Résumé :
Louka, médecin très introverti depuis la mort de ses parents compte ses relations passées sur les doigts de la main… Matt, son meilleur ami bourré de cynisme et peu versé dans la modestie trempe dans un alcoolisme héréditaire… Dans une existence parallèle à la notre, une bataille se joue depuis la nuit des temps entre Anges et Démons. Cet affrontement reste un secret, jusqu’au jour où ces deux races traînent leurs conflits sur Terre. La vie courante est suffisamment compliquée pour les deux colocataires Humains sans que des pouvoirs surnaturels ne viennent entacher leur quotidien ! Pourtant, cette guerre pourrait bien changer leur destin et leur relation… Pour toujours.
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Extrait :
01
- Nos informations indiquent ces coordonnées, affirma l’ange.
Son acolyte hocha la tête en guise de réponse.
- Pourquoi revenir ici ? demanda Darnyal.
Ca, j’aimerais bien le savoir, pensa Lazarus.
Il écarta ses grandes ailes blanches et décolla de quelques centimètres. Ses courts cheveux blonds faisaient ressortir ses grands yeux bleus… Comme tous les anges.
En effet, Darnyal aurait pu être son frère jumeau. A l’exception de sa coupe de cheveux et de quelques traits du visage différents, ils demeuraient très similaires.
Leurs formes et lignes du visage étaient anguleuses et leur teint très pâle. Ils n’étaient vêtus que d’un pantalon en toile couleur crème et arboraient tous deux un torse imberbe et musclé.
Pourquoi s’encombreraient-ils de chaussures quand une paire d’ailes de près de deux mètres d’envergure ornait leur dos ?
Lazarus s’éleva un peu plus et regarda autour de lui.
Ils se trouvaient à l’orée d’une petite clairière, à la bordure de la ville. Quelques kilomètres les séparaient de la civilisation. On aurait même pu l’oublier si ce n’était pour le haut des buildings qui se hissaient, triomphants au-dessus des arbres.
Les branches des grands chênes se balançaient doucement dans le vent.
Le calme avant la tempête…
- Ils arrivent, remarqua Lazarus.
Leurs deux regards se fixèrent sur un petit point lumineux à quelques mètres au-dessus de la terre ferme.
L’étoile dorée apparue dans le ciel créa une ligne scintillante dans l’espace. Lorsqu’elle fut longue de presque trois mètres, elle se déchira en un cercle. Les bords demeuraient brillants, mais à l’intérieur du cercle, on discernait maintenant des formes sur un fond ténébreux.
L’autre côté…
Un être difforme bondit de l’ouverture.
Sa peau était écailleuse et avait une teinte vert-marron, comme celle d’un crocodile, ou d’un alligator. On aurait dit que ses ailes étaient en toile, bien que granuleuses. Le démon les écarta pour se maintenir dans les airs. Ses pattes griffues pendaient piteusement. Son visage était effrayant : deux yeux rouges malsains, une gueule avec bien trop de dents pour être humaine… et deux cornes, prêtes à empaler l’ennemi.
Le démon scruta les environs, à la recherche d’une menace éventuelle. Mais il fut incapable de déceler les anges derrière leur camouflage. En glissant sur leur peau, la lumière les rendait invisibles… tant qu’ils demeuraient immobiles.
Un seul ? Pas besoin de renfort, on peut s’en occuper seuls…assura Darnyal à son allié par la pensée.
Mais alors que Lazarus s’apprêtait à clamer la prudence. Le démon se tourna vers le cercle et lança de sa voix gutturale :
- La voie est libre : aucun humain.
Quatre démons sortirent, tour à tour, du passage circulaire. Lorsqu’ils eurent terminé, le dernier se retourna. D’un geste de la main, il fit disparaître l’ouverture : le cercle brillant s’écrasa pour former une fine ligne dans le ciel, qui sembla se cicatriser en s’effaçant.
Va le chercher !ordonna Lazarus.
Darnyal s’élança dans le ciel, perdant par la même occasion sa couverture invisible. Les quatre têtes monstrueuses se braquèrent sur lui. Ils bondirent en même temps.
Lazarus s’interposa et écarta ses bras pour leur barrer la route.
- Il va falloir me passer sur le corps en premier, annonça-t-il.
- Avec plaisir, répondit le chef de la bande de démons.
Dans sa main droite, l’ange tenait son Darshi. L’arme était simple : un cylindre de vingt centimètres de long.
L’objet était argenté et métallique, aux commandes de son maître, il se transforma. Il prit quelques centimètres en longueur et se structura pour former un pommeau. Une lame étincelante naquit du manche.
Lazarus tendit son épée de type médiéval en direction de ses ennemis. D’un coup d’œil, il aperçut Darnyal créer un passage vers l’autre côté avec son propre Darshi.
Chacun des démons dégaina une arme similaire. Elles prirent toutes la forme d’un poignard.
Dotés d’une force surhumaine, les démons se spécialisaient dans le corps à corps, et préféraient se battre proches de leurs ennemis.
Les Darshi avaient pris la forme de petits poignards : une quinzaine de centimètres de manche pour un petit peu plus de lame. Cette dernière était arquée et recourbée sur le côté intérieur en un crochet pour mieux déchirer les viscères.
