Nous y voilà.
C’est ici que débute l’affrontement dantesque entre deux héroïnes que tout oppose mais pourtant si complémentaires, et l’entité reptilienne appelée Medusa, monstre mythologique aux dessins désormais dévoilés. C’est ici également que l’on peut prendre la mesure de ce que Batwoman apporte chaque mois à l’univers du comic-book, une vraie légitimité et une portée historique à l’image des peintures grecques antiques qui narraient les périples et les exploits des héros de jadis (la comparaison n’est pas innocente, nous allons le voir) et une preuve sans conteste possible que nous sommesbel et bien devant une oeuvre d’art à chaque page tournée, un éblouissement, une aventure, une odyssée visuelle dont on ne ressort pas indemne.
Nous l’avons vu précédemment, alors que Batwoman et Wonder Woman arrivent par les airs pour porter secours aux habitants de Gotham assaillis de toutes parts par les créatures cauchemardesques et les adeptes de Medusa, elles sont pourtant loin d’imaginer la gravité et l’ampleur des dégâts engendrés par l’Hydre, dragon mythologique quasiment invincible dont les têtes se régénèrent doublement à chaque fois qu’on les coupe.
S’attaquant au Kane Building, notre héroïne est touchée en plein coeur (cet immeuble étant son repère mais renfermant également tout ce dont elle a de plus cher), détail subtilement annoncé dans un numéro précédent, Diana parviendra à la recentrer sur ses objectifs, sa mission, celle de sauver les enfants kidnappés par la Maria.
Nous sommes ainsi balancés entre tragédie grecque et combats homériques, superbement agencés par des textes introspectifs où tout n’est que ressentis et sensations, de la moindre odeur aux sentiments confus où se mêlent peur, doute et hésitation entre les diverses héroïnes (même les plus inattendues !), tout est fait pour vivre ce combat avec elles, de la façon la plus organique et sensorielle possible.
En effet, chaque point de vue narratif est un coup de maître, de Batwoman à Wonder Woman mais également Chase dont l’histoire personnelle est enfin révélée en quelques lignes, Medusa dont le but ultime est de ramener sa mère Ceto, dans la mythologie fille de Pontos (personnification de la mer) et de Gaïa (celle de la terre) et dont l’union avec Phorcys engendrera de nombreux monstres hideux appelés Phorcydes dont les gorgones font parties (bref, je viens en gros de vous expliquer les origines de Christine Boutin). Ce numéro marque également le grand retour de Flamebird dont la détermination et son désir de vengeance n’a d’égal que sa peur au ventre face à celui qui l’a laissé pour morte.
Chaque page, ici extraordinairement (et une fois de plus, mais on ne s’en lasse pas) composée par JH Williams III nous décrit des scènes de combats dignes des plus belles fresques de l’antiquité, les frises de Trevor McCarthy présentes dans l’arc précédent sont reprises en quelque sorte sur différents plans, la mise en scène est d’une richesse incroyable, c’est le délire total, un orgasme oculaire qui vous laisse sur les rotules dans le bon sens du terme bien évidemment. Ce Batwoman #16 fait partie de cette catégorie de comics que vous ne pouvez vous empêcher de relire plusieurs fois, tant ses détails sont nombreux, tant ses voix sont multiples et tant ses références culturelles et graphiques sont riches.
Encore une fois, l’utilisation quasi systématique (et pourtant ô combien habituelle) des splash pages par l’artiste donne cette sensation d’un récit bien trop court, mais il n’en est rien tant celui-ci est protéiforme et visuellement époustouflant. Alors bien sûr j’ai la sensation de me répéter à chaque fois mais je le redis, la série Batwoman est un tournant essentiel dans le petit monde des comic-books, nous en avons encore la preuve avec ce numéro d’exception.