50 secondes en mer sur son bateau "Écureuil d'Aquitaine II".
"En vingt-cinq ans, il y a eu des progrès grâce aux technologies et grâce à la connaissance des informations météo, qui étaient très faibles dans le sud en 1989", analyse Alain Gautier, qui avait bouclé lui son tour du monde en 1993 en 110 jours, deux heures, 22 minutes et 35 secondes.
"On subissait beaucoup la météo, on ne pouvait quasiment pas anticiper", ajoute celui qui est désormais consultant sécurité auprès de l'organisation. "Et puis, le gros gap de vitesse a été la quille basculante, qui est apparue en 1996. Ça a amené des gains de performance assez importants."
Accueilli par plusieurs milliers de spectateurs à quai, François Gabart s'est livré ces derniers jours à un sprint final à grande vitesse dans une mer agitée, avec des rafales de vent à 80 km/h et des creux de quatre mètres.
Les autorités maritimes avaient d'ailleurs interdit aux plaisanciers de sortir à sa rencontre dimanche matin du port des Sables d'Olonne, pour des raisons de sécurité.
LES AUTRES MARINS "BLUFFÉS"
Des banderoles "François, merci de nous avoir fait rêver" ou "Les Charentais sont fiers de toi" - en référence à ses origines - étaient ainsi déployées sur le chenal du port vendéen, tandis que Jean Le Cam adressait de son côté une "lettre ouverte" au vainqueur de l'épreuve depuis son bateau SynerCiel.
"Tu nous as bluffés, on en est les bras ballants", l'a félicité le "Roi Jean", deuxième du Vendée Globe 2004-2005 et actuel cinquième de la course. "Ce que tu as fait est tout simplement impressionnant. Je pense qu'on va faire des économies au niveau de la fédé: on ne va pas avoir besoin de faire un cocktail avec un jury pour élire le marin de l'année", a-t-il plaisanté.
Son dauphin Armel Le Cléac'h (Banque Populaire) - déjà deuxième de la course en 2009 - était lui attendu en fin d'après-midi sur son voilier, construit à l'identique de celui de François Gabart dans le même chantier naval du Finistère.
Le podium du Vendée Globe devrait être complété par le navigateur britannique Alex Thomson (Hugo Boss), qui a repris la troisième place à Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), pénalisé par la perte de sa quille.
La course, partie le 10 novembre du port vendéen, a été marquée par les abandons de huit des 20 concurrents.
Parmi eux, figurent l'ancien vainqueur de l'édition 2004-2005 Vincent Riou (PRB), la seule femme de la course Samantha Davies (Savéol), et aussi le Polonais Zbigniew Gutkowski (Energa), Jérémie Beyou (Maître Coq), Louis Burton (Bureau Vallée), Kito de Pavant (Groupe Bel), Marc Guillemot (Safran) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat), qui avait juste avant été disqualifié par les organisateurs.
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