L’ange se prépara alors que les quatre monstres se positionnaient à ses points cardinaux. Le plus gros démon était derrière lui. Sur son côté droit, la bête n’avait qu’une corne, elle avait dû perdre l’autre dans un précédent combat. Le démon à la gauche de Lazarus avait une cicatrice immonde qui partait de sa hanche pour finir au niveau de la clavicule opposée. Enfin, il avait l’éclaireur en face de lui : celui qui avait franchi le premier la frontière.
Le combat était imminent.
Lazarus le savait : s’il les laissait s’approcher plus, il se retrouverait à leur merci.
Il envoya sa main en avant, le premier fut propulsé et perdit l’équilibre. L’ange se jeta vers lui et dégaina son épée. Il la planta dans la tête du monstre.
Un de moins.
De ses pieds, il prit appui sur la carcasse et libéra son arme. Conservant son élan, il s’élança plus haut dans le ciel. Il était plus rapide que les monstres, à ce niveau, leur poids jouait contre eux…
Il avait profité de la surprise des démons pour en abattre un, mais il était peu probable qu’il puisse réitérer la chose. Désormais il devait gagner du temps… Survivre.
Lazarus baissa les yeux, mais il ne vit qu’un monstre à ses trousses. Il fronça ses sourcils blonds : où étaient passés les deux autres ? Il ne devait pas les perdre de vue, il fallait à tout prix qu’il découvre la raison de leur apparition sur Terre. Et quelque soit leur but : l’empêcher.
L’ange releva la tête. Mais trop tard, un coup de fourreau lui tomba sur le crane. Le démon à une corne avait frappé de toute sa force. Lazarus sentit le choc résonner dans tout son corps. Il ne put plus supporter son propre poids et fut précipité vers le sol.
Il allait croiser le plus gros. Il devait se ressaisir, car le monstre avait déjà préparé sa lame. Lazarus fit pivoter son corps, ramenant son bras armé près de son torse, puis lança un coup d’épée sur le démon. Ce dernier eut un mouvement de recul. L’épée avait entamé la chair, mais de façon superficielle. Du sang noir suinta légèrement de la plaie.
Les écailles des démons formaient une véritable armure.
L’ange fléchit pour se récupérer sur le sol, sans mal. En un coup d’œil, il aperçut les trois monstres qui se précipitaient sur lui.
Lazarus planta sa lame dans le sol. Son épée ne pourrait pas l’aider contre trois adversaires en même temps. Il mit ses mains en coupe.
Les démons avaient beau avoir une force et une résistance extraordinaires, ils ne possédaient pratiquement aucun pouvoir psychique. Au contraire des anges…
La lumière du soleil se concentra entre les mains de Lazarus. Et comme sur de la neige, une réverbération naquit de ses paumes pour éblouir les monstres.
Les démons furent stoppés dans leur descente en piqué. De leurs mains griffues, ils protégèrent leurs yeux adaptés à l’obscurité.
Lazarus récupéra son épée et bondit vers les arbres. Il volait à couvert, tentant de se cacher au travers des branches feuillues.
Il s’arrêta et s’immobilisa derrière un arbre. Lorsqu’il se tint immobile, il vit sa peau briller légèrement et sut qu’il avait disparu aux yeux des autres.
Il ne pouvait plus qu’espérer que les monstres ne s’approcheraient pas trop près, car leur odorat suffirait à déceler sa présence…
Lazarus vit Cicatrice contourner son arbre par la droite. Quelques secondes plus tard, celui avec la corne émergea du côté gauche.
Presse-toi Darnyal, supplia silencieusement l’ange.
Il vit les naseaux des démons frémir. Avaient-ils senti son odeur ?
Les deux démons se trouvaient de dos. Lazarus ne vit jamais leur sourire carnassier s’inscrire sur leur visage.
Soudain, ils se retournèrent et hissèrent leur poignard.
- Haaaaaa ! hurla l’ange de douleur, redevenant visible.
Un rictus de satisfaction s’afficha sur le visage horrible de Cicatrice.
- Azariel, on le tient, annonça-t-il.
Lazarus était pris au piège. Un poignard était figé dans chacune de ses ailes, les traversant pour le clouer littéralement à l’énorme tronc.
Le plus gros démon tomba du ciel et se retrouva face à l’ange. Un sang argenté coulait à profusion des ailes de Lazarus.
- Pourquoi étiez-vous là et où est allé ton ami ? demanda Azariel.
L’ange toisa le monstre de ses yeux, d’un bleu glacial. Un air de mépris inscrit sur le visage.
Le démon émit un rire qui ressemblait à un « huk, huk », on aurait dit les cris d’un cochon sauvage.
Il dégaina son poignard et émit une légère coupure au niveau des abdominaux de son ennemi. Il nettoya précautionneusement la lame contre l’herbe, sur le sol. Puis il la porte contre la blessure que lui avait infligée Lazarus un peu plus tôt. La lame se couvrit de sang noir.
- Tu sais qu’il se passe des phénomènes pour le moins… étranges, souvent douloureux lorsque nos sangs entrent en contact, rappela Azariel.
L’ange ne put retenir un hoquet d’effroi. Ses yeux témoignaient maintenant de la peur. Il n’allait pas simplement mourir, il subirait d’abord une torture terrible.
Alors que le sang des anges avait des propriétés curatives, celui des démons était réputé pour ses douloureuses conséquences…
- Parle, intima Azariel, c’est mon seul avertissement, si tu insistes dans ta folie, tu seras rejeté des tiens, tu le sais.
La mâchoire de l’ange se contracta. Le sort atroce qui l’attendait, non, il préférait la mort. Mais il ne pouvait pas trahir les siens…
Il releva la tête pour affronter son ennemi.
- Rien ne fait plier les anges, annonça-t-il d’une voix ferme.
D’un geste vif, Azariel balaya la plaie de l’ange avec le plat de sa lame. Une fumée noire s’échappa de la blessure et le « pshhh » fut étouffé par les cris effroyables de Lazarus.
Tous ses muscles se contractèrent malgré lui, accroissant la douleur qu’il éprouvait dans ses ailes. Ses yeux perdirent leur couleur, ils devinrent entièrement noirs pendant un instant, puis reprirent leur aspect normal.
Le corps anciennement parfait de l’ange s’était dégradé. Il avait perdu son éclat et son halo brillant. La peau de Lazarus était terne, ses cheveux semblaient gras et viraient pratiquement au châtain. Ses yeux étaient redevenus bleus, certes, mais il n’y avait plus rien de lumineux dans son regard, on ne pouvait plus y lire que le désespoir.
- Tout est fini pour toi, tu le sais, reconnut Azariel en brandissant son Darshi. Mais je peux faire durer ton cauchemar très longtemps.
Jamais je ne tiendrai, réalisa Lazarus.
Une lumière jaillit de nulle part et éclaira les quatre êtres. Leur vision mit un moment avant de s’accommoder. Mais lorsqu’ils purent distinguer la silhouette dont émanait cette lumière, ce fut au tour des visages des démons d’exprimer la terreur.
- Gabriel, glapit Cicatrice.
Derrière lui, Lazarus aperçut Darnyal. Son allié avait réussi… juste un peu trop tard pour lui.
L’archange était bien plus grand que ses camarades, ses cheveux d’un blond doré atteignaient presque ses épaules. Il faisait le double de Darnyal en largeur, qui n’était pourtant pas lui-même un ange frêle…
En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, Cicatrice et Unicorne se saisirent de leur poignard. Lazarus tomba au sol, incapable de tenir sur ses deux jambes. Ses ailes se replièrent en cocon autour de son corps.
Azariel fila en profondeur dans la forêt.
De sa poche, Gabriel sortir son Darshi. Le cylindre se mit à s’allonger. Il ne semblait pas s’arrêter. Finalement, de son extrémité supérieure s’échappa une lame longue et recourbée.
La faux de l’archange Gabriel, se dit Unicorne, aucun démon n’a jamais pu en réchapper…
- Poursuis Azariel, ordonna l’archange à Darnyal par la pensée.
L’ange s’exécuta, il s’élança dans les airs pour tenter de retrouver le dernier monstre.
Unicorne et Cicatrice se jetèrent sur Gabriel. Ce dernier tournoya sur lui-même, échappant gracieusement à la double attaque. Il se trouvait maintenant derrière ses agresseurs. De sa paume gauche, un arc électrique jaillit pour frapper Unicorne. Ce dernier tomba sur le sol, sa peau crépitait, mais il n’était pas mort.
Cicatrice lança de nouveau une attaque. D’un coup de ses ailes immenses, Gabriel recula de plusieurs mètres. Il brandit sa faux comme on tire une épée d’un fourreau et trancha le démon en deux. Suivant la marque de son ancienne cicatrice, les deux parties du monstre glissèrent l’une contre l’autre, avant que toutes deux ne retombent bruyamment sur le sol.
L’archange atterrit doucement devant Unicorne, toujours à quatre pattes dans l’herbe.
- Pourquoi étiez-vous là ? demanda-t-il de sa voix grave.
- Héhé, va au diable, ricana Unicorne, c’est un copain.
Il prit son propre poignard et se l’enfonça dans le torse.
Plutôt mourir que d’aider un ange…fut sa dernière pensée.
Gabriel hissa sa faux et trancha la tête du cadavre. Puis la faux se rétracta et le Darshi reprit son apparence la plus simple.
Darnyal arriva par derrière, il posa sa main sur l’épaule de son allié, pour indiquer sa présence.
- Il s’est enfui. Mais j’ai retrouvé son Darshi, annonça-t-il.
Il présenta à Gabriel le poignard immaculé. L’archange s’en saisit et déclara :
- Il est donc bloqué sur Terre, je vais me charger de le traquer et de le tuer. Occupe-toi de faire disparaitre toutes les traces de nos passages. Rien ne doit persister.
Darnyal acquiesça. Il se dirigea vers la dépouille du premier démon. Il tendit sa main vers la carcasse, lorsque la lumière qu’il émit mourut, il ne restait rien. Ni corps, ni végétation, on aurait même dit que la terre elle-même avait été brûlée.
Il réitéra l’opération où les autres monstres avaient péri, et où du sang d’ange ou de démon avait été versé.
Gabriel s’approcha de Lazarus, mais il ne put se résoudre à lui tendre la main pour le relever. Il décida finalement de s’accroupir devant lui.
- Je suis désolé, murmura l’ange, incapable de projeter ses pensées.
- Azariel est bloqué dans ce monde, quoi qu’il soit venu faire, sa tentative a échoué. Tu as rempli ta mission avec courage. Il est temps de rentrer à la maison, fit-il d’une voix qui sonnait faux.
L’ange écarta légèrement ses ailes. Des veines étaient désormais apparentes sur sa peau. Et elles le resteraient tout le long de sa vie. Il vivrait sous cette forme pour toujours.
- Archange Gabriel, vous connaissez le sort réservé aux anges déchus. Je ne serai plus jamais ce que j’ai été. L’isolation, pour l’éternité… Le mépris.
- Ne dis pas n’imp…
- Arrêtez ! rugit Lazarus avec l’énergie qui lui restait.
Gabriel ne réagit pas à l’insubordination.
- Regardez, dis Lazarus, votre pitié l’emporte sur tout autre sentiment, vous ne me traitez même plus comme un ange qui vous doit le respect.
Il se releva à moitié et posa volontairement un genou à terre.
- Accordez-moi l’honneur qui me revient, demanda-t-il avec toute sa fierté.
Il fixa l’archange de ses yeux presque humains. Gabriel n’osait même pas croiser son regard. Il baissa la tête et acquiesça finalement.
L’archange se recula de quelques pas et se saisit de son Darshi. La faux se reforma dans sa main. Gabriel se recula encore un peu, pour être sûr de ne pas toucher physiquement son allié de sa lame.
Il la dégaina finalement et trancha l’air de sa lame brillante. Une décharge de lumière explosa, et le corps de Lazarus s’évanouit en une pluie d’étoiles.
- Adieu.
02
La chaine stéréo se mit en route dans la chambre silencieuse.
Les mots du « Grand sommeil » d’Etienne Daho se mirent à résonner entre les quatre murs, tirant doucement Louka de son propre sommeil.
« Je ne peux plus me réveiller, rien à faire… »
Tu l’as dis…
L’homme s’assit dans son lit et commença à balancer sa tête en rythme pour se réveiller. Il flanqua ses pieds dans ses chaussons et se leva. Convaincu qu’une fois de plus son colocataire n’était pas rentré la nuit précédente, il augmenta le volume.
Il se rendit dans la salle de bain, en face de sa chambre et se brossa les dents en effectuant quelques pas de danse. Il se saisit de son rasoir électrique et effaça sa barbe naissante. Ses cheveux blonds mi longs étaient en bataille, il passa la tête sous la douche et les mouilla. Puis il les arrangea en une coiffure impeccable de premier de la classe.
Enfin, il sourit à son reflet et traversa le couloir. La porte de la chambre de Matt était ouverte, le lit était fait : Louka avait bien été seul cette nuit dans l’appartement.
Il franchit les derniers mètres de couloir qui le conduisirent au salon. La cuisine américaine faisait l’angle avec un bar qui arrivait à mi hauteur. Au milieu de la pièce, un canapé faisait face à un écran géant. Entre les deux, une petite table basse en verre où les deux amis prenaient leur diner quand ils voulaient regarder un film.
Le jeune homme ouvrit le placard au-dessus de sa tête. A l’intérieur régnait un ordre obsessionnel. Des boites de Bounty étaient alignées les unes sur les autres. Louka prit soin d’ouvrir une nouvelle boite, il en sortit une barre qu’il posa sur le bar, et rangea méticuleusement les autres à leur place.
Il saisit la barre chocolatée, et retourna dans sa chambre. Il tronqua son pyjama contre un jean et un simple t-shirt.
De toute façon, arrivé à l’hôpital, je devrai me changer de nouveau…
Il attrapa négligemment son sac, ajusta la lanière autour de son cou et éteignit la chaîne stéréo. Il traversa le couloir, attrapa ses clés dans un bol sur la petite table et ouvrit la porte d’entrée à la volée.
Une masse appuyée sur la porte tomba sur le sol dans un bruit étouffé.
Louka hocha la tête en guise de désapprobation. Il souleva le manteau qui couvrait l’énergumène.
- Bien sûr, marmonna-t-il.
Matt avait passé la nuit contre la porte. Il n’avait même pas été capable de rentrer dans l’appartement.
Louka jeta un coup d’œil à l’horloge de la cuisine.
Ouais, je vais encore être en retard…
Il saisit son ami au niveau des aisselles, et se débrouilla pour le porter – ou plutôt le traîner – jusqu’au canapé. Il le mit sur le côté et passa un plaid sur son dos.
Un jeton tomba sur le sol. Il s’était échappé de la poche de Matt. Louka scruta l’objet un instant. Puis il le fourra dans sa poche.
Dans la cuisine, il mit la cafetière en marche.
Il ne put s’empêcher de jeter un nouveau regard à l’heure, bien qu’une seule minute soit passée. Finalement, la cafetière siffla. Il en servit une grande tasse. Il la posa sur la table basse, après s’être assuré de la présence d’un dessous de verre.
Il prit soin de vérifier l’état de son ami. Mais à part une haleine bien éthylique et un bleu sur le front – qu’il s’était certainement fait la veille dans le couloir – il allait bien.
- Matt ! fit son ami en le secouant doucement.
Les yeux du jeune homme papillonnèrent et il émit un grognement en guise de réponse.
- Je dois y aller Matt, je t’ai servi du café sur la table. Et la cafetière est pleine, si tu as besoin. Tu commences à 14 heures cet après-midi. Tu devrais te réveiller, tu ne peux pas te permettre de perdre un nouveau job.
L’endormi repoussa Louka en gazouillant des paroles inintelligibles.
Le médecin se releva. Il se mordit les lèvres et prit la direction de la sortie.
J’ai fait ce que je pouvais, s’assura-t-il avec une pointe de culpabilité.
Dans le métro, son esprit était toujours à la maison. Son ami allait mal. C’était la folie à l’hôpital. Rien ne s’arrangeait.
« J’aimerais que cette nuit, dure toute la vie », se rappela-t-il en citant son chanteur préféré.
***
Il traversa enfin l’entrée de l’hôpital, fit biper son badge pour ouvrir les portes de sécurité et pénétra dans l’antre de la folie d’infirmières et de patients.
Il se rendit au vestiaire et se changea en quatrième vitesse, quand il fut fin prêt en pyjama bleu et veste blanche à son nom, il commença sa ronde.
Une doctoresse blonde surgit d’un couloir opposé.
- Louka ! apostropha-t-elle.
Toujours de dos, le jeune homme fronça les sourcils.
Elle m’appelle par mon prénom maintenant ?
Il se retourna finalement pour faire face à son chef.
- Docteur Marce, bonjour.
Elle lui fit un sourire en gonflant sa poitrine généreuse et tapa sur le bras du blond. Mais elle ne retira pas sa main immédiatement et sembla tâter son biceps quelques secondes. Ce ne fut que lorsque Louka recula d’un pas qu’elle le lâcha.
- Je t’en prie, appelle-moi Mylène.
Il sourit poliment mais ne répondit rien. Matt l’avait prévenu qu’elle flirtait avec lui depuis des mois. Il lui avait conseillé de « tirer son coup et de passer à autre chose », mais le médecin avait été outré. Il n’avait aucune envie de sortir avec elle, ce n’était pas du tout son genre…
- Encore en retard ce matin, à ce que je vois, fit-elle d’un ton faussement réprobateur. Il va falloir trouver un moyen pour… compenser tout ça…
Elle leva un sourcil, laissant l’esprit du jeune homme imaginer comment il était censé « compenser tout ça ».
Et on dit que le harcèlement sexuel ne va que dans un sens…
- Je suis désolé, je rattraperai mes heures, assura Louka.
Il n’eut pas la mauvaise foi d’assurer que cela ne se reproduirait pas. Il savait très bien qu’étant donné l’état actuel de Matt, c’était susceptible d’arriver tous les soirs…
Il lui tourna le dos et gagna la première chambre à côté.
- Bonjour, lança-t-il à son patient.
Ce dernier grogna, en guise de réponse.
Mais qu’est-ce qu’ils ont tous ce matin ?
Il l’ausculta et continua sa ronde, finalement il arriva à sa patiente préférée : Mandy Darcy. Alors qu’il avait un problème de communication avec les gens en général, son contact avec les enfants était très bon. Il se demandait même s’il ne devait pas s’orienter vers la pédiatrie.
- Bonjour Mandy ! fit-il avec toute la bonne humeur qu’il put regrouper.
- Bonjour docteur, répondit-elle avec une joie non feinte. Tu vas bien ?
Louka acquiesça en lui souriant.
Elle sauta de sous les couvertures et s’installa sur le bord du lit, faisant balancer ses deux nattes blondes, sur le côté de sa tête. Le médecin lui avait répété de ne pas faire ça avec sa perfusion, mais elle semblait toujours excitée de le voir…
Ses parents se trouvaient également dans la pièce. Le père avait été agressif avec Louka depuis l’hospitalisation de sa fille. Elle était entrée dans l’attente d’une greffe plusieurs semaines plus tôt. L’opération était maintenant imminente, ce qui réjouissait énormément la fillette. Elle semblait même avoir oublié la poche à dialyse qui la suivait partout…
Son père, par contre, certainement anxieux, s’était montré de plus en plus désagréable. La mère quant à elle se contentait de hocher la tête à chaque commentaire de son mari.
- Docteur, j’ai senti un ganglion dans son cou. Et j’ai vu sur internet que… commença le père.
Alors, s’il l’a vu sur internet…pensa le médecin, sarcastique.
Louka tenta de faire le vide, il parlait toujours un peu pour se montrer poli à son entrée dans une pièce, mais lorsqu’il auscultait ses patients, il était complètement dans son travail et se refusait toutes formes de dispersion.
Pour calmer le parent insistant, il vérifia les ganglions de la petite. Et lui fit un grand sourire. Il sortit de sa poche une sucette et la tendit à Mandy.
- Profites-en, avant l’opération il ne faudra plus que tu ne manges quoi que ce soit, lui expliqua-t-il.
- Vous m’écoutez à la fin ! interpela le père.
Gardant son calme, le docteur se tourna et expliqua qu’il n’y avait rien à craindre. Que l’état de la fillette était bénin, que ça ne changerait rien au processus. La transplantation était toujours d’actualité, les parents ne devaient pas s’inquiéter outre mesure…
Il leur sourit enfin pour conclure sa visite, salua Mandy et se dirigea vers la sortie.
- Je veux une seconde opinion, rugit le père derrière lui. Sinon je vais voir votre chef directement !
Louka contracta la main qui se trouvait dans sa poche. Combien il aurait aimé être capable d’expliquer au père qu’il inquiétait sa fille pour rien. Que lui était médecin, qu’il savait ce qu’il faisait. Mais il ne s’en sentait pas la force.
Eviter le conflit. A tout prix.
- Monsieur Darcy, je vais demander à un de mes collègues de passer, assura-t-il au père colérique.
Il retourna au pôle des infirmières. C’était en fait simplement quelques bureaux entourés d’un bar assez haut, où l’on rangeait les dossiers et où les médecins cherchant une pause pouvaient s’adosser cinq minutes.
Il rangea le dossier médical de Mandy à sa place et souffla un bon coup. Il avait une opération de prévue pour cet après-midi. Il fallait tenir la journée…
Et dans quel but ?se demanda-t-il.
Il sortit la barre de Bounty de sa poche et l’ouvrit avec délicatesse. Son plaisir matinal. Il croqua et laissa la tension retomber. Il était accroc à ces barres depuis toujours. Elles lui remontaient le moral. Certes, elles avaient été plus ou moins responsables de ses petites poignées d’amour… Mais ça valait le coup.
La libération de sérotonine qu’entraine le chocolat me permet de ne pas péter les plombs au boulot…
Une infirmière s’appuya contre lui. Elle le tira de ses pensées.
- Hé Kimmy. Comment tu vas ? demanda-t-il.
La jeune femme noire aux cheveux tressés haussa les épaules. Elle était assez imposante avec ses nombreux kilos en trop et sa voix forte.
- On fait aller mon grand ! Il faut toujours élever le mari et s’occuper des enfants, plaisanta-t-elle. Toi, tu es toujours tout seul ?
Louka ne put réprimer un sourire. Kimmy avait été la première dans l’hôpital à lui offrir son amitié. Elle était honnête et directe, parfois trop, ce qui lui prêtait en général une réputation d’emmerdeuse auprès des médecins. Mais son tempérament faussement cynique et affectueux avait rappelé à Louka son meilleur ami. Depuis qu’ils se connaissaient, l’infirmière s’était trouvée un intérêt tout particulier dans la vie sentimentale de son ami docteur.
Enfin, le manque de vie sentimentale…
Ce fut au tour de Louka de hausser les épaules pour répondre.
- C’est quoi le problème, mon grand ? Ne me dis pas qu’avec ce corps si sexy et ce visage d’ange, tu n’as pas d’opportunités ? insista-t-elle.
Elle prenait également plaisir à le titiller, puisqu’il n’y avait aucune ambiguïté quant à la nature de leur relation.
Le jeune homme se mit à rougir.
- Il y a bien le docteur Marce, qui semble me faire du rentre-dedans, chuchota-t-il.
Elle prit un air affolé.
- Cette nympho ? Mais elle va te manger tout cru, fit-elle avec son accent des îles. Ne me dis pas que tu es intéressé !
Louka assura que non en riant. Elle trouvait toujours le moyen de lui remonter le moral…
- Tu trouveras peut-être ton bonheur chez les pyjamas roses, fit-elle en désignant son accoutrement. On a eu un arrivage d’infirmières ce matin… Trop occupé pour remarquer, j’imagine !
Le jeune homme afficha un air penaud. Perdu dans ses pensées, comme toujours.
Son portable se mit à vibrer dans sa poche. Il s’excusa auprès de son amie et décrocha.
- Tu as le temps de manger avec moi ? demanda Matt.
- Je peux prendre ma pause dans une heure, tu me rejoins devant l’hôpital ?
Louka raccrocha.
***
- Deux sandwichs poulet mayo, s’il vous plait, demanda Matt au marchand.
Il se retourna vers son ami en se frottant les mains, pendant que le vendeur préparait leur frugal repas.
- Comment s’est passée ta matinée ? questionna-t-il.
Louka arqua un sourcil.
- Comment s’est passée ta soirée ?
Le jeune homme détacha son regard de celui du médecin. Il se concentra sur la préparation des sandwichs, comme si c’était la chose la plus intéressante qui soit.
Il dépassait bien Louka d’une dizaine de centimètres. Sa peau mate et son air de bad boy avec ses yeux et cheveux noirs, ajoutés à sa barbe de plusieurs jours juraient avec le genre intello de son ami. Pourtant, à ce moment, il était bien plus intimidé par les yeux clairs et accusateurs de Louka.
D’accord, donc on fait comme d’habitude et on prétend que ce n’est jamais arrivé, réalisa le médecin.
Le marchand donna les sandwichs à Matt. Ce dernier se tourna vers son ami et s’apprêta à ouvrir la bouche, mais Louka avait déjà tendu vers lui les billets.
Matt le remercia avec un regard bienveillant et se saisit de l’argent pour payer le commerçant.
- Merci, je suis un peu « short » en ce moment…
Ouais, on va formuler ça comme ça…
Louka se devait de dire quelque chose, mais il ne se sentait pas la force d’une nouvelle dispute. Son meilleur ami n’en ferait qu’à sa tête de toute façon…
A la place, il désigna de son doigt l’oreille de Matt. Un brillant ornait le lobe rouge violacé nouvellement percé.
- Après mangé, je t’enlève cette horreur. C’est en train de s’infecter, je ne veux même pas savoir où tu es allé te faire faire ça…
Matt porta la main à son oreille, mais il grimaça au contact de la chair infectée. La vérité était qu’il ne se souvenait même plus de cette récente « acquisition » pourtant elle ne devait pas dater de plus tard que la veille au soir…
- Merci, marmonna-t-il. Au fait, tu n’as rien trouvé par terre, dans le salon ? Ou dans le couloir peut-être ?
- Non… Trouvé quoi ? lança innocemment Louka.
Le médecin glissa la main dans sa poche et joua avec la pièce en plastique pendant un instant.
S’il en parle, c’est un début, se dit-il.
- Rien. Rien, laisse tomber. Alors, comment s’est passée ta matinée ?
03
Louka déboula en trombe de la salle d’opération. Il laissa claquer la porte derrière lui. Il se concentra sur sa respiration. Il ne devait pas perdre ses moyens, il n’était plus un gamin. On ne le prendrait jamais sérieusement si… Mais ses yeux commencèrent à s’embuer.
- Non, murmura-t-il pour lui-même.
Il laissa tomber son poing sur une table. La douleur le sortit de sa transe. Il se débarrassa de sa blouse chirurgicale en plastique et la jeta dans une poubelle.
Il devait absolument mettre de la distance entre cette satanée pièce et lui.
Il continua à respirer bruyamment alors qu’il traversait le couloir. Il se dirigea vers le pôle des infirmières. Il serait très certainement seul, à cette heure-ci, il n’y avait pratiquement plus personne dans l’hôpital.
Tant mieux.
La seule chose dont il avait besoin, c’était le distributeur automatique.
L’opération avait duré des heures. Ce n’était pas censé se passer comme ça. Comment les choses avaient pu tourner aussi mal ? Il y avait eu des complications. « La faute à pas d’chance ».
Ouais, ben « pas d’chance » vient de tuer une mère de famille !
Il sentit son calme récemment acquis, s’envoler de nouveau.
Des heures. Des heures pour la sauver. Et pour rien. A quoi cela rimait-il ?
Louka avait mis machinalement la pièce dans le distributeur. Il s’apprêta à taper le numéro qu’il pensait connaître par cœur, mais vérifia tout de même dans la vitrine par manque de confiance.
- Non, murmura-t-il de nouveau.
Il allait craquer. Une voix lui parvint de derrière.
- C’est moi qui ai pris le dernier Bounty… Tu veux qu’on le partage ?
Le docteur se retourna doucement vers la source de cette voix chaleureuse. Il ne l’avait jamais entendue avant, il en était certain.
Au milieu du pôle, une petite infirmière lui tendait une barre de Bounty avec un sourire aux lèvres.
Il se rapprocha d’elle. Elle devait lui arriver au-dessus de l’épaule, tout au plus. Ses cheveux étaient bruns et tirés en une queue de cheval, pour ne pas la gêner.
Louka se perdit dans ses grands yeux bleus magnifiques. Il tomba sous le charme de ses pommettes et des quelques taches de rousseur qui parsemaient ses joues.
Il ne put qu’acquiescer pour répondre à la question de la jeune femme.
Elle remit la barre chocolatée dans la main du médecin. Il sentit comme un courant électrique lorsque leurs mains s’effleurèrent.
- C’est un de ces jours où on a besoin des petites choses ? demanda-t-elle.
Il coupa la barre en deux, et lui en donna la plus grosse moitié.
- Exactement.
Sans la quitter des yeux, il porta la barre à la bouche. Et le plaisir l’envahit comme une vague de chaleur. Elle lui sourit en voyant l’effet que procurait son cadeau.
Elle tendit la main vers sa joue, et il eut un mouvement de recul lorsqu’elle le toucha.
- Excuse-moi, dit-elle. Tes joues sont brûlantes. Ca va ?
Il regretta son geste. Il n’avait pas voulu la blesser. Surtout qu’elle semblait s’inquiéter de son état.
Il sourit, puis referma vite la bouche, à l’idée que le chocolat ait pu se fourrer entre ses dents.
- Désolé, s’excusa-t-il à son tour. Opération difficile.
Elle hocha la tête, compatissante. Elle eut le tact de ne pas en demander plus, de peur de le mettre mal à l’aise.
- Je m’appelle Elizabeth, mais tout le monde m’appelle Lisa, se présenta-t-elle en tendant sa main.
Il s’en saisit et la serra avec délicatesse.
- Louka. Tu es une des nouvelles infirmières ?
- Oui, je commençais aujourd’hui. Et déjà j’ai la garde de nuit. Quelle chance ! fit-elle avec un faux air enjoué.
Le jeune homme sourit malgré lui. D’ailleurs, il ne pouvait pas s’empêcher de sourire.
Après sa dernière bouchée, il jeta le papier d’emballage dans une poubelle.
- Merci beaucoup, pour le Bounty et pour… hum, le reste…
Il mit ses mains sur sa taille, pour se donner une contenance. Mais sa timidité prit le pas sur son assurance. Il recula de l’autre côté du comptoir.
Il sentit son portable vibrer dans sa poche. De ses mains cachées derrière le comptoir, il vérifia l’expéditeur : Matt.
Lisa passa une mèche derrière son oreille et sembla hésiter. Manifestement, elle aussi cherchait à rassembler du courage. Finalement elle se lança :
- Ca te dirait de boire un chocolat chaud ? Ca aussi c’est bon pour le moral…
Louka sourit de plus belle, mais avant, il devait vérifier… Il baissa les yeux vers son portable.
Le message était simple : « 911 appart ».
Merde.
Lorsqu’il porta de nouveau son regard dans celui de Lisa, il ne souriait plus.
Comment s’y prendre pour lui dire non, tout en lui faisant comprendre qu’il n’aimerait rien de plus que de passer un moment avec elle ?
- Je suis vraiment désolé, assura-t-il. Mais je dois rentrer… Un autre jour ?
La déception s’inscrivit sur le visage de la jeune femme, mais elle acquiesça tout de même.
- Bonne soirée, lança-t-il avant de courir vers la sortie.
Dommage, se dit-elle. Premier jour, premier coup de foudre, première déception…
Elle en conclut qu’il n’était pas intéressé, et retourna à son travail.
***
Louka rentra aussi vite que possible. Lorsqu’il pénétra dans le salon, il faillit glisser sur le sol.
Un liquide s’était renversé.
Pitié, pas du sang…implora-t-il en se souvenant du message de détresse de son ami.
Il appuya sur l’interrupteur. L’intensité de la lumière le surprit un peu, mais il s’y accommoda. Il regarda à ses pieds.
Un cadavre de bouteille en verre jonchait le sol.
Du vin…
- Louka.
Le docteur releva la tête pour découvrir son ami allongé sur le sol, entre la télévision et le canapé.
Oh mon Dieu, réalisa-t-il.
- Matt ! Ne bouge pas.
Son ami était passé au travers de la table en verre. Des gouttes de sang suintaient autour du corps immobile.
Louka courut dans sa chambre et revint avec une trousse de premiers secours « spécial médecin ».
Il s’agenouilla au milieu du verre brisé, prenant soin de ne pas se blesser à son tour.
Pas la colonne vertébrale, pas la colonne vertébrale, suppliait-il.
Il prit une aiguille et la planta doucement à différents endroits du corps de son ami. Lui demandant s’il ressentait la douleur.
- Oui, oui, j’ressens bien la douleur, maintenant si tu pouvais arrêter la douleur, j’apprécierais assez ! râla-t-il.
Comme le matin précédent, Louka pouvait sentir que Matt avait bu.
Progressivement, il le fit se retourner. Heureusement, les blessures étaient bénignes. Il n’avait été coupé que de manière superficielle.
Il aurait besoin de quelques points de suture pour une ou deux balafres, mais ça s’arrêtait là. Louka avait craint bien pire…
Il décida de le faire s’asseoir sur le canapé. Il s’occupa lui-même des points de suture et ne lui donna rien pour la douleur. Contrairement à lui, Matt avait un seuil de résistance assez élevé, et le médecin ne s’aventurerait pas à lui donner des anti douleurs alors que son patient était complètement biture.
- Je peux savoir comment s’est arrivé ?
- Hum… Glissé, répondit Matt.
Louka reposa son kit de chirurgie et soupira.
- Ecoute, ça ne peut plus durer, dit-il d’une petite voix.
- Oh hé, ça va ! grogna le brun. Tu rentres, tu râles. Alors que moi j’avais une surprise pour toi !
Le docteur haussa les sourcils. Matt releva la manche de son t-shirt jusqu’en haut de son épaule.
Sur la peau rougie, le mot KILLER était tatoué en majuscule.
Le visage de Louka se décomposa d’abord. Puis il prit un air froid et méprisant.
- Tu trouves ça marrant ? demanda-t-il d’une voix glaciale.
Matt recula et faillit basculer en arrière, choqué par le ton de son ami.
- Et pourquoi tu dis que c’est pour moi ? questionna le médecin.
Le poivrot éclata de rire.
- C’est un tatouage. Sur mon épaule ! dit-il comme si c’était évident.
Louka garda le silence, son ami était incohérent. Il s’expliqua alors :
- « Epaule tatoo » ? Je me suis dit que si je le faisais, tu arrêterais de m’emmerder avec tes chansons débiles !
Matt pencha sa tête pour observer son tatouage. KILLER… Tueur.
- Et puis c’est vrai, non ? ajouta-t-il